NETTALCOM - La nomination de Aminata Mbengue Ndiaye au poste de présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) par le Président Macky Sall, est la consécration d’un dur parcours politique parsemé d’embuches. Retour sur l’itinéraire d’une socialiste dans l’âme entrée en politique par effraction.
Aminata Mbengue Ndiaye a été nommée présidente du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct). Même si le décret présidentiel a tardé à être signé, au point que des jeunes socialistes «impatients», soupçonnaient des manœuvres souterraines tendant à empêcher cette nomination. Ils étaient même montés au créneau pour demander au chef de l’Etat de respecter la promesse faite au Parti socialiste (Ps) de remplacer feu Ousmane Tanor Dieng à la tête du Hcct par un responsable socialiste. La nomination de «Badiène», comme l’appellent affectueusement les populations de Louga, à ce poste stratégique, est certainement une consécration pour l’actuelle Secrétaire générale du Ps pourtant entrée dans l’arène politique par pure effraction.
Cette maîtresse d’économie familiale, bien qu’étant la fille d’une figure emblématique du Ps (Khaly Mbengue), était plus préoccupée par l’amélioration des conditions féminines. C’est la raison pour laquelle, cette femme très engagée avait tissé de solides relations avec l’ancienne ministre Maïnouma Kane qu’elle accompagnait souvent sur le terrain. Le ministre de la Femme d’alors, émerveillée par les qualités et la grande détermination de Aminata Mbengue Ndiaye, avait soufflé à l’oreille du Président Abdou Diouf qui avait décidé d’ouvrir sa formation politique aux cadres que la native de Louga avait un bon profil.
Ne voulant pas rater cette occasion en or, le Secrétaire général du Ps d’alors, très lié au père de cette militante acharnée à la cause de la femme, a fait appel à elle. Ainsi débutait une carrière politique couronnée de succès. Nous sommes au début des années 90.
La désormais militante socialiste qui avait déjà à son actif un puissant réseau de femmes, grâce aux mutuelles d’épargne et de crédit qu’elle implantait un peu partout dans le pays, a eu une ascension fulgurante chez les Verts. Cette belle percée dans un parti politique aussi organisé que le Ps avait créé des mécontents du côté de ses camarades. Mais, Aminata Mbengue Ndiaye, qui a déjà chopé le virus de la politique et qui ne se laissait pas marcher sur ses pieds, n’en avait cure. Elle poursuivait son chemin sans regarder en arrière. C’est ainsi qu’elle a été élue maire de Louga en 1996 et Présidente du mouvement national des femmes socialistes, au congrès sans débat. Responsable communale des femmes socialistes de Louga, elle a été aussi Directrice de la condition féminine, avant d’atterrir au ministère de la Femme et de la famille, de 1998 à 2000, date à laquelle le Ps a perdu le pouvoir.
Socialiste convaincue
Après la perte du pouvoir en 2000, le Parti socialiste a traversé la période la plus sombre de son existence. De hauts responsables ont commencé à quitter le navire pour rejoindre le Parti démocratique sénégalais (Pds). Cependant, d’après Pape Massar Ndoye, membre du Bureau politique du Ps et du Comité central, «Aminata Mbengue Ndiaye, en socialiste convaincue, n’a jamais renié ses convictions politiques. Et, pourtant Me Abdoulaye Wade, qui voulait implanter le Pds dans la ville de son prédécesseur, Abdou Diouf, lui avait promis monts et merveilles». Le Pape du Sopi, en fin stratège, lié à la famille maternelle de Aminata Mbengue Ndiaye (leurs maisons familiales sises au quartier Escale de Kébémer sont très proches), mettait en avant cette fibre. Seulement, il a prêché dans le désert : l’opposante étant restée constante dans son choix politique.
Très dure contre le régime libéral, qu’elle critiquait sans cesse, Aminata Mbengue Ndiaye payera finalement pour ses prises de position. C’est ainsi qu’en pleine séance de session budgétaire de l’Assemblée nationale, elle sera giflée par le député libéral, Gallo Ndiaye, son voisin de quartier. Le jeune libéral digérant mal les critiques de la bonne dame, a voulu lui régler son compte par des coups de poing…
Le jour où Me Wade se faisait piéger à Louga
L’opposante Aminata Mbengue Ndiaye a fait vivre à Me Abdoulaye Wade l’enfer à Louga. Le président de la République qui procédait à l’inauguration des locaux du Tribunal de grande instance est tombé dans le piège de sa «nièce». Samba Diaw Hann, responsable des jeunesses socialistes, se rappelle : «Ce jour-là, nous avions muri une belle stratégie, consistant à nous fondre dans la masse des militants libéraux. Nous avions caché nos brassards rouges dans des sacs. Et quand Me Wade a pris la parole, nous avons commencé à le huer, brandissant nos brassards. Nous avons aussi libéré des oiseaux avec des morceaux rouges. Finalement, Me Wade, très révolté, n’avait pas pris la parole et une vingtaine de jeunes socialistes ont été arrêtés. Aminata Mbengue Ndiaye a alors porté le combat pour leur libération en organisant des concerts de casseroles.» Elle-même ironisait : «C’est le Président Wade lui-même qui a inscrit dans la Constitution le droit de revendiquer, de marcher ou de faire la grève. Louga n’a fait que manifester le mécontentement de sa cité par rapport aux politiques d’Abdoulaye Wade. Il n’a pas le droit de faire arrêter des gens qui manifestent. C’est lui qui avait dit : ‘Revendiquez de façon civilisée avec des brassards rouges.’ C’est ce que les gens ont fait. Peut-être qu’on a exagéré en mettant des jupes, Thiaya (pantalons bouffants) et mouchoirs de tête rouges. Et c’était pour montrer quel était notre degré de mécontentement.»
Le sacre de la loyauté
Après neuf longues années de traversée du désert, la responsable nationale des femmes socialistes a été réélue en 2009, maire de Louga. Et, quelques années plus tard, Me Wade perdra le pouvoir en 2012. Le Parti socialiste qui avait soutenu la candidature de Macky Sall au deuxième tour, bénéficiera de deux postes ministériels. Naturellement, Ousmane Tanor Dieng qui a toujours chanté la loyauté et la fidélité de sa camarade l’a choisie et elle est nommée ministre de l’Elevage. Un fauteuil qu’elle occupera durant sept (7) ans. Malgré, les critiques de certains camarades socialistes, Aminata Mbengue Ndiaye est encore redevenue ministre (de la Pêche et de l’économie maritime) après la formation du nouveau gouvernement mis sur pied par Macky Sall, à la suite de sa victoire à la Présidentielle de février 2019. Ses détracteurs ne sont pas au bout de leur peine. L’actuelle Secrétaire général du Ps a remplacé feu Ousmane Tanor Dieng à la tête du Hcct. «La fidélité et la loyauté ont été récompensées», résume Pape Massar Ndoye, membre du Bureau politique et du Comité central du Ps.