NETTALI.COM-Une rocambolesque affaire d’abus de confiance a été jugée selon EnQuête, ce vendredi par le tribunal de grande instance de Mbour. L’avocat de la défense, Me Moïse Mamadou Ndior, la trouve « choquante », au point qu’il invite l'Ofnac et le ministère public à s'autosaisir. Car, des sommes mirobolantes ont été échangées entre un comptable public et un cambiste.
Khadim Ndiaye est un cambiste qui évoluait au niveau de l'aéroport Léopold Sédar Senghor. Les affaires marchaient forts. En janvier 2016, le cambiste a reçu de Cheikh Moussa Camara, comptable public, la somme de 200 millions de francs Cfa. Ils ont signé un contrat de dépôt. En sus des deux cent millions que le cambiste devait rembourser à une échéance bien déterminée, il devait verser 6 millions par mois au déposant. En tout, le prévenu dit avoir remboursé 196 millions, plus 3 millions. Il ne lui reste qu’un reliquat de 20 millions.
Mais Cheikh Moussa Camara lui réclame 200 millions plus 20 millions. Car il considère que les 6 millions mensuels qu’il recevait du cambiste constituent son bénéfice du prêt. Alors que Khadim Ndiaye considère s’être acquitté de la dette de 200 millions par ses versements de 6 millions par mois au comptable. « Je connais Cheikh Moussa Camara par le biais de sa femme pour qui je faisais du change. Madame Camara me donnait des sommes de 10 millions. Un jour, elle m'a remis 670 millions pour que je lui fasse du change. Elle m'a mis alors en rapport avec son mari. Qui m'a remis 100 millions pour que je lui fasse du change. La deuxième fois, il m'a remis 200 millions. Toutes nos transactions dépassent 3 milliards. Un beau jour, il m'a remis 200 millions comme un prêt. J'ai remboursé 196 millions», a déclaré Khadim Ndiaye.
Il explique que Cheikh Moussa Camara a eu le même problème avec un certain Dramé, à qui il aurait prêté la somme de 1 milliard 258 millions. «Après la fermeture de l'aéroport, je lui ai dit : Père, l'aéroport est fermé. Les affaires ne marchent plus très bien. Il m'a rétorqué : «Je m'en fous de l'aéroport.» Je ne lui ai jamais demandé un sou. C'est lui qui m'a proposé l'argent. Il avait l'habitude de me remettre des montants colossaux, sans savoir combien c'était. Après décompte, je lui disais le montant. Il n'y a jamais eu de reçu ni de décharge », raconte Khadim Ndiaye.
Appelé à témoigner, Baba Fall Coulibaly a essayé de régler le problème entre son neveu et le comptable public. «Khadim est venu me voir pour me dire qu'un certain Camara menaçait de l'amener en prison. Je me suis rendu avec lui chez Camara, à Yoff. Il a demandé à Khadim où il en était avec les 23 millions. Nous lui avons remis 3 millions, ce jour-là. Il l'a jeté sur le fauteuil en disant : «Qu'est-ce que j'ai à faire avec 3 millions sur les 23 millions que vous me devez ? » Il y avait un gendarme qui, dit-il, était envoyé par un procureur. »
Une copie d'engagement de créance a été exhibée à la barre. Le juge a demandé au témoin l’auteur de la rédaction de l'engagement de créance. Et s'il y avait un rajout fait à la main. «C'est moi-même qui avait rédigé l'acte. Mais je n'ai pas ajouté d’écrits à la main », a répondu Baba Fall Coulibaly.
«Comment peut-on comprendre qu'un fonctionnaire puisse manipuler 4 milliards ? »
Mais le conseil de Khadim Ndiaye s’est ému des montants exorbitants et s’est dit intrigué par leur provenance. Une remarque balayée par Me Pape Jean Sèye, avocat de Cheikh Moussa Camara. A ses yeux, la provenance de l'argent est un non-événement. «Il faut être un taré ou un demeuré pour remettre 200 millions sans rédiger un acte. Est-ce qu'un fonctionnaire peut détenir cette somme ? Ce n'est pas l'objet du débat. La provenance de cet argent n'est pas l'objet de la discussion. L'argent n'est pas d'origine frauduleuse. Il est à la retraite depuis longtemps », a dit Me Sèye. Et de demander que le prévenu soit retenu dans les liens de la prévention et qu'il soit condamné à payer la somme de 220 millions à son client.
Une demande à laquelle n'adhère pas son confrère Me Moïse Ndior, selon qui, au moment des faits, la partie civile n’était pas à la retraite. L’avocat estime que c'est un contrat commercial qui lie les deux parties. Et que la constitution de partie civile de Cheikh Moussa Camara est irrecevable. «Camara n'a aucun respect pour votre juridiction. Il a fait preuve de lâcheté, en ne comparaissant pas devant votre juridiction. Comment peut-on comprendre qu'un fonctionnaire puisse manipuler 4 milliards de francs ? Le ministère public doit s'autosaisir dans cette affaire. Si j'ai 200 millions, je ne vais pas les remettre à quelqu'un que je ne connais pas. Ce n'est pas honnête. Il y a de la cupidité dans ce dossier», a plaidé l'avocat.
A son avis, l'Ofnac doit s'autosaisir de cette affaire pour voir. «Où Cheikh Moussa Camara a pris tout cet argent. Quelle est l'activité où on donne 200 millions pour recevoir 6 millions par mois ? Il dissimule son activité. L'objet n'est pas licite. Il n'y a pas d'abus de confiance. Il n'y a pas d'infraction pénale», a plaidé Me Ndior.
Le procureur a requis une peine de 6 mois ferme.
Le tribunal rend son délibéré, le 2 août prochain