NETTALI.COM – Instant de grande solennité, la prestation de serment à laquelle le Président Macky Sall se soumet ce mardi à Diamniadio, fait partie des moments qui ont marqué l’histoire politique du Sénégal. Des moments pendant lesquelles les voix de certains magistrats ont retenti, soit pour se positionner en défenseurs des Sénégalais, soit pour solder des comptes avec les détracteurs du Conseil constitutionnel.
Léopold Sédar Senghor et son successeur Abdou Diouf ont toujours, durant leurs magistères, préféré prêter serment dans les locaux d’institutions de la République. Histoire de garder la solennité de l’évènement. C’était notamment le cas en 1963 avec la première prestation de serment de Senghor dans la salle de plénière de l’Assemblée nationale. Ce n’est qu’en 2000, avec l’avènement de Wade que la cérémonie de prestation de serment connait un cachet plutôt populaire. Elu à l’issue du second tour de la présidentielle de 2000, Me Abdoulaye Wade choisit le stade Léopold Sédar Senghor avec ses 75 milles places pour prêter serment. En 2012, le Président Macky Sall opte, lui, par les jardins du King Fahd palace.
Toutefois, en dehors de l’endroit choisi par tel ou tel autre président, la cérémonie de prestation de serment a connu de grands moments où des magistrats se sont aussi illustrés. Le premier à s’illustrer dans ce domaine est sans aucun doute Kéba Mbaye, en 1981. Recevant le serment du Président Abdou Diouf qui venait juste de remplacer Senghor, Kéba Mbaye lui lance : «Les Sénégalais sont fatigués.» Une phrase qui restera gravée dans la mémoire collective des citoyens. Le magistrat ajoutait : «C’est le devoir de tous les Sénégalais de faire preuve de maturité, de garder notre pays de l’aventure et d’assurer son développement harmonieux. Cela ne peut être l’affaire d’un homme ou même l’affaire d’un seul parti.»
En 2000 et dans un contexte différent, Youssoupha Ndiaye, président du Conseil constitutionnel, reçoit le serment de Wade au stade Léopold Sédar Senghor de Dakar. Prenant la parole devant le tout nouveau président, le juge constitutionnel lui dit : «Les Sénégalais veulent cesser d’être de courageux affamés d’espoir. Ils souhaitent vivre dans la cohésion, la solidarité et la fraternité, dans le respect des valeurs de progrès.»
Cependant, c’est le magistrat Cheikh Tidiane Diakhaté qui s’est le plus illustré d’une manière, selon certains, négative pendant ces moments de grande solennité. C’est ce qui avait, d’ailleurs, poussé l’ancien ministre Cheikh Tidiane Gadio à lui reprocher un manque d’élégance républicaine. Le 3 avril 2012 face à Macky Sall qui venait de prêter serment, le président du Conseil constitutionnel commence par dire : «Les progrès réalisés à plusieurs niveaux ne semblent pas avoir répondu à l’attente des Sénégalais. Il y a tant de frustration, tant de souffrance, et parfois aussi tant de désespoir dans nos sociétés que l’urgence s’est pratiquement installée partout.»
Mais Cheikh Tidiane Diakhaté ne s’arrête pas en si bon chemin. Il tient à solder ses comptes après les attaques que lui et ses collègues ont subies après la validation de la candidature de Wade dont la contestation avait installé le Sénégal dans la violence politique avec plus d’une dizaine de morts. «Le Conseil constitutionnel, seul organe habilité à dire le droit, estime avoir joué sa partition avec responsabilité, sérénité et impartialité, malgré les contrevérités, agressions, insultes, menaces et invectives. Il a, dans sa plénitude, accompli son devoir avec comme bréviaire l’exhortation de l’écrivain Jérôme Carlos : 'Demain, sous le tir groupé de francs-tireurs embusqués, décochant, depuis leur sombre repaire, des flèches assassines contre votre personne. C’est l’ambigu destin de ceux qui s’élèvent au-dessus du lot commun. C’est dire que, où que vous vous tournez, vous n’avez ni faveur ici, ni grâce là. Soyez et restez d’abord votre propre ami. C'est-à-dire celui qui sait s’écouter lui-même pour n’entendre que la voix de sa conscience'», lance le magistrat devant le nouveau président qui faisait, lui-même, parti des «francs-tireurs» de 2011-2012.
Nul doute que le discours de ce mardi du juge Pape Oumar Sakho ne sera pas de la même tonalité. A moins qu’il veuille, lui aussi, inscrire son nom dans les annales des petites histoires de la cérémonie de prestation de serment au Sénégal.