NETTALI.COM - L’expérience, sert-elle vraiment à Macky Sall quant à la gestion de la communication gouvernementale ? Il  a en tout cas beaucoup été question de défaillance dans ce domaine, sous son magistère ? La liste est bien longue des journalistes qui se sont succédé, sans grand succès à ce poste de conseiller en communication.

Les années passent et la communication gouvernementale manque toujours autant d’âme. Toujours aussi désastreuse. A chaque nouvelle affaire sensible, c’est la même rengaine, la même cohue, le même désordre, les mêmes menaces et insanités, la même pauvreté des arguments, la même vacuité des discours… Il en sera de toute façon toujours ainsi de cette communication, tant qu’elle ne sera pas confiée à des personnes compétentes, d’expérience et à la renommée solidement établie.

C’est à croire même que le Président Sall se soit à ce point résigné à recruter des communicants compétents, qu’il improvise désormais dans sa communication, à chaque fois qu’une crise s’installe. Ce qu’on note dans ces situations de crises gouvernementales, ce sont toujours des réactions sous le coup de l’émotion, de l’improvisation. Jamais d’anticipation, toujours de la rétention d’informations jusqu’à ce que les cafards sortent du placard et que le ciel tombe sur les tenants du pouvoir. Jamais de préparation, aucune organisation, aucune gestion de la prise de parole, etc. Que des mots sortis à l'emporte pièce, sans recul, ni précaution.

Tenez-vous bien, dans cette affaire de supposée corruption sur le pétrole sénégalais, l’impréparation et l’absence d’arguments réfléchis et articulés, ont contribué à amplifier la crise, à lui donner plusieurs souffles, plusieurs vies. Artisans de son propre lynchage, devrait-on dire du pouvoir !

C’est d’abord Macky Sall qui est monté au créneau, à l’issue de la prière de Korité pour défendre son frère et surtout adopter un discours de fermeté ! Il y a bien longtemps que les Sénégalais sont habitués à cette attitude : « Il y a des choses qui ont été dites. Des accusations qui ont été formulées. Mon frère (Aliou Sall) a même été cité. Mais, je tiens à dire que personne ne peut salir mes actions. Ce qui est dit sur les contrats pétroliers et gaziers au Sénégal ne correspond pas à la vérité. Ce qui a été dit, a été fait pour pousser les populations à se révolter. Mais je rassure les Sénégalais. Je ne suis pas quelqu’un qui se laisse faire. Je ferai face (…) Le gouvernement apportera des éclaircissements. … « mon frère... ». Propos anti-républicains même si son parti est dénommé Alliance pour la République !

Le gouvernement, comme l’avait promis Macky Sall, est ensuite monté au créneau via une conférence de presse qui n’en sera finalement pas une. Catastrophe, la porte-parole du gouvernement Ndèye Tické Ndiaye lit un texte au lieu d’être dans une logique d’échange avec la presse nationale et internationale. Le pire est qu’elle bute sur les mots, surtout dans ce moment polémique sur un sujet aussi polémique. Signes évidents de tract, d’impréparation et de manque de sérénité. Le gouvernement aurait mieux fait d’envoyer un communiqué de presse, gagner du temps, au lieu de se priver de moments de réflexion plus sereine. Dans ce pays du culte du diplôme, le parchemin de spécialiste de gestion de crise de la ministre, ne lui aura pas servi à grand-chose ! Elle est certainement compétente dans le domaine où on l’a nommée, mais c’est encore une fois la question du casting version Macky Sall qui suscitera encore et toujours, des interrogations. Même Birima, la lumière de Diakarlo de la TFM, ne s’y est pas trompé. Il s’est demandé quel type de gouvernement est celui de Macky Sall, ajoutant que « lorsqu’ils parlent, c’est une bombe ».

La réaction la plus surprenante dans ce concert de réprobations, a été celle du garde des Sceaux qui est apparu sous sa robe d’avocat d’Aliou Sall. Normal, me dira-t-on, il est d’abord avocat, la déformation professionnelle est à son comble. « Aliou Sall a dit que tout ce qui a été dit contre lui est faux. Il a nié les faits. » Pour un avocat, M. Sall n’as pas dû beaucoup cherché ! Croyant qu’il allait s’arrêter en si bon chemin, ce dernier nous assomme avec cette phrase qui prête à rire : “Je ne pense pas qu’un musulman comme Aliou Sall, revenant de la Mecque pour la Oumra, puisse se fourrer dans ces histoires de corruption. De toute façon, cette affaire ne me concerne point, car étant une affaire privée. Elle ne concerne que Aliou Sall et celui qui l’accuse. D’ailleurs, le maire de Guédiawaye dit qu’il a déjà saisi la justice nationale et internationale. Il ne s’enfuit pas”. La plaidoirie est des plus brillantes ! Lool

La suite, on la connaît. C’est la pléthore de ministres et ces opportunistes en tous genres de l’Apr et de Benno Book Yaakaar qui s’invitent au débat, craignant qu’on leur reproche leur manque de solidarité vis-à vis du frère du Président. Ceux-là sont entrés en scène, les uns aussi lamentables que les autres dans des discours ponctués d’accusations de traîtrise à l’endroit des opposants et de menaces à peine voilées. Bref tout y passe, même les lapsus voire des erreurs : Amadou Ba dont on ne sait s’il a commis un lapsus ou s’il a fait exprès, dira qu’ « Aliou Sall a été dénoncé ». Ce dernier doit avoir bien apprécié.

Matar Ba, le ministre des Sports, se retrouvera dans les habits d’un prêcheur :  « Je ne suis pas de ceux qui prennent comme référence les reportages de BBC. Moi je suis dans un lieu sacré, la mosquée de Cheikh Ahmadou Bamba. Moi je mets en évidence ce que l’Imam vient de dire pour la concorde et la paix, l’unité du Sénégal. C’est ça qui fera le salut de notre pays (…) Il faut qu’on comprenne que le décret divin est inévitable et que tout ce qu’on a dans ce bas monde, est décidé avant notre naissance par le bon Dieu… ». Eh oui, la politique mène à tout.

Au finish, on aura assisté à une véritable cohue, un bordel inexplicable qui finalement n’a de conséquences que d’amplifier l’affaire, d'enfoncer les mis en cause Et les attaques contre les opposants du moment, Sonko, Abdoul Mbaye, Thierno Alassane Sall et Mamadou Lamine Diallo… ne feront qu’aggraver les choses, souffler sur les braises et mettre davantage d’eau dans le moulin des opposants.

Madiambal Diagne et Ibrahima Sané, ancien journaliste de BBC Afrique, auront beau relevé des insuffisances dans le travail d’investigation de la journaliste Mayena Jones, rien n’y fera. Les auditeurs du dimanche sont restés sur leur faim. Ils attendent de vraies réponses sur les vraies questions. Relever des insuffisances dans le travail journaliste, n’accrédite pas forcément l’idée que la question sous-jacente que tout le monde se pose, n’est pas vraie. Madiambal enfoncera le clou jusqu’à évoquer une question de complexe que les Sénégalais auraient vis-à-vis des médias occidentaux : « les gens ne doivent pas hésiter à souligner les tares des médias occidentaux lorsqu’ils sont en rupture avec les règles journalistiques ». Détracteurs des médias occidentaux un jour, pro-médias occidentaux, un autre jour. Quelle versatilité ! Pardon de nos dirigeants. Un argument d’ailleurs largement utilisé par les partisans du Macky, oubliant même que leur patron a souvent eu recours à ces médias pour faire certaines annonces importantes. Les médias occidentaux comme les nôtres, ont bien sûr leurs tares, mais on ne peut décider en quelques jours de leur ôter toute crédibilité, ce sont pour la plupart des institutions et reconnus comme tels dans le monde entier.

Momar Diongue, à l’émission « l’Essentiel », sur Sen Tv faisait bien de remarquer que la journaliste en question, a fait un travail d’enquête d’une année. Une pierre dans le jardin des journalistes sénégalais et les patrons qui ne consacrent malheureusement pas beaucoup de moyens et de temps pour mener des investigations dignes de ce nom. Ils sont désormais passés maîtres dans l’art d’être des caisses de résonance. Sauf que Madiambal n’est pas de cet avis puisqu’il pense qu’avec cette enquête, rien de nouveau sous le soleil. Tout a déjà été dit, même si le reportage a eu comme effet d’avoir secoué toute la République.

Coup de théâtre, le procureur de la république décide enfin de s’intéresser à l’affaire après que le ministre de la justice a reçu l’ordre de saisir le procureur général près de la Cour d’appel qui, à son tour va secouer le procureur de la république qui mettra la DIC et la section de recherches en alerte maximum. Et pourtant Me Malick Sall, leur supérieur hiérarchique à tous les deux, a déjà rendu son verdict dans le procès du « musulman Aliou Sall, débarquant fraîchement de la Oumra ».

Il paraîtrait même que le Président Sall n’est pas au courant de ce fameux rapport de l’Inspection Générale d’Etat, produit depuis six ans ! La justice est en branle pour démasquer la taupe qui a fait fuiter le fameux rapport, mais aussi pour entendre tous ceux qui en savent bien long sur cette affaire. Aliou Sall et Mayena Jones devront de toute façon être entendus. Diversion ou étouffement de l’affaire ? Cela veut-il dire que s'il avait eu ce rapport, Macky Sall n'aurait peut-être pas signé ce décret d'application du contrat ? Il y a au fond quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette affaire.

Ngouda Fall Kane, ancien du CENTIF est même étonné d'apprendre cela et le relève dans une interview de l’Obs.

En tout cas pour une messe, elle est bien dite. Le limogeage d’Aliou Sall que souhaitent beaucoup d’intervenants de ce dimanche 9 juin sur les radios majeures avec l’objectif de calmer le jeu, n’a pas pour le moment eu lieu. Macky Sall en a décidé autrement. Il a tout simplement sonné la fin de la récréation. C’est comme s’il avait dit aux gens de son camp : « Armée mexicaine, garde à vous ! Gare à celui qui s’aventurera à dire un mot de plus. Ce sera désormais chez Serigne Bassirou ». Mais pour l'heure, le signal donné est que c'est la protection d'Aliou qui est devenu l'enjeu du moment. Mamadou Seck avait démissionné en son temps ; Mambaye Niang, dans l'affaire Prodac avait rendu le tablier avant que Macky Sall ne s'y oppose. Même Moustapha Diakhaté a estimé nécessaire de demander la démission d'Aliou Sall, même si entre les deux... Loin de prendre position dans cette affaire, l'invasion du clan Faye Sall dans les sphères du pouvoir devient un véritable fardeau pour le pays. Abdou karim Sall, ne disait-il pas récemment dans "Quartier Général", lors du Ramadan passé que c'est Macky Sall qui avait élu son oncle Thimbo à la mairie de Pikine. Lapsus révélateur avant que celui-ci ne tenta de préciser que c'était par la voie de l'élection municipale.

Le procureur a certes parlé mais l’enfant terrible de l'opposition Ousmane Sonko, n’en a cure. Il n’a pas perdu de temps. Il ne s’est pas mis au garde à vous, tel un soldat, il a préféré servir une réponse sur sa page facebook.  «J’ai suivi pour une fois, avec beaucoup d’amusement, le procureur de Macky Sall jouer sa participation dans la tentative désespérée de diversion d’un pouvoir (…). Le bras judiciaire de Macky Sall semblait plus être  dans son meeting politique que dans une conférence de presse d’un procureur. Au service de son “maître” il s’est lancé de manière péremptoire dans du “garouwalé” invitant : “les experts pétroliers, à quitter les médias et les réseaux sociaux et aller aider les enquêteurs”. Ainsi ne parle pas un procureur! », a réagi le leader de Pastef.

Toutefois, il dit le prendre au mot et se met « à la disposition totale de ses “enquêteurs” pour réitérer et fournir les preuves de (ses) accusations.

Abdoul Mbaye, l’ancien premier Premier ministre de Macky Sall, lui aussi, a promptement réagi pour dire qu’il se tient à la disposition de la Division des investigations criminelles (DIC) et donnera les éléments dont il dispose.  « Non seulement, je vais dire aux enquêteurs ce que je sais, mais je vais leur expliquer parce qu’il n’est pas certain qu’à chaque fois que leur formation leur permette d’appréhender certaines questions », dit-il.

Affaire en tout cas à suivre pour un feuilleton qui a encore de beaux jours devant lui.