NETTALI.COM - Une nouvelle polémique prend naissance au Sénégal et c'est autour du taux de croissance. L’Etat et le Fmi ne partagent pas les mêmes chiffres. Des différences récurrentes qui intriguent à plus d'un titre ?
Dans son édition de ce jeudi, le quotidien EnQuête révèle que, selon le Fonds monétaire international, « le taux de croissance du Sénégal est en chute et s’établit à 6,2% en 2018 », contre 7,2% en 2017. Un chiffre battu en brèche par le gouvernement à travers la direction de la Planification des politiques économiques, qui parle de 6,8%.
Le document a été présenté, notamment, par Papa Ndiaye, chef de la division des études régionales au Département Afrique du FMI. Cela, en présence du ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo.
« C’est un chiffre sur lequel nous ne sommes pas d’accord avec le Fmi. Au fait, ils n’ont pas réactualisé leurs chiffres. On leur a notifié cela et ils vont le corriger », conteste Pierre Ndiaye, directeur de la Planification, dans les colonnes de EnQuête.
D’ici là, relevons que c’est la deuxième fois, sous Macky Sall, qu’on assiste à une polémique entre l’Etat et le Fmi autour du taux de croissance réel.
Lors de son discours de Nouvel An du 31 décembre 2015, le chef de l’Etat, confirmant l’alors ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, Amadou Bâ, avait déclaré que le PIB du Sénégal avait enregistré 6,4% de croissance en 2015. Il sera vite démenti par un rapport du Fmi publié le 7 janvier 2016 et estimant ce taux de croissance à 5,6%.
Le 23 juillet 2016, lors de la cérémonie d’inauguration d’un échangeur à Dakar, Macky Sall affirma que le taux de croissance économique du Sénégal n’avait pas dépassé 1,7% en 2012. Une enquête menée par les soins de Africa Check, auprès de la Direction de la prévision et des études économiques et de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie, démontra le contraire. « Le Sénégal n’a pas connu une croissance économique de 1,7% en 2012 mais près du double. Le taux avancé par le Président Macky Sall est donc incorrect. En effet, la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE) et l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) fixent le taux de croissance économique du Sénégal à 3,5% en 2012 et à 2,1% l’année précédente. Ce taux de croissance est confirmé par les partenaires du Sénégal dont la Banque mondiale (3,4%), le Fonds monétaire international (FMI) (3,7%) et l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) (3,5%) », corrigera Africa Check.
Ce vendredi 3 Mai, Enquête est d'ailleurs revenu sur le sujet dans un entretien avec Meïssa Babou qui reste perplexe sur les taux annoncés : "Depuis l’arrivée d’Amadou Ba au ministère des Finances (Monsieur Ba a été remplacé lors du dernier remaniement ministériel), on a commencé à avoir des problèmes de chiffres. En 2016, entre l’ANSD et le service des statistiques du ministère des finances, il y avait des divergences. L’ANSD parlait d’un taux de 2,5% de croissance ; et il a fallu 72 heures à Amadou Ba pour nous projeter vers 3,5%. Il arguait que les agents de l’ANSD avaient oublié des données. Depuis lors, si vous regardez bien, c’est plus 1 chaque année. Moi, en tout, cas je suis très pessimiste vis-à-vis de ces chiffres..."
Outre le taux de croissance, la véracité des chiffres sur la dette publique du Sénégal a constitué, durant le septennat, une pomme de discorde entre la majorité et l’opposition. Dès fois, le dialogue de sourds a viré à la querelle sémantique. C’est ainsi que le président Sall a toujours réfuté la notion de « surendettement » que ses adversaires ont voulu appliquer à l’état de l’économie sénégalaise.
Devant cet imbroglio, le contribuable ne sait plus à quels chiffres se fier. Toute la question est maintenant de savoir si le chef de l’Etat a la bonne information. Pour donner plus d’ampleur à notre inquiétude, nous nous demandons si Macky Sall n’est pas manipulé. Par qui ?
A noter que le taux de croissance du Sénégal projeté par le FMI se situe à un peu de moins de 7 % en 2019 et à 7,5 en 2020.