Après avoir suivi la frénésie médiatique de ces derniers jours, il est quand même normal de s’interroger un tout petit peu sur l’information des citoyens par rapport aux différents programmes portés par les cinq candidats à la présidentielle. S’il fallait symboliser l’inadéquation des « visions » de nos candidats avec le vécu de leurs compatriotes qu’ils jurent tant aimer, il convient d’observer lucidement, la manière dont la rutilance des caravanes et la flamboyance des promesses, jurent d’avec la désolation qui entoure les lieux qu’ils ont choisis pour dérouler leur Barnum Politique.
Cette image met en miroir le fait que quasiment tous les candidats et leurs soutiens, ont eu parfois depuis 30 années, maintes fois l’occasion de trouver aux stations qu’ils occupaient, des solutions qu’ils convoquent aujourd’hui dans leurs programmes aux allures jumelles.
Les sénégalais, ont-ils réellement besoin d’un programme ? Ils le vivent tous les jours « le programme », ils l’ont sous les yeux, et ils attendent juste de trouver celui qui va décliner et incarner tout le spectre de LA JUSTICE SOCIALE. La vraie, celle qui respecterait notre devise « Un Peuple-Un But-Une Foi », pas celle ânonnée comme une ritournelle sur les tréteaux de foire, pardon, de campagne… Mais où sont les programmes qui vont ré enchanter l’avenir ?
On a en tout cas eu droit à un combat « Macky contre Tous », arbitré par un Abdoulaye Wade de retour, à la mode Highlander, toujours en état de résurrection et en posture de combat. On a vécu des scènes surréalistes à l’occasion du retour du pape du sempiternel SOPI. Voilà un homme qu’on a éjecté par la fenêtre en 2012 et qui revient nous voir en passant par la grande porte, entouré et sublimé par les mêmes qui vociféraient contre son fils et lui Place de l’Obélisque, il y a à peine 7 ans. On exhibe un bilan quotidien à coups d’inaugurations, c’est valeureux, et en même temps, le pouvoir républicain réalise la prouesse de remettre Wade dans le jeu politique. Sacré bilan… Les hommes et les femmes qui avaient traîné Wade dans la boue, il y a 7 ans, sont allés l’accueillir triomphalement. Cet accueil relayé par l’ensemble des médias – il faut dire qu’il est vendeur ce sacré Laye- , cet inlassable bluffeur et va-t’en guerre de Laye Wade avait ordonné à ses inconditionnels de brûler les cartes d’identité et les bulletins de vote. Il n’en sera finalement rien. Suspect tout de même ce revirement à de meilleurs sentiments. S’il n’épargne pas Macky, il fait bien son affaire ?
En lieu et place de ce combat politique du « seul contre tous », la presse ne nous a proposé que la chronique quotidienne de ce qui faisait l’actualité de la campagne. Et là forcément l’impartialité de la presse a explosé et scindé cet espace entre les partisans du pouvoir et ceux qui ouvraient plus leurs colonnes et antennes à l’opposition : Il y a eu la presse qui a « construit » Sonko, à coups de portraits élogieux, et répercutant ses tournées triomphales, comme illustrant la venue d’un nouveau messie portant l’espoir de la jeunesse ; il y a eu la presse qui a plutôt fouillé dans son placard à la recherche d’éventuels cadavres, et s’est fait l’écho avec gourmandise, des supposés accointements coupables avec des juteuses commissions ; il y a également cette presse qui a soit encensé ou combattu les autres candidats en se lançant dans des commentaires voire analyses parfois à la limite du délire ; il y a eu heureusement une certaine presse responsable jusqu’au bout qui a essayé de jouer la carte de l’équilibre jusqu’au bout.
Il convient aussi de souligner la présence des analystes et experts en tous genres qui se sont lancés dans des analyses abracadabrantesques : Journaliste-communicant, ça donne quand même à réfléchir ; expert en pétrole, il faut visiter le background. Les journalistes ignorent de plus en plus à qui ils ont affaire ! Et pourtant, ils sont journalistes.
Une question importante au finish, avons-nous été justement informés ? Les chances des candidats d’occuper les espaces médiatiques étaient-elles égales ? Lorsqu’en avant-campagne, période durant laquelle l’expression politique était interdite, théoriquement s’entend, la RTS avant chaque JT nous offrait des clips vantant les réalisations du candidat-président Macky Sall. Ce n’est pas de la propagande, c’est un interlude.
Lorsque la TFM invite Macky Sall le dernier jour de campagne pour une émission animée par Dieynaba Seydou Ba, la chaîne dont le président sert de MC au candidat en question, les questions qui lui sont offertes sur un plateau d’argent, induisent naturellement les réponses que l’animatrice naturellement conclut d’elle-même avec une grande complicité. C’est pas de la propagande, c’est de la cohérence.
Lorsque des journalistes sont accusés d’avoir perçu des perdiems des candidats, il est clair que cela nuit à la démocratie que de mettre ceux qui doivent nous aider à faire notre jugement, en situation de « dépendance idéologique » certaine. Or, qui étaient les plus riches ? La réponse est dans la question. Or, la seule question qui vaille est celle qu’on a du mal à se poser. Pourquoi n’a-t-on pas de presse indépendante qui financerait le coût de la campagne en ces nobles occasions où l’indépendance de la presse est cruciale, et qui nous éloignerait de l’esprit l’idée que nous avons plus des « groupes de pression » que des « groupes de presse ». C’est pas de la propagande, c’est l’instinct de survie.
Ce 24 février sera pour la presse comme une heure de vérité, celle où elle peut ressusciter l’esprit du 19 mars 2000, où le tout nouveau téléphone portable avait joué sa partition dans l’histoire. A Wattsapp de jouer !!! Au débit d’internet de ne pas trahir les espoirs des Sénégalais !!
Il faudra à chaque étage de nos rédactions, des hommes capables de résister aux manipulations de tous bords, qui vont leur être soumises, et souvent de bonne foi. Ils ont par le sérieux ou non de leur travail, l’avenir paisible du Sénégal entre leurs stylos, micros ou caméras.