NETTALI.COM- « L’indépendance de la justice est une question de personnalité du magistrat. C’est l’avis de l’ancienne procureure de la République, Dior Fall Sow qui, pour étayer ses propos, est revenue, au cours de l’émission « Jury du dimanche » sur son expérience personnelle, non sans soutenir qu'avec l'existence du ministère de la Justice, elle a l’impression que la justice est sous tutelle.
L’ancienne magistrate ne veut pas croire à l’existence de lien ombilical entre le parquet et le ministère de la Justice puisque la Constitution reconnaît trois pouvoirs : l'Exécutif, le Législatif et le Judiciaire.
Dior Fall Sow est toutefois d’avis qu’il appartient à la Cour suprême, aux Cours d’appel, d’assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire et au-delà des magistrats eux-mêmes.
A ce propos, la première femme procureure du Sénégal a pris exemple sur son propre vécu professionnel. Elle a confié avoir reçu d’ordre dans le cadre de sa profession, à deux reprises. C’était dans le cadre d’un dossier de meurtre impliquant un homme politique, à Guet Ndar. « A l’époque, j’étais procureure, c’est moi-même qui avais fait l’enquête avec la police. Et la famille de la victime avait dit que « la première personne qui sortait, elle allait la tuer parce qu’elle ne croyait pas en la justice. Je leur ai dit que l’affaire ira jusqu’au bout. C’est un engagement personnel que moi je prends en tant que magistrat. Je suis allée jusqu’au bout », raconte-elle.
Et de poursuivre : « c’est la seule fois que j’ai reçu deux (2) appels du ministère de la Justice pour essayer de faire pression sur moi. » Revenant sur les motifs de ces interpellations, elle a expliqué que c’était à l’information et le ministère lui avait demandé de disqualifier le meurtre en en coups mortels. « J’aurai pu ne pas répondre mais j’ai fait exprès de répondre et j’avais répondu que si l’information était bien faite, j’allais requalifier en assassinat. Ce qui est plus grave », dit-elle tout en précisant qu’on lui avait également demandé de se dessaisir, mais elle a refusé.
C’est compte tenu de cette expérience de Dior Fall Sow considère que « l’indépendance de la justice, c’est d’abord une question de personnalité du magistrat et qu’il appartient donc aux Cours et Tribunaux d’assurer cette indépendance. »
"Avez-vous vu les hauts magistrats participer à la nomination des ministres ou au Conseil des ministres ?
Poursuivant, l’invitée de Mamoudou Ibra Kane, d’ajouter : « c’est l’article 7 du statut qui dit que les magistrats du Parquet sont sous la direction et le contrôle de leur supérieur hiérarchique et sous l’autorité du ministère de la Justice. Personnellement, j’ai gardé le premier tronçon dans toute ma carrière, à savoir que j’étais sous la direction de mon supérieur hiérarchique à savoir le Procureur général et que peut-être lui était sous l’autorité du ministère de la Justice. »
Par ailleurs, l’ex-procureure générale à la Cour pénale internationale se dit gênée par le fait que Conseil supérieur de la magistrature (CSM) soit présidé par le chef de l’Etat. Elle n’approuve pas également l’existence du ministère de la Justice. « Lorsqu’on nous parle de ministère de la Justice, j’ai l’impression que la justice est sous tutelle. Je ne vois pas pourquoi un pouvoir est contrôlé par un autre pouvoir. Est-ce que vous avez vu les hauts magistrats du pouvoir judiciaire participer à la nomination des ministres ou au Conseil des ministres ? Est-ce qu’ils participent au fonctionnement du bureau de l’Assemblée nationale ? », fulmine Dior Fall Sow.