NETTALI.COM - Poursuivi pour blasphème, le blogueur mauritanien, Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir a rejoint le Sénégal au lendemain de sa libération. L’affaire est gérée avec la plus haute confidentialité.
Le blogueur mauritanien Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir a « retrouvé la liberté » après plus de cinq ans de détention et a rejoint le Sénégal, a-t-on appris mardi de sources concordantes
« Reporters sans frontières (RSF) est heureux d’annoncer la remise en liberté » de Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir, blogueur mauritanien de 36 ans, « initialement condamné à mort, plus de cinq ans et demi après son incarcération », a annoncé mardi 30 juillet l’ONG de défense de la liberté de la presse dans un communiqué, largement diffusé.
Il était le « plus ancien journaliste-citoyen détenu en Afrique francophone », selon Reporters Sans Frontières.
L’information est confirmée le même jour par son avocate Fatimata Mbaye. « Il a été libéré hier (lundi) du lieu où il était en résidence surveillée », a-t-elle expliqué à l’AFP, tout en soulignant que Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir n’était « pas entièrement libre de ses mouvements ». Le jeune homme « n’est plus à Nouakchott », a ajouté son avocate, qui n’a pas souhaité donner plus de précisions en raison de la sensibilité du dossier.
Condamné à mort pour « apostasie » en 2014
Mohamed Cheikh Ould Mkheïtir, était détenu depuis janvier 2014 à Nouakchott, capitale de la Mauritanie, après la publication d’un article dans lequel il dénonçait l’instrumentalisation de la religion musulmane au service de la discrimination en Mauritanie. Pour lui, la société mauritanienne perpétue un ordre social inique basé sur un système de castes « hérité de l’époque du Prophète ».
Le blogueur avait été condamné à mort pour « apostasie » en 2014. Après avoir exprimé son repentir, sa peine avait été ramenée, en appel, à deux ans de prison en novembre 2017, ce qui aurait dû le conduire à être libéré immédiatement.
Il était pourtant maintenu en détention administrative pour « sa sécurité personnelle », « aussi bien que celle du pays », avait justifié le 21 juin dernier le président sortant Mohamed Ould Abdel Aziz – qui doit être remplacé le 2 août par le président élu, l’ancien chef d’état-major Mohamed Cheikh El-Ghazouani.
Processus de préparation de l’opinion nationale
Le blogueur a retrouvé sa liberté au terme d’un « processus de préparation de l’opinion nationale à cet effet lancé lundi 8 juillet au soir », avait affirmé à l’AFP mardi 9 juillet un responsable mauritanien sous couvert d’anonymat. D’après la même source, le président Aziz s’était réuni avec des oulémas, érudits et imams pour les « consulter à ce sujet » et la rencontre avait abouti à une décision d’un « repentir public du blogueur sur les médias et réseaux sociaux ». Il devait également se repentir sur les médias publics et privés.
« Comme je l’avais annoncé au début de 2014 et comme je l’ai répété à toutes les occasions qui s’offraient à moi devant les tribunaux, je réaffirme ici mon repentir devant Allah, le Seigneur des Mondes », avait ainsi posté le 8 juillet dernier le blogueur mauritanien sur sa page Facebook, sa première publication depuis 2014.
Le blasphème est désormais puni par la peine de mort
La Mauritanie compte 4,5 millions d’habitants dont l’écrasante majorité (99,1 %) est musulmane. L’islam est la religion d’État. Depuis le 27 avril 2018, le blasphème est puni par la peine de mort.
La nouvelle loi supprime la possibilité de se repentir pour certaines infractions liées à l’apostasie et rend la peine de mort obligatoire en cas de « propos blasphématoires » et d’« actes sacrilèges ». Selon les dispositions du texte de loi, « chaque musulman, homme ou femme, qui se moque ou outrage Allah ou Son Messager (Mohammed), Paix et Salut sur Lui, ses anges, ses livres ou l’un de ses Prophètes est passible de la peine de mort, sans être appelé à se repentir. Il encourt la peine capitale même en cas de repentir ».
Le texte adopté par l’Assemblée nationale mauritanienne en avril 2018, prévoit par ailleurs une peine allant jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à 600 000 ouguiyas (environ 13 804 €) pour « atteinte à la décence publique et aux valeurs de l’islam » et « non-respect des interdictions prescrites par Allah » ou facilitation de leur non-respect
Avec La Croix