NETTALI.COM - Le « présidentialisme néocolonial » africain semble ne guère s’accommoder du principe de justice, comme socle d’une démocratie aboutie. Au Sénégal, de 1962 à nos jours, le politique a souvent porté ombrage au judiciaire, sous le mode d’un recul aux abysses. A titre de comparaison, en France, la plupart des hommes d’Etat sous la 5e République ont connu des procès pour des considérations purement privées, sans que les concernés n’enfilent, pour autant, l’étoffe du martyr.
La réconciliation Wade-Macky, suivie de la libération de Khalifa Sall, en un peu plus de 48 heures. La machine judiciaire s’emballe à la vitesse d’un météore. Tout cela n’est-il pas de nature à rappeler la connotation politique, sur fond de règlements de comptes et de jeu de chantage, qui s’attachait à l’arrestation de Karim Wade et de l’ancien maire de Dakar ? Pour donner plus d’ampleur à la question, si le but visé n’était que la restitution de biens appartenant au Sénégal, par un nettoyage des écuries d’Augias, ce peuple serait-il si conciliant devant ces arrangements entre politiciens ?
En réalité, aussi bien dans l’affaire Wade-fils que dans celle impliquant Khalifa Sall, sans vouloir blanchir ces derniers, notons qu’un télescopage des calendriers de la politique et de la justice a aiguisé bien des soupçons. Qui disait qu’il y avait des « dossiers sous le coude » ? A cet égard, les racines du mal sont à rechercher dans la nature de notre régime politique qui épouse les formes du « présidentialisme néo-colonial » africain, où l’argument de la force semble être privilégié à la force de l’argument.
Pour mémoire, accusé de tentative de coup d’Etat en décembre 1962, Mamadou Dia sera blanchi 30 ans par le général Alfred Diallo, qui l’avait pourtant chargé en 1963, à l’occasion d’un simulacre de procès. Concernant Idrissa Seck, Khalifa Sall et Karim Wade, on peut penser que ces jeunes loups aux dents longues ont payé pour leurs ambitions. Prenez l’exemple de Idy, c’est quand il rejoignit le Pds en janvier 2009, qu’il obtint un non-lieu total relativement aux poursuites enclenchées à son encontre dès 2004. Macky Sall lui-même n’a-t-il pas failli être emprisonné au lendemain de sa démission du Pds, quand il fut convoqué au commissariat central de Dakar pour une affaire de blanchiment d’argent supposé ? Pis, en 2016, le leader de Rewmi fut trainé dans la boue pour avoir théorisé le « protocole de Doha », suite à la libération de Karim Wade. Samuel Sarr l’accusa d’avoir subtilisé le pactole de 74 milliards. Me Ousmane Sèye porta des rebondissements sur ce qui est communément appelé le « Protocole de Reubeuss ». Idy convoqué par la police, la machine judiciaire s’arrêta avant qu’il ne déférât à la convocation des limiers, et jusqu’à à présent, on ne sait pas de quoi retourne l’affaire.
A rebours, en France, de Valéry Giscard d’Estaing à Nicolas Sarkozy, en passant par Edouard Balladur, Charles Pasqua, François Léotard, et récemment Marine le Pen, Jérôme Cahuzac, Jean Luc Mélechon, Patrick Balkany emprisonné, la plupart des dirigeants, sous la 5e République, ont eu maille à partir avec la justice. Là-bas, aucune donne politique n'interfère avec la justice.
Ainsi, les tergiversations devant l’affaire des 94 milliards, dans laquelle Ousmane Sonko et Mamour Diallo sont cités, nous poussent à nous demander si le patron du parti Pastef ne connaitra pas le même sort que d’autres opposants en direction de 20124. En définitive, si depuis bientôt un an, on ne parvient pas à vider cette question, c’est parce qu’il y a des motivations obscures. Sous ce rapport, les citoyens donnent l’air d’assister à un jeu de dupes, qui les prend pour des demeurés.