NETTALI.COM – Rappelé à Dieu ce mardi au lendemain de sa condamnation à dix ans de travaux forcés par la chambre criminelle de Mbour dans l’affaire du double meurtre de Madinatoul Salam, Cheikh Béthio Thioune est parti avec ses mystères, notamment en ce qui concerne la relation privilégiée qu'il avait avec Serigne Saliou Mbacké Ibn Khadimoul Rassoul.
«Jammu Serigne Saliou», «le fou de Serigne Saliou», «Jambari Serigne Saliou», «le cheikh de Serigne Saliou»… Autant de noms que l’opinion collait à Cheikh Béthio Thioune. C’est que jamais personne n’a pu expliquer la relation privilégiée qu'il avait avec le guide des thiantacounes auprès du cinquième khalife de Cheikh Ahmadou Bamba. On dit, d’ailleurs, de lui qu’il était l’un des rares hommes qui pouvaient arracher un sourire à Serigne Saliou Mbacké. Et Cheikh Béthio avait cette qualité du bon mouride, c’est-à-dire vouer un amour inconditionnel à son guide et ne jamais discuter ses directives.
La rencontre entre le guide des thiantacounes et le fils de Khadimoul Rassoul remonte au 17 avril 1946 à Tassette, village situé dans le département de Mbour. Ce jour-là, Cheikh Béthio, âgé alors de huit ans et son frère Guillé Thioune, ont couru derrière la calèche qui transportait Serigne Saliou également appelé Saliou Mbour en raison de son attachement à cette partie du Sénégal.
Malgré de brillantes études entamées le 3 novembre 1947 à l’école française régionale de Mbour jusqu’au CE2 en 1952 et qui le mèneront jusqu’à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature où il partage la même promotion qu’un certain Ousmane Tanor Dieng, Cheikh Béthio est toujours resté très lié à Serigne Saliou Mbacké dont il fait partie des plus fidèles talibés. Béthio s’est fait connaître à travers l’organisation de manifestations en hommage à son guide. Cérémonies au cours desquelles des centaines de moutons et de bœufs sont immolées. Le 11 nombre 1983, il est élevé au grade de Serigne au daara de Ndiapandal fondé par Serigne Saliou. Et en 1987, il devient Cheikh. Certains disent d’ailleurs qu’il serait le premier disciple mouride à être élevé au grade de Cheikh depuis le dernier investi par Cheikh Ahmadou Bamba en 1912.
Quand il décide de s’installer dans la cité religieuse de Touba, Serigne Saliou lui octroie un domaine de plusieurs hectares à Janatoul Mahwa. Béthio y construit son quartier général où il reçoit des milliers de talibés pendant les trois jours du Magal annuel de Touba. C’est également grâce à Serigne Saliou que Béthio Thioune devint président du Conseil rural de Touba de 1996 à 2000. Il a, d’ailleurs, beaucoup contribué à la modernisation de la gestion de la communauté rurale de Touba depuis commune avec l’acte 3 de la Décentralisation.
Entre Cheikh Béthio Thioune et Serigne Saliou Mbacké, c’est aussi une relation faite d’anecdotes et de petites histoires souvent difficiles à vérifier, mais qui, quelque part, renseignent sur la nature de la relation entre les deux hommes. Les proches du Cheikh racontent, par ailleurs, que Serigne Saliou avait prédit que la mort de son «soldat» interviendrait pendant un mois de Ramadan. Il se dit également que le cinquième khalife de Bamba avait, un jour, dit à Béthio qu’au-delà de 80 ans, chaque jour qu’il passerait sur terre ne serait que bonus. Le guide des thiantacounes est mort à l’âge de 81 ans.