NETTALI.COM – Alors que le gouvernement se satisfait du classement du Sénégal dans le rapport « doing business », l’économiste Ndongo Samba Sylla pense, dans une contribution datant de 2013 que le journal EnQûete a encore exploitée ce vendredi, que cette position ne reflète pas le réel vécu des populations.

Le rapport doing business 2020 de la Banque mondiale a été publié hier. Le Sénégal fait partie des meilleurs élèves d’Afrique en matière de réforme de l’environnement des affaires. Il gagne 18 nouvelles places et se hisse au rang de 123e mondial, 16e en Afrique subsaharienne, derrière des pays comme le Togo qui est la 97e mondiale et qui fait partie du top 10 des réformateurs dans le nouveau rapport.

Entre 2013 et maintenant, le Sénégal a ainsi gagné presque 60 places, pour un total de 23 réformes reconnues par le doing business, depuis 2015.

 

Joint par téléphone par EnQuête pour apporter quelques commentaires sur le rapport doing business 2020, l’économiste Ndongo Samba dépoussière une contribution qu’il avait produite sur le sujet en 2013.

A l’époque, le rapport mettait le Sénégal à la 178e place sur un total de 189 pays pour ce qui est de l’indicateur facilité de faire des affaires. “Plus infamant, disait-il, dans notre très libérale sous-région ouest-africaine, nous ne devançons que la Guinée-Bissau’’. A en croire NSS, avec la publication des rapports doing business, ce qui devait constituer “un non-événement est devenu fait politique majeur’’ du fait simplement de la qualité du commanditaire. “Le classement doing business, s’indignait le spécialiste, n’a rien de scientifique. Ce n’est pas non plus un guide pertinent pour la politique économique, surtout dans le contexte des pays les plus pauvres où l’engagement étatique dans la construction économique est crucial. Ce classement est tout au plus un bulletin météo à l’usage du capital étranger’’. La première “limite météorologique’’ comme il les appelle, c’est que le classement ne prend compte que de la ville où les affaires sont plus dynamiques et sur une catégorie d’entreprises bien spécifiées en l’occurrence les SARL. “… De sorte que ce qui s’avère pertinent pour les types d’entreprises sélectionnées peut ne pas l’être pour le reste’’, constate le spécialiste. Comme pour démonter l’efficacité vantée du rapport, Monsieur Sylla donnait l’exemple de la Chine, deuxième économie mondiale à l’époque et qui était classée 96e, largement derrière des pays au bord du gouffre comme le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne. Aussi, renseignait-il, le rapport avait tendance à favoriser les paradis fiscaux ainsi que la dérèglementation de l’économie. Il ajoute : “D’un point de vue empirique, les objectifs les plus importants de la politique économique (création d’emplois décents, réduction de la pauvreté, égalité et équité sociales, croissance économique) ne semblent pas être corrélées avec la facilité de faire des affaires telle que mesuré par le classement. Ce qui n’est pas une surprise car ce rapport s’intéresse à la nature des régulations, beaucoup moins à leurs conséquences réelles’’. L’économiste démontait également la perception selon laquelle les pays les mieux classés attirent plus d’investisseurs. “Durant cette dernière décennie, des pays mal classés comme l’Angola, le Nigéria, la Guinée équatoriale et la République démocratique du Congo ont attiré plus d’investissements directs étrangers que la plupart des bons élèves africains’’. Selon lui, le rapport repose sur une théorie simpliste du développement économique. Il conclut : “Qui vainc par le doing business périra par le doing business. Pendant plus d’une décennie, on nous aura vendu l’idée que le Sénégal était sur la voie de l’émergence, car nous avions le satisfecit de la banque mondiale dont les rapports DB constataient nos progrès en termes de réformes institutionnelles. Nous voilà maintenant, nous les apprentis bons élèves, plus démunis que jamais’’.