NETTALI.COM – « La République à genoux », tel est le titre d’une célèbre tribune de Ousseynou Kane. Ce dernier, à l’époque chef du département de philosophie de l’université Cheikh Anta Diop da Dakar, alertait sur le zèle avec le lequel Me Abdoulaye Wade, alors fraichement élu président de la République, affichait son appartenance au Mouridisme.
Depuis lors, la plupart des hommes d’Etat s’accommodent de cette sorte de Césaro-papisme, qui n’aurait pas été de mode sous Léopold Sédar Senghor et Abdou Diouf, qui étaient très portés sur la mystique de l’Etat, plutôt que sur les interférences du mysticisme dans l’Etat.
Cette appréhension irrationnelle de l’exercice du pouvoir a fini de travestir le sacré qui était attaché à l’Etat, conformément à un précédent heureux établi par les socialistes, qui bâtirent le socle de ce qu’on appela « l’exception sénégalaise ».
C’est à se demander si les entités extra-étatiques n’ont pas éteint le réel phénoménal dans leurs vêpres, à telle enseigne que des voix s’élèvent pour, en se fondant sur des données purement sentimentales, prier le président Macky Sall de libérer Khalifa.
C’est le cas avec Pierre Atepa Goudiaba qui vient d’adresser une lettre ouverte à la première dame pour lui demander d’intercéder auprès de son mari, le chef de l’Etat, pour que l’ancien maire de Dakar soit mis en liberté. « Mme la Première Dame et Chère Soeur,/ Vous êtes connue comme une main secourable, un cœur affectueux qui a décidé de consacrer son talent, sa vie et son énergie au bénéfice des Sénégalais. Pas un jour ne passe sans la confirmation de telles valeurs que vous avez chevillées au corps. C’est pour cette raison que je souhaiterais solliciter les vertus qui vous habitent pour demander à notre Président un geste chevaleresque digne de nos preux devanciers et qui va encore démontrer, par les actes, son sens de l’humain. Ses privilèges constitutionnels l’autorisent à le faire, sa volonté de réunir tous les Sénégalais autour de l’essentiel justifie une telle mesure dictée par le lait de la tendresse humaine qui lie toutes les créatures de Notre Seigneur », adresse Pierre Atepa à Marième Faye Sall. Auparavant, lors de la cérémonie d’ouverture du dialogue au mois de mai, d’éminents membres de la classe politique, dont La mairesse de Dakar, Soham Wardini, ont supplié Macky Sall de « libérer » le socialiste.
Il est vrai que dans les médiations politiques, il y a souvent une dose de sentimentalisme voire partisane qui pèse sur la balance. On peut choisir d’écrire au président par le mécanisme de la diplomatie parallèle, mais le fait d’opter pour la lettre ouverte, trahit une volonté de récupération et porte atteinte à l’image de marque de la République. Déjà en mai 2016, à l’occasion de la cérémonie d’ouverture de la première édition du dialogue politique, Mbaye Pékh fit des émules, parmi les participants qui « quémandaient » la libération de Karim Wade.
Mais une question se pose toutefois de savoir si toutes les affaires politico-judiciaires, peuvent continuer à connaître le même destin, le même sort ? Le règlement à l'amiable, l'exil du concerné, ou la grâce présidentielle. Dans cette affaire Khalifa Sall, si beaucoup interviennent, c'est parce qu'ils ont noté un sentiment de règlement de comptes politiques et un certain manque d'équité dans le traitement des rapports de l'IGE dont d'ailleurs l'un a conduit à l'emprisonnement de l'ex-maire de Dakar. Si une vraie volonté de "gouvernance sobre et vertueuse" avait été ressentie, les citoyens auraient peut-être eu moins d'indulgence vis à vis des politiques emprisonnés. Seulement, l'élargissement de Khalifa Sall par la voie d'une grâce présidentielle (la seule plausible d'ailleurs) signifierait sa mort politique, du moins tant que Macky Sall sera au pouvoir. Cela aura peut être le mérite de lui accorder une liberté certes mais une prison sur le plan politique.
L’avocat du concerné a finalement bien raison de recadrer le débat, quand il souligne que Khalifa Sall n’est pas demandeur d’une grâce et qu’il appartient à ceux qui l’ont mis en prison, de chercher comment l’en sortir.