NETTALI.COM - Après avoir repoussé l’échéance, la première ministre britannique a annoncé qu’elle quittera finalement le pouvoir le 7 juin prochain avec le « regret de ne pas avoir pu le mettre en œuvre ».
« Je servirai comme première ministre aussi longtemps que vous voudrez de moi », avait promis Theresa May au lendemain des catastrophiques élections législatives anticipées qu’elle avait maladroitement organisées en juin 2017.
Vendredi 24 mai au matin, devant la célèbre porte noire du 10, Downing Street, la première ministre a tiré les conséquences de la totale perte de confiance, voire de la défiance de ses ministres et des députés conservateurs. Presque trois ans après le référendum sur le Brexit, après trente-quatre mois passés en vain à mettre en œuvre la décision des électeurs britanniques, Mme May a dû, contre son gré, annoncer qu’elle démissionnerait le vendredi 7 juin.
« J’ai convenu avec le président du parti [conservateur] que la procédure d’élection d’un nouveau leader commencera la semaine suivante », soit le 10 juin. Après Margaret Thatcher, John Major et David Cameron, Mme May est la quatrième première ministre conservatrice à chuter sur la question de l’Europe.
Les députés tories, furieux de ses dernières concessions ouvrant la possibilité d’un second référendum sur le Brexit, ne lui ont pas laissé d’autre choix. Un refus de sa part aurait entraîné un vote de défiance. Pour lui permettre de partir dignement, ils ont seulement accepté de reporter la date de sa démission après la visite au Royaume-Uni de Donald Trump, du 3 au 5 juin et après les cérémonies marquant l’anniversaire du Débarquement allié en Normandie, le 6.
Trois années d’échecs en cinq dates : le bilan de Theresa May
« J’ai négocié les termes de notre départ [de l’UE]. J’ai fait tout ce que j’ai pu pour convaincre les députés de soutenir cet accord, a-t-elle déclaré. Malheureusement, je n’ai pas pu y parvenir. Il m’apparaît à présent clairement qu’il va de l’intérêt du pays qu’un nouveau premier ministre conduise cette tâche ».
Affirmant son « regret profond de ne pas avoir pu mettre en œuvre le Brexit », elle a poursuivi : « Mon successeur devra aboutir à un consensus. Ce consensus sera possible seulement si, des deux côtés du débat, on accepte un compromis ». L’avertissement peut s’adresser en particulier à Boris Johnson, favori pour sa succession, et partisan d’un Brexit dur.
Militante du parti conservateur depuis sa jeunesse, Mme May, 62 ans, s’est dit confiante pour l’avenir des Tories. Alors que les sondages prédisent un score calamiteux (moins de 10 % des voix) aux élections européennes qui ont eu lieu jeudi 23 juin au Royaume-Uni mais dont les résultats ne seront annoncés que dimanche soir, la première ministre en partance a affirmé :
« Je sais que le parti conservateur peut se renouveler dans l’année qui vient. Je sais que nous pouvons mettre en œuvre le Brexit. »
L’émotion a commencé à la submerger lorsqu’elle a dit : « Je vais bientôt quitter la fonction qui a été l’honneur de ma vie de servir. La deuxième femme première ministre, mais certainement pas la dernière ». Les pleurs sont venus lorsqu’elle a évoqué sa reconnaissance de « servir le pays qu’elle aime ». Puis la femme de devoir s’est rapidement éclipsée vers la porte noire plutôt que de donner le spectacle de son trouble.
Theresa May restera en fonction jusqu’à ce qu’un nouveau leader du parti conservateur soit nommé, d’ici au 20 juillet. Au Royaume-Uni, le chef du parti qui commande une majorité au Parlement devient automatiquement premier ministre. La procédure de nomination se déroule en deux temps : les députés sélectionneront les deux meilleurs candidats, puis les adhérents du parti les départageront.
Boris Johnson est l’ultra favori des adhérents. Il n’est guère apprécié des députés, mais ses contempteurs sont en train de se tourner vers lui. Après la victoire annoncée du Parti du Brexit (extrême droite) de Nigel Farage aux élections européennes, M. Johnson apparaît à beaucoup d’élus conservateurs comme le seul capable de mettre en œuvre le Brexit que les électeurs conservateurs réclament. Nombreux sont ceux qui estiment aussi que lui seul peut les aider à se faire réélire lors des législatives qui suivront probablement la nomination du prochain premier ministre, si, comme c’est probable, l’icmpasse parlementaire persiste. Rapidement après la démission de Theresa May, Boris Johnson a pris la parole : « Merci pour vos services stoïques rendus à notre pays et au Parti conservateur. Il est maintenant temps de suivre (vos) exhortations : se rassembler et mettre en œuvre le Brexit », a tweeté celui qui promet de reprendre la négociation à zéro.
Theresa May, la naufragée du Brexit
Le calendrier annoncé vendredi pour la démission de Theresa May exclut la nouvelle tentative de vote d’une version amendée de l’accord sur le Brexit qu’elle souhaitait faire au début de juin. Cela signifie probablement que le « deal » avec Bruxelles laborieusement négocié pendant près de deux ans est politiquement mort avec la première ministre qui a tenté en vain de le faire ratifier. Coup de tonnerre dans la vie politique britannique, le départ de Mme May en est aussi un pour l’Union européenne.
En France, Emmanuel Macron, qui salue « son travail courageux », a appelé à une « clarification rapide sur le Brexit ». En Allemagne, Angela Merkel a dit « respecter » la décision de Theresa May, refusant de se prononcer sur les conséquences de la démission sur le Brexit, un processus « qui dépend des évolutions de la politique intérieure britannique ».
Avec Le Monde