NETTALI.COM - Une quinzaine de gouvernements, dont la France, et les géants du net ont signé un engagement commun pour limiter la propagation de contenus violents en ligne. Les États-Unis ont de leur côté annoncé qu’ils ne signeraient pas «l’appel de Christchurch».
Trois présidents, cinq premiers ministres, un roi , un vice-président et huit représentants de l’industrie des nouvelles technologies autour de la table. Tous se sont réunis mercredi après-midi, à l’invitation des gouvernements français et néo-zélandais, pour signer «l’appel de Christchurch». Ce texte de quatre pages définit des grands engagements pour les autorités et les entreprises du Web afin de lutter contre la publication et la propagation des «contenus terroristes et de violence extrémiste» en ligne.
Ce texte est une initiative de la ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern, en réaction à l’attentat de Christchurch (Nouvelle-Zélande), où un terroriste d’extrême droite a tué 51 personnes dans deux mosquées, filmant et diffusant en direct son massacre sur Facebook. Il s’agit d’un ensemble d’engagements volontaires pris par les gouvernements et les entreprises soutenant l’appel. Le but étant d’entamer un travail de collaboration et de réflexion sur le long terme à propos des contenus terroristes en ligne, un peu à la manière de «l’appel de Paris», dans lequel Emmanuel Macron avait appelé ONG, États et géants du Web à mieux sécuriser le Web et à protéger les internautes d’attaques informatiques.
Plus de transparence
Ainsi, les gouvernements soutiens du texte s’engagent à, pêle-mêle, «lutter contre les causes du terrorisme et de la violence extrémiste», «appliquer les lois» déjà existantes dans leur pays pour punir la diffusion de contenus problématiques, ou à «garantir que les médias traitent de manière éthique» les attentats, c’est-à-dire en diffusant des images des attaques et des terroristes de manière responsable. Ils promettent aussi de collaborer avec les plateformes en ligne à l’avenir afin de réfléchir aux meilleurs outils pour mener cette lutte contre l’extrémisme. Une vingtaine de pays ont officiellement signé mercredi le texte, dont la France, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, le Sénégal, l’Indonésie, l’Inde, le Japon et la Jordanie. C’est aussi le cas de la Commission européenne, représentée par son président Jean-Claude Juncker. En revanche, la Maison-Blanche a annoncé ce mercredi qu’elle ne signerait pas «l’appel de Christchurch». «Bien que les États-Unis ne soient pas actuellement dans une position de se joindre à l’adhésion, nous continuons de soutenir les objectifs généraux représentés», a indiqué Washington.
Du côté des entreprises qui soutiennent «l’appel de Christchurch», celles-ci s’engagent à «prendre des mesures transparentes» concernant la conception et l’application de leurs règles sur la modération des contenus terroristes. Elles promettent également une «analyse des algorithmes et des autres processus automatiques qui peuvent amplifier la propagande terroriste et pousser les internautes à consulter ce genre de contenus». Parmi les premiers soutiens, on retrouve les réseaux sociaux Twitter et Facebook, le géant de l’informatique Microsoft, Google (aussi propriétaire de la plateforme de vidéos YouTube), Amazon, ainsi que les entreprises françaises Dailymotion et Qwant.
Parallèlement, cinq de ces entreprises (Amazon, Google, Microsoft, Facebook et Twitter) ont pris neuf engagements plus concrets, portant par exemple sur la mise en place d’un système de modération des contenus spécifique à la vidéo en direct, ou le développement d’une base de données commune à tous les acteurs du Web, y compris les plus modestes, pour repérer plus facilement la propagande violente (un travail déjà entamé en 2016). Elles souhaitent également mettre en place un «protocole de crise», qui puisse être activé en cas d’évènements graves nécessitant une réaction rapide.
Plusieurs projets de loi
Tous ces engagements ne sont pas des obligations ; beaucoup sont en fait des mesures qui ont déjà été prises auparavant par les entreprises et les gouvernements qui soutiennent le texte. Néanmoins, pour les participants, cette initiative doit marquer un temps fort médiatique, et un travail sur le long terme. Une nouvelle réunion sur le sujet doit ainsi être organisée en septembre, lors de la prochaine assemblée générale des Nations unies, à New York, avec potentiellement de nouveaux signataires, du côté de l’industrie des nouvelles technologies comme des autorités.
Cette initiative s’inscrit par ailleurs dans un contexte tendu pour les grandes plateformes, accusées de toutes parts de mener un travail de modération inefficace face à la prolifération de la haine en ligne. Après avoir protesté contre toute forme de législation en la matière, elles s’y montrent désormais ouvertes. Elles n’ont de toute manière pas vraiment le choix. En Europe, plusieurs projets de loi ou règlements entendent déjà forcer les géants du Web à prendre leurs responsabilités. Le parlement européen a adopté en première lecture un règlement obligeant les entreprises du numérique à supprimer les contenus faisant l’apologie du terrorisme en moins d’une heure. L’Allemagne a déjà mis en place un dispositif forçant Facebook, YouTube et d’autres à réagir aux signalements de contenus haineux en moins de 24 heures. En France, la députée LREM de Paris Lætitia Avia défendra avant la fin de l’été une loi contre la haine en ligne, renforçant elle aussi les contrôles visant les géants du Web.
Avec Lefigaro.fr