NETTALI.COM – Avec la suppression annoncée du poste de Premier ministre, Macky Sall va devenir le seul maître à bord du bateau Sénégal.

En attendant les détails du projet de révision de la Constitution adopté en Conseil des ministres, tout indique que le président de la République, qui dirige également le Conseil supérieur de la magistrature, va concentrer tous les pouvoirs entre ses mains. Cela, en plus d’être le seul chef de la majorité présidentielle, qui a la haute main sur l'Assemblée nationale et le soutien de nombreux chefs religieux du pays. Seulement, une telle option, qui renvoie au monolithisme d'Etat, n’est pas sans danger.

 En 59 ans d’indépendance, le Sénégal n’est resté que 14 ans sans Premier ministre. Léopold Sédar Senghor a été le premier à supprimer le poste de président du conseil au lendemain des événements douloureux de décembre 1962. Mais dès 1970, le président-poète recrée le poste de Pm et le confie à Abdou Diouf. Devenu président après le départ de Senghor, Diouf supprime le poste à son tour avant de revenir sur ses pas quelques années plus tard. Habib Thiam redevient alors chef du gouvernement. C’est que Senghor et Abdou Diouf se sont très vite rendu compte du danger que constitue pour un président de la République, le fait d’être le seul maître à bord. Une question mérite toutefois d'être posé, celle de savoir si Macky Sall aura plus de succès que les deux premiers présidents du Sénégal ? Difficile à dire. Toujours est-il qu’on peut d’ores et déjà mesurer les risques que prend le président de la République en se positionnant comme le seul maître du jeu.

Pourtant, c’est au niveau du «fast-track» que Macky Sall a engagé cette réforme sur la gouvernance de l’Exécutif. Très bientôt, il n’aura donc plus de Premier ministre. Autrement dit, tous les dossiers de l’Etat seront directement gérés par son cabinet. De l’occupation des rues par les marchands ambulants aux contrats pétroliers en passant par la colère des enseignants, des boulangers… Sans compter les questions de défense et de sécurité, la diplomatie, l’économie, la santé… Le risque est alors grand d’assister à des «embouteillages»… de ministres devant le bureau du chef de l’Etat. Et c’est sans doute pour éviter un tel scénario que le chef de l’Etat a subtilement donné au secrétaire général de la présidence, quelques prérogatives d’un véritable Premier ministre. Puisque Mouhamad Boun Abdallah Dionne va coordonner l’action du gouvernement. Mais est-ce que cela suffira pour décharger celui qui veut aller vite ? Rien n’est moins sûr. En réalité, tout indique que Macky Sall est en train de devenir un Paul Kagame sénégalais. C’est-à-dire celui qui doit changer le Sénégal et les Sénégalais. A tout prix. Seulement, à force de concentrer tous les pouvoirs, il prend des risques et fait courir au Sénégal un vrai danger.

En outre, président du Conseil supérieur de la magistrature, il a le soutien de la plupart des chefs religieux du pays. Cette hyperpuissance de Macky Sall renvoie à un monolithisme d'Etat, comme ce fut le cas entre 1963 et 1974, avec le "Parti unique" de fait. Cela, d'autant plus que l'Assemblée nationale semble être une chambre d'enregistrement du gouvernement, au lieu de jouer son rôle de contre-pouvoir.

Et c’est le même scénario qui se dessine au sein de la mouvance présidentielle où tous les partis ont fini de faire allégeance au chef de l’Alliance pour la république (Apr). La preuve : à l’exception de Souleymane Ndéné Ndiaye et Me El hadji Diouf, ils ont tous applaudi l’idée de supprimer le poste de Premier ministre. Pourtant, l’écrasante majorité des membres de Benno Bokk Yakaar n’a jamais été consultée sur la question. Il s’y ajoute que depuis la présidentielle du 24 février, l’opposition est entrée dans un silence inquiétant. Même pas une déclaration de principe sur la volonté du chef de l’Etat de supprimer le poste de Pm. Il n’y a pratiquement que les «petits partis» comme les Fds de Babacar Diop et Agir de Thierno Bocoum qui élèvent leur voix à peine audible. Très en verve avant l’élection présidentielle, Ousmane Sonko et son parti étonnent par leur silence. Idem pour Idrissa Seck et sa coalition. Du côté du Parti démocratique sénégalais (Pds), les responsables peinent à accorder leurs violons. Résultat : le Président Macky Sall est en roue libre pour engager les réformes qu’il veut. La question est alors de savoir que sera le maître à bord quand le bateau commencera à tanguer et que les premiers rats quitteront le navire.