NETTALI.COM – Dans le communiqué que nous reproduisons, ci-dessous, in extenso, l’Association des bibliothécaires, archivistes et documentalistes exprime son mécontentement, suite à la publication des listes portant sur le recrutement 2019 de la fonction publique.
Le communiqué du Ministère en charge de la Fonction publique du 1er avril 2019 présentant la liste des candidats sélectionnés pour leur engagement dans la fonction publique est la goutte de trop qui a poussé les professionnels de l’information documentaire du Sénégal à manifester leur indignation et leur déception.
Sur un recrutement de près d’un millier d’agents, la fonction publique n’a jugé nécessaire de ne recruter qu’un seul bibliothécaire alors que le besoin de professionnels est réel.
Dans différentes institutions publiques du pays, la situation du patrimoine documentaire est très déplorable : détérioration de documents, abandon d’archives actives et sémi-actives, absence de budget pour la conservation ou l’acquisition de nouveaux documents, absence de personnels qualifiés, non destruction de rebuts d’archives (celles-ci se retrouvent dans les kiosques de vendeurs et dans la rue) etc.
L’absence de professionnels de l’information documentaire dans ce recrutement témoigne d’une ignorance totale de la situation du patrimoine documentaire en péril et constitue une contre-indication des fortes recommandations issues des différents rapports des corps de contrôle de l’Etat et de la volonté exprimée par le Président de la République en différentes occasions.
A titres illustratifs, en 2015, l’OFNAC a déploré les mauvaises conditions de conservation des documents comptables et administratifs, et surtout les innombrables pertes constatées.
L’IGE, dans son rapport public sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes de juin 2015 a souligné une situation préoccupante dans la conservation et la gestion des archives, ainsi que des documents administratifs dans les différentes missions et les audits qu’elle a coordonnés.
Les corps de contrôle ont depuis toujours démontré la place et l’impact fort important d’une bonne gestion des archives et des documents administratifs dans le processus de contrôle et de vérification. La bonne gouvernance passe nécessairement par une bonne politique d’archivage d’où la nécessité d’avoir des professionnels de l’information documentaire au niveau de tous les maillons de l’administration.
Le Chef de l’Etat avait également manifesté au gouvernement sa volonté de voir une politique aboutie en matière d’archivage. En effet, abordant la célébration de la Journée internationale des Archives au cours du Conseil des ministres du 14 juin 2017, le Président de la République avait rappelé au Gouvernement « l’impératif d’assurer, dans toutes les structures publiques et parapubliques, une bonne conservation des archives, et d’asseoir l’appropriation et la mise en œuvre d’une stratégie nationale de modernisation de la gestion des archives, à travers l’implication des universitaires et autres professionnels du secteur ». Il avait demandé au Gouvernement de « veiller à l’intensification de la numérisation des archives et documents administratifs, à la réalisation, dans les meilleurs délais, du Centre national des Archives, ainsi qu’au recrutement de professionnels, bibliothécaires et archivistes, pour assister les administrations ».
Cette instruction du Président de la République est restée sans suite.
Les archives et documents administratifs font partie du patrimoine de la nation et leur conservation est obligatoire. Nous rappelons ci-dessous,
- La loi n° 2006-19 du 30 juin 2006 relative aux archives et aux documents administratifs (2006), promulguée sous le magistère de Monsieur Macky Sall, alors Premier ministre.
- La déclaration universelle sur les archives adoptée le 10 novembre 2011 au cours de la 36ème session plénière de l’UNESCO : « Les archives consignent les décisions, les actions et les mémoires. Les archives constituent un patrimoine unique et irremplaçable transmis de génération en génération. Les documents sont gérés dès leur création pour en préserver la valeur et le sens. Sources d’informations fiables pour une gouvernance responsable et transparente, les archives jouent un rôle essentiel dans le développement des sociétés en contribuant à la constitution et à la sauvegarde de la mémoire individuelle et collective. L’accès le plus large aux archives doit être maintenu et encouragé pour l’accroissement des connaissances, le maintien et l’avancement de la démocratie et des droits de la personne, la qualité de vie des citoyens ».
Nous rappelons avec regret que le Sénégal, pays de culture, cité des premiers intellectuels de l’Afrique n’a pas encore de bibliothèque nationale, institution culturelle, dépôt de la production éditoriale nationale et gardienne de la mémoire pour les générations futures. Le projet de bibliothèque nationale annoncé depuis plusieurs années doit être une priorité du nouveau gouvernement et inscrit dans les grands chantiers de l’Etat. La culture ne se limitant pas seulement à la musique, à la danse et à la lutte, l’érection d’une Bibliothèque nationale et l’effectivité de réseaux de bibliothèques scolaires et publiques en constituent des pans essentiels.
En plus de ses dispositions législatives et réglementaires relativement à jour, le Sénégal a le privilège d’abriter la première école de formation en information documentaire en Afrique. L’Ecole de bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) est un établissement de référence de niveau universitaire dont les produits sont les plus compétitifs dans les appels à candidatures des organisations sous régionales et internationales dans les domaines du traitement de l’information, de la préservation et la sauvegarde des patrimoines documentaires.
Aux regards des considérations rappelées ci-dessous :
- les recommandations des corps de contrôle,
- la volonté exprimée par le Président de la République au Conseil des ministres du 14 juin 2017 et en d’autres occasions,
- les dispositifs législatifs et règlementaires,
- l’absence d’infrastructures modernes et adéquates pour la sauvegarde et la valorisation des patrimoines documentaires et de la mémoire de la nation.
- etc.
L’ASBAD invite le Gouvernement nouvellement installé à :
- s’atteler à un recrutement spécial de bibliothécaires, archivistes et documentalistes dans la fonction publique,
- diligenter les projets du Centre national des archives et de la Bibliothèque nationale du Sénégal,
- engager avec les professionnels la mise en œuvre d’une politique satisfaisante de gestion et de conservation des documents administratifs pour une administration performante et transparente,
- mettre à disposition des locaux adaptés à la gestion et à la conservation des ressources documentaires,
- prévoir dans tous les organigrammes des administrations publiques et parapubliques des services de documentation et d’archives,
- ériger dans l’ensemble des lycées publics une bibliothèque scolaire,
- accompagner les collectivités territoriales dans la mise en place de bibliothèques publiques d’information,
- doter les services de documentation et d’archives existants d’un personnel qualifié avec les infrastructures et équipements adéquats.
L’ASBAD offre toute sa disponibilité à accompagner le gouvernement du Sénégal, ses démembrements et les collectivités territoriales à concevoir et conduire ses projets et programmes en information documentaire.
L’ASBAD appelle tous les professionnels de l’information documentaire autour de son programme de plaidoyer, d’actions et d’activités en faveur de notre communauté professionnelle.
Dakar, le 12 avril 2019
Le Comité directeur de l’ASBAD