NETTALI.COM - La plupart des Sénégalais n'ont découvert son engagement politique qu'à l'époque des Assises nationales, mais Serigne Mansour Sy Jamil a milité, dans la clandestinité, au Parti africain de l'indépendance (Pai) dès sa prime jeunesse. Il revient sur ce passé dans un entretien aux relents biographiques accordé au journal L'EnQuête et paru ce samedi.
Issu d'une grande famille religieuse du Sénégal, Serigne Mansour Sy Jamil, ancien vice-président à l'Assemblée nationale, a eu un parcours remarquable à la Banque islamique avant de donner une autre dimension à son engagement politique, en l'affichant ouvertement dans la foulée des Assises nationales.Une histoire isolée pour les fils de marabouts de sa génération, car on nourrissait des appréhensions à l'endroit de l'école française perçue comme un instrument d'aliénation culturelle.
Dans les colonnes de EnQuête, le fondateur de Bes du niak explique comment il intégré l'école française en ces termes : "J’ai été le premier petit-fils d’El Hadj Malick à aller à l’école, comme Abdou Fatah Mbacké a été le premier petit-fils de Serigne Touba à le faire. Les enfants de Serigne Moustapha ont presque tous fait des études. Il y a Pr. Habib, Abdou Aziz, Cheikh Tidiane qui est un assureur, Cheikh Omar qui travaille avec les organismes internationaux, Mame Malick qui représente l’Onudi. Mon père a eu une bonne compréhension du Coran. Quand mon père m’a inscrit à l’école, à Saint-Louis, on disait que c’était la fin du monde, parce que des petits-fils d’El Hadj Malick allaient à l’école des Blancs. J’en pleurais en rentrant. Il me disait que l’avenir nous édifiera. Aujourd’hui, ceux qui nous attaquaient à Saint-Louis, ce sont leurs petits-fils qui vont à l’école".
A la question de savoir s'il jouissait d'un traitement particulier, il répond : "Il n’y avait pas de traitement particulier. L’école est laïque et le seul critère qui valait était la réussite scolaire. On était 1er à l’école coranique et 1er à l’école française. On n’a jamais redoublé. On a tout passé haut la main. Les gens n’avaient rien à nous dire. Sur les feuilles de compositions, il n’y était pas mentionné “fils de Serigne Moustapha, petit-fils de Serigne Babacar’’. Il en était de même à l’examen. Je ne remercierai jamais assez mon père d’avoir eu le courage de nous amener à l’école et jamais assez Serigne Mamour Ndiaye qui nous a couvé faisant de sorte qu’on soit 1er à l’école coranique et 1er à l’école française".
Revenant sur son adhésion au Parti africain de l’indépendance il raconte : "Majmouth Diop, a, une fois été arrêté avec Lamine Sow, Djadji Wane, etc. J’étais là-bas, le jour où on les libérait, parce qu’un de mes aînés au “daara’’, Lamine Ndongo, un des badauds qui n’avaient rien à voir avec la manifestation, avait été arrêté avec eux. J’allais à la prison pleurer. J’étais encore jeune. C’était alors mon premier contact avec la gauche, sans savoir ce que c’était. Je savais juste que mon marabout les admirait. Après leur libération, le matin, en allant à l’école coranique, je trouvais sur le palier de la mosquée des tracts du Pai. Mon marabout me demandait de quoi il était question dans les tracts du jour. Je lui expliquais ce qu’on disait. J’avais une sympathie pour eux, sans savoir qu’ils étaient des communistes. Je savais juste qu’ils étaient des patriotes qui devaient s’engager. C’est comme cela que j’ai eu le premier contact avec la politique".
"J’ai donc eu un vécu politique que la plupart des politiques n’ont pas. J’ai été avec Sémou Pathé Guèye, Mamadou Seck et j’étais leur dirigeant. Tous ces petits qui s’excitent aujourd’hui, comme Mahmouth Saleh, quand ils étaient au Pai, j’étais leur chef. J’ai fait toutes les écoles de formation de la gauche : l’école élémentaire, celle fédérale de 15 jours, celle centrale d’un mois
puis de 4 mois où l’on conceptualise. J’ai ce background", révèle-t-il; avant de préciser : “On était tous des jeunes formés, formatés à l’intérieur du Pai, avant la création du Pit. Cette école-là a formé beaucoup de gens. C’est cette école qui a formé Mary Teuw Niane, membre du Pit, tout comme Makhtar Cissé, Souleymane Jules Diop, Mankeur Ndiaye. Ces gens-là ont participé à la lutte avec nous.”