NETTALI.COM - Les entreprises sénégalaises sont-elles à ce point condamnées à subir les assauts de leurs homologues étrangers ? Au train en tout cas où vont les choses, le rythme d’implantation de ces derniers risque de s’accentuer et pour longtemps encore.
Un secteur qui s’est illustré dans ce domaine, c’est sans conteste la grande distribution avec l’installation d’Auchan au Sénégal. Celle-ci avait en effet soulevé une vague de réprobations qui ne durèrent pas bien longtemps puisque certains Sénégalais se s’étaient rangés du côté de l’enseigne. Entre autres arguments, ces sénégalais favorables estiment que les commerçants locaux ne font aucun effort pour offrir un service de qualité, relevant au passage le bon niveau d’hygiène des magasins Auchan et le large choix offert dans ces mêmes espaces, sans oublier l’attractivité du prix comparé à tort ou à raison à la cherté des articles des boutiques sénégalaises. Par la suite, l’on enregistrera l’arrivée d’autres acteurs de la grande distribution française notamment l’enseigne Super U, l’enseigne discount du géant français Carrefour Supeco. Mais bien avant elles, celle de Casino occupait déjà timidement le terrain suivie en cela par Dia qui ne fera pas long feu. L’on nous annonce l’arrivée prochaine d’un autre géant français, Leclerc.
La grande distribution passée en revue, un domaine qui risque d’échapper aux Sénégalais et dans lequel ils semblaient jusqu’ici avoir une mainmise du fait de sa spécificité liée aux langues locales, c’est celui de l’audiovisuel. Dans ce secteur d’activités, hormis TV5, France 24 et RFI qui cherche à rattraper son retard sur les radios locales en proposant des programmes dans les langues locales, la véritable menace pour les chaînes de télévision locale, est Canal+. En effet non contente d’avoir intégré dans son offre aux abonnés, ce qui compte comme radios et télévisions locales, la filiale de Vivendi vient de frapper un grand coup en lançant une chaîne dénommée « Sunu Yeuf » Télé bi niou mom ! (la télé qui nous appartient) avec des programmes 100% sénégalais, ce jeudi 7 novembre. Elle regroupe ainsi des séries et du théâtre classique sénégalais. C’est ce que nous a appris Sébastien Punturello, le directeur général de Canal+ Sénégal qui a officiellement procédé au lancement de celle-ci. « Sunu Yeuf » est d’après lui, « la promesse de vivre du grand divertissement avec quatre séries du lundi au vendredi et un classique du théâtre sénégalais le dimanche soir », et qui démarre ainsi avec les séries Pod et Marichou, Idoles, Dikoon et Mbettel, en attendant la programmation d’autres séries sénégalaises.
Un coup que les chaînes locales n’ont certainement pas vu arriver, mais auquel elles auraient dû s’attendre au regard des bases qui ont déjà été jetées par la chaîne française. En effet dans ses programmes africains, Canal + avait depuis quelques années ouvert ses écrans à la diversité. L’objectif était perceptible : donner aux téléspectateurs envie de s’abonner en confiant les émissions visibles en Afrique à des personnes qui leur ressemblent. C’est ainsi que les téléspectateurs ont eu droit, surtout dans le domaine du sport à des présentateurs tels que Malick Traoré, accompagné de consultants tels que Kaba Diawara, José Pierre Fanfan, Diomansy Kamara, Patrick Mboma, mêlés à des consultants français dont Xavier Barret, Lilian Gatounes, Romain Hussonois, etc. On peut citer aussi le très pointu Habib Bèye et bien d’autres encore.
Sur les émissions à caractère culturel, là aussi même procédé. Ce sont des africains de diverses nationalités qui officient dont Mamane, Charlotte Ntamak, Michel Gohou et Digbeu Cravate….
Une stratégie qui risque d’être payante à termes au regard de l’audience si forte dont ont bénéficié des séries locales telles que Pod et Marichou, Idoles, Mbettel, etc.
Tout ceci n’est en réalité qu’une étape dans la stratégie de pénétration de Canal + qui s’adapte aux couleurs locales dans un contexte où les chaînes sénégalaises n’ont certainement pas pris au sérieux les productions culturelles locales, eu égard à leurs moyens limités, mais aussi au déficit d’intégration de ces produits dans leurs politiques commerciales.
Canal + ne veut certainement pas brûler les étapes, ainsi que le souligne la directrice des programmes de Canal+ international, Clémentine Tugendhat qui indique que « Sunu Yeuf » ne tend pas forcement dans un premier temps vers la production, la chaîne préfère adopter une stratégie de collaboration avec les producteurs Sénégalais déjà détenteurs de produits à succès.
Mais une chose reste sure. Canal + pour gagner davantage de parts de marchés, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle voudra, à termes produire des films et les diffuser puisque la production est aussi un de ses points forts . Et pourquoi pas explorer d’autres secteurs tels que l’information.
Mais à y regarder de près, Canal+ n’a fait que formaliser ce que font les détenteurs de réseaux de quartiers qui passaient en boucle les séries locales sans toutefois payer des droits aux producteurs. Et pour faire du business, ce qui compte, c’est le flair et le moment opportun.
L’heure du regroupement des nombreuses chaînes locales a peut-être sonné si l’on veut voir émerger des groupes sénégalais forts et puissants d’autant plus qu’avec l’Etat du Sénégal, l’attribution des licences semble être du « en veux-tu, en voilà » à des bénéficiaires qui n’ont pas forcément un projet clair et encore moins de gros moyens financiers. Une chaîne de télévision digne de ce nom, demande en effet des moyens énormes, de la production et des programmes alléchants dont ne sont malheureusement pas dotés la plupart des chaînes locales.