NETTALI.COM - Le secrétaire général du Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire (Cusems) Abdoulaye Ndoye, explique, dans cet entretien, l’impératif, pour le gouvernement, de s’engager par rapport aux vieilles revendications qu’il a formulées et sur la signature du protocole d’accord du 30 avril 2018. Faute de quoi, un préavis de grève sera déposé.
Comment appréciez-vous la rentrée scolaire 2019-2020 ?
Le Cadre unitaire syndical des enseignants du moyen secondaire a toujours tiré la sonnette d’alarme. Nous avons toujours alerté les autorités, leur disant que nous sortons d’une année scolaire sans perturbation majeure, mais que c’est une accalmie très précaire. Les enseignants ont fait preuve de patriotisme, il n’y a pas eu de perturbations. Maintenant, en ce qui concerne les revendications, on a noté un faible niveau de matérialisation du protocole d’accord en date du 30 avril 2018. Si nous prenons la question du système de rémunération des agents de l’Etat, l’étude a été réalisée par un cabinet qui a montré qu’il y a des disparités dans le traitement salarial des agents de l’Etat. Et qu’il y a un système indemnitaire inadéquat et inéquitable. Cela date de 2004, parce qu’à partir de 2004, on a constaté une déliquescence du système de rémunération. L’étude a proposé un système de rémunération équitable, rénovée, juste. On a partagé l’étude, il y a eu des séminaires qui se sont tenus et le président Macky Sall avait dit lui-même qu’en plus de ces études, il allait commanditer une autre étude qui sera réalisée par l’Inspection générale d’Etat afin de corriger les disparités et les iniquités révélées par l’étude. Or, cette revendication est centrale et essentielle pour le Cusems et les enseignants. Et on a dit que le Sénégal ne peut pas faire moins que le Burkina Faso en la matière, pays qui, dans les mêmes conditions, a organisé une conférence sur la question et des recommandations ont été faites par le président de la République de ce pays qui s’est engagé à les appliquer. Aujourd’hui, c’est une question qui concerne tous les agents de la Fonction publique. Trois cent sept milliards de francs Cfa pour l’achat de véhicules, 18 milliards pour le téléphone, cela veut dire qu’il n’y a pas une rationalisation de nos maigres ressources. Cela pose aussi la question du financement de l’école qui doit être un financement endogène, du fait que l’école est un domaine de souveraineté nationale. Aujourd’hui, on ne parle plus d’école, on parle d’industrie du capital humain.
A quels niveaux les lenteurs sont-elles notées ?
Les lenteurs sont surtout administratives. Il y a au moins 4 000 dossiers qui ont été repris, quand on a changé la dénomination du ministère de la Fonction Publique qui s’appelait ministère de la Fonction Publique, de la Rationalisation des effectifs et du Renouveau du service public. Ils ont enlevé la rationalisation. Ce qui fait que tous les actes qui portent la mention “Rationalisation’’ ont été repris et sont au nombre de 4 000. Il y a 7 000 dossiers en instance pour la validation. Sans compter les autres lenteurs dans les actes de radiation et des avancements. Les lenteurs persistent et plombent la carrière des enseignants, entrainant la démotivation et la démoralisation. Malgré le lancement du processus de dématérialisation, il est toujours timide. Nous pensons qu’aujourd’hui, la solution de dématérialisation est au niveau le plus bas pour régler définitivement la question. Ils avaient dit, en septembre 2018, que toute convention serait payée. Cet engagement n’a pas été respecté. Plusieurs décisions et décrets devaient être paraphés. Jusqu’à présent, rien. Il y a aussi la question des parcelles non viabilisées ; le délai c’était la fin du mois de juin 2018. C’est un accord de 2011 avec le Cusems repris en 2018, mais le gouvernement s’était engagé, au plus tard en fin juin 2018, pour octroyer ces parcelles. Ce n’est pas fait. Pour la viabilisation des parcelles et de lac Rose, le gouvernement nous avait dit avoir sécurisé 3 milliards 500 F Cfa. Aujourd’hui, on nous dit que ce financement n’est pas disponible, etc., etc. L’un dans l’autre, nous pensons que le niveau de matérialisation est nul. Il s’y ajoute les conditions de travail des enseignants, les classes pléthoriques, le déficit d’enseignants, notamment en mathématiques et en philosophie, les abris provisoires. Si l’Etat veut un enseignement de qualité, un système éducatif performant, la stabilité, il faut d’abord la matérialisation des accords, le respect des engagements.
On risque donc, à vous entendre, d’avoir une année scolaire mouvementée…
Cela dépend du gouvernement. Nous avons déjà fait preuve de patience et de bonne volonté, parce qu’on ne peut pas toujours revenir discuter. Aujourd’hui, il se pose un problème de confiance. Et s’il n’y a pas de confiance, rien ne marche. Cela dit, nous attendons le gouvernement sur la question du système de rémunération.
Récemment, le ministre en charge du Suivi du monitoring, Cheikh Kanté, a convoqué une réunion avec les syndicats d’enseignants et promis de rencontrer les concernés sur certaines questions…
On a eu trois rencontres avec le ministre Cheikh Kanté, mais ce qui est important se sont des actes. Il faut que le gouvernement pose des actes forts. Pour nous, les réunions n’ont même plus de sens. Ce qui donne un sens aux réunions, c’est la matérialisation des accords. Si on se réunit pour après ne rien faire ou prendre des engagements qu’on ne respecte pas, ça pose problème. Il faut que l’on respecte les accords dont le paiement des rappels. L’enveloppe pour le paiement des rappels, on ne peut pas l’épuiser. Le restant va tomber en fonds libre ; c’est le système de rémunération, les mises en solde. Cette année, on avait prévu 10 000 mises en solde. Au moment où je parle, il est à 3 400. Cela veut dire qu’il y a un gap de 6 600. C’est un manque à gagner pour les enseignants. Sur la question des prêts Dmc, le gouvernement dit : je prends 12 milliards de F Cfa pour apurer tous les stocks. Sur cette somme, on a apuré 5 milliards. Les représentants du ministère des Finances ont confirmé cela.
Quelle décision allez-vous prendre, le cas échéant ?
Le Cusems va déposer, sous peu, un préavis de grève. Nous avons suffisamment alerté et ça suffit. Le gouvernement doit faire en sorte que toutes les revendications soient satisfaites. Aujourd’hui, nous sommes sur des questions de lenteurs administratives, de paiement de rappels… Si ces questions sont réglées, on pourra réfléchir sur le reste, dans le sens d’un système performant.
Entretien réalisé par EnQuête