NETTALI.COM - Nous commencions à désespérer de nos médias, mais les choses se passent comme si le système arrive toujours à s’auto-réguler en injectant une dose de vertus dans un univers où la régulation semble être bien absente et où il n’existe aucun filtre à l’entrée. Alors que les animateurs et ce qu’on appelle « communicateurs traditionnels » et autres cartouchards, ont fini d’envahir les médias, les auditeurs, lecteurs et téléspectateurs n’ont de cesse de se plaindre en se lançant bien souvent dans des généralisations dans le genre : « les journalistes sont nuls et font beaucoup de fautes… ».
Le mélange des genres est en effet à un point tel que ceux-là ne savent plus qui est journaliste et qui ne l’est pas. Ils ignorent sans doute que bon nombre de sites d’informations sont gérés par des artistes, des photographes, des animateurs et des personnes sans niveau d’éducation et de culture, qui ne se préoccupent que d’infos sensationnelles, d’infos people, de buzz ; d’autres sont des spécialistes du copié-collé et se contentent bien souvent d’extraire des phrases chocs de quotidiens d’infos, oubliant d’y ajouter le contexte et l’information dans son aspect le plus complet. Mais qu’est-ce que la concurrence est féroce dans ce secteur ! Certains sites d’informations qui ont par exemple fait de ce procédé, leur fonds de commerce, ne citent jamais leurs confrères du net, préférant attribuer le mérite d’un scoop à des quotidiens d’informations quand bien même l’information est reprise par ce support de la presse papier.
Sur une actualité récente, quant au supposé mariage de Youssou Ndour et Mbathio, beaucoup de sites d’informations savaient l’information fausse. Et pourtant, ils ne se sont pas gênés de la relayer, mettant des points d’interrogation en se demandant si l’union avait été bel et bien scellée ! Doivent-ils s’amuser avec la naïveté de certains lecteurs ? Un peu de respect quand même. Mais peut-on au fond parler d’éthique et de déontologie à une personne qui n’a pas été formée ?
Loin de dire que la presse professionnelle est exempte de reproches, ceux qui critiquent les médias, ignorent aussi qu’il y a une catégorie de personnes qui ont infiltré le milieu et se font appeler reporters. Agenda à l’appui, ils sont présents à toutes les manifestations et détiennent des cartes de presse confectionnés par leurs propres soins. Ils acculent tellement les organisateurs d’événements, attendant sagement leurs « transport » à la fin. Mais qu’est-ce qu’ils sont envahissants quand ils s’y mettent ! Ils vous acculent, vous pourchassent et se montrent désagréables lorsqu’un quidam refuse de leur céder sur ce terrain de la corruption. Leurs organes sont inconnus au bataillon, mais ils se nichent dans la jungle des sites d’informations si nombreux et parfois pas répertoriés. Les reporters issus des rédactions qui ont pignon sur rue, les qualifient même de « racailles » pour faire la différence, même si dans le lot des mêmes reporters officiels, certains captent cette manne.
Que dire des communicateurs traditionnels ? Cette nouvelle caste de « reporters » pardon « « journalistes » qui tantôt se prennent pour des sociologues, tantôt pour des historiens. Ils relaient des faits historiques sans recul, ni recherche. Ils ne font en réalité que répéter ce que leurs grands-parents ou parents leur ont appris. S’ils n’y mêlaient pas la flagornerie contre espèces sonnantes et trébuchantes, le désastre aurait peut-être été moindre. Qui leur a par exemple attribué le monopole du reportage de la lutte ? Faut-il forcément être communicateur traditionnel pour pouvoir parler de lutte ? Il est certes vrai que c’est un domaine assez spécifique et culturel par excellence. C’est peut-être cela, combiné au côté folklorique qui semble leur conférer une dose de légitimité dans ce domaine. Mais que n’entend-on pas comme subjectivité, parti-pris pendant leurs émissions ! L’objectivité prend un sacré coup dans leurs jugements parce que comme toujours, ils ne ratent jamais l’occasion d’encenser tel promoteur ou tel lutteur, attendant un renvoi d’ascenseur. C’est justement là où est le problème.
En tout cas, sur les plateaux bien infiltrés par les animateurs, comédiens et communicateurs traditionnels, c’est le règne de l’opinion, des néologismes wolofs ou urbains, des proverbes à la signification douteuse, des jugements de valeur, stéréotypes et affirmations complètement gratuites. L’on préfère certainement être optimiste en pensant qu’ils feront mieux et abandonneront ces mauvais penchants avec l’expérience. La solution serait peut-être de trouver les moyens de les former à défaut de ne pouvoir sacrifier les acquis et l’expérience acquise.
S’il en est ainsi, c’est que depuis quelques temps, des comédiennes pour la plupart sont recyclées sur les chaînes de télévision. Arriveront-elles à opérer la rupture entre leur état de comédiennes et de professionnelles des médias ? Assurément non car il faut un certain niveau, de la formation et un certain recul. Halima Gadji (Marème Dial) n’est-elle pas devenue présentatrice d’une émission sur la 2 STV ? Khady Ka, comédienne de la série « Belle-mère », n’officiait-elle pas jusqu’à une époque récente sur la Sen TV ? Sanekh et compagnie, ne dirigent-ils pas une émission avec des invités politiques, dénommée « Ngonal » sur la TFM. Ceux-là ne ratent jamais l’occasion de chanter les louanges du président Sall ou de vanter les bienfaits de la première dame ? Le cas le plus déplorable est celui de Birima Ndiaye, politicien favorable comme jamais à Macky Sall et qui s’assume. N’est-il pas devenu chroniqueur à Jakaarlo de la TFM ? Il suffit juste qu’on critique le Président Sall ou sa politique pour qu’il sorte de ses gonds ! N y a-t-il pas un conflit d’intérêt manifeste ? Pourquoi y maintient-on un personnage qui méprise toutes les règles du journalisme ?
Ainsi vont maintenant les choses. On entre par la comédie, l’animation dans une station radio, la flagornerie et on atterrit dans le journalisme.
Les plateaux de matinales ressemblent beaucoup aujourd’hui à des cours de récréation. On essaie de copier l’Occident. On tente de créer une ambiance bon enfant, cool, relax, etc. Mais quel bazar ! Que de rumeurs colportées, que de rires hilarants, que de propos déplacés et débiles ! Que de niaiseries ! Et pourtant ces matinales comportent une bonne partie informative massacrée, banalisée et peoplisée car ceux qui la commentent, l’abordent sous l’angle de folklorique.
Dans les matinales version radios, quel désastre ce Ndoye Bane et compagnie ! Que des lieux communs, que des jugements de valeur, que des stéréotypes ! Ils se prennent pour les rois de l’investigation, des sociologues, des policiers ! Avec ceux-là, on croit rêver ! Peut-on se fier à la simple dénonciation d’un auditeur pour lyncher une victime de dénonciation ? Que fait-on de la présomption d’innocence ? Du recoupement de l’information ? Ce serait bien trop leur demander en réalité.
Un domaine qui a fait beaucoup de mal à la presse, ce sont les revues de presse ou revues des titres matinales ou quotidiennes depuis qu’ont été inventés les genres commentés et agrémentés. A faire le tour des radios, le matin, on a l’impression que le monde s’effondre sous les pieds des Sénégalais. Une info somme toute banale, devient une bombe. C’est parce qu’une simple intonation vous transforme un titre, une info et la dénature. Quel tort on cause au rédacteur d’un article et au support même ! Un fait qui n’est pas sans rappeler les rapporteurs lors des cérémonies religieuses et qui en rajoutent à ce que le marabout ne dit pas. Ils se font d’ailleurs souvent recadrer.
Lueurs d'espoir
Mais à défaut d’une régulation digne de ce nom, le système semble s’auto-réguler. L’on a noté, au grand bonheur des puristes du journalisme que les animateurs sont de plus en plus écartés des émissions à des heures de grande écoute pour être suppléées par des journalistes. La concurrence, est-elle en train de ramener certaines chaînes à la raison ? A l’option qualitative ? Elle n’y serait pas en tout cas étrangère. C’est aussi la faute à un manque de stratégie claire dans nos médias où règnent le mimétisme et la réaction. Tenez par exemple au sein d’un groupe tel que Futurs Médias où les journalistes ont fini de se plaindre du côté envahissant de la famille Ndour qui privilégierait le sensationnel au détriment de l’information, le départ subit d’Alassane Samba Diop, Mamoudou Ibra kane, Antoine Diouf et de Khalifa Diakhaté et de reporters de la RFM, du groupe Futurs Médias, semble-t-il, a réveillé You. Il a même accéléré l’arrivée d’autres journalistes de renom pour les remplacer et équilibrer : Souleymane Niang, d’Abdoulaye Cissé, de Pape Bees Diba de Zik FM et incité à une réorganisation centrée sur davantage d’intégration dans une logique de groupe. Même un changement de programme y a été noté avec la présentation du journal par Souleymane Niang et Chérif Diop.
L’on peut aussi noter la programmation de « Soir d’Infos » désormais dirigée par Ndèye Arame Touré qui débarque de DTV qui est souvent associée à des journalistes, de manière tournante, tantôt avec Daouda Mine, Papis Diaw, Bineta Diallo, Pape Djibril Fall, etc. Une manière aussi de concurrencer « l’Essentiel » sur la Sen TV et même « Sen Show » avec Salma qui a disparu de l’émission sans oublier Myriam Cissé, sa co-animatrice, reléguée à des émissions de moindre importance. L’arrivée de Khady Colonel qui a fait ses armes à Walf TV, dans la matinale « Petit Déj » en compagnie de Ndèye Dimé Ndao et de Fatou Abdou Ndiaye, a donné à l’émission beaucoup plus de fond. De même Pape Alé Niang qui a connu des relations assez compliquées avec El Hadji Ndiaye, a rebondi à la Sen TV où il dirige comme à son habitude, une émission politique. Ses émissions ont évidemment de l’audience.
Sur I-Radio et I-TV, en dehors d’Alassane Samba Diop, Mahmoudou Ibra Kane, Antoine Diouf, Khalifa Diakhaté, etc qu’on ne présente plus, l’on a droit à l’excellent Ibou Fall qui officie à partir de 9 H auprès de DJ Boups. Quel délice d’écouter ce monsieur plutôt connu dans la presse écrite ! Ses analyses sont non seulement éclairées, mais aussi mesurées. Toujours le bon ton avec un brin d’humour ? Jamais le mot de trop. Quelle humilité aussi et quelle simplicité le bonhomme ! Boups sait tellement lui tirer les vers du nez en faisant celui qui ne comprend rien. Mais au-delà de cet excellent journaliste, on peut relever une bonne dose de culture, de reportages mais surtout un bon choix d’invités. L’on a découvert avec cette chaîne, la pléthore d’universitaires brillants qui ont des choses intéressantes à transmettre et qui ne sont jamais invités par les médias. ITV et I radio ont eu le flair de puiser dans ce vivier plutôt que de se focaliser sur les plus médiatisés qui ne sont d’ailleurs pas les plus brillants.
Sur la 2 STV, l’arrivée de Ben Makhtar qui a quitté Sen TV, a donné des couleurs à la chaîne d’El Hadji Ndiaye qui semblait en avoir perdues depuis quelques temps. On peut davantage y noter des reportages et des émissions politiques plus relevées, alliées aux émissions littéraires. La matinale quoiqu’animée par le très sympathique Nicolas qui vient de DTV, voit la présence massive de journalistes. Ce qui lui donne un cachet assez particulier puisque ce sont eux-mêmes qui mènent les interviews et invitent les clients.
Loin de se satisfaire de cette lueur d’espoir, il est plus que devenu impérieux de protéger le secteur de la presse, non pas en se limitant aux aides, mais plutôt en insistant sur la formation des journalistes et en plaidant pour davantage de régulation du secteur. A titre d’exemple, beaucoup d’écoles créées pour des buts uniquement commerciaux, ne font qu’abaisser le niveau de formation déjà faible. Et même si le projet de nouveau code de la presse peine à être voté, ne faudrait-il pas par exemple envisager d’intégrer les journalistes reçus à un concours après l’obtention d’une licence ? Cela pourrait fortement contribuer à doter la presse de futurs membres avec un niveau d’études supérieures au moment d’intégrer l’école de journalisme. Cela aurait le double avantage de générer davantage de spécialisation dans la profession. Ce dont on se rend compte en effet, c’est que beaucoup de domaines sont des parents pauvres du journalisme : droit, économie, environnement, finance, etc. De combien de titres de la presse économique et financière, dispose-t-on au Sénégal ? Et pourtant, il y a une vie des entreprisse, un environnement économique et financier à mieux percer et saisir. Tous les groupes de presse sont de nos jours dirigés par des journalistes, mais que vaut le modèle économique des entreprises de presse ? Comment s’en sortir avec un journal vendu à 100 F et sans une masse critique d’annonces ? Entre autres raisons d’innover et d’introduire la formation du journaliste, le management des entreprises de presse par exemple.
Pourquoi ne pas s’inspirer de la Tanzanie où le gouvernement interdit désormais que les organes de presse recyclent en journalistes, des disc-jockeys et comédiens. Une manière de mettre fin à l’exaspérant mélange des genres, des professions, des compétences et spécialités, comme l’a si bien rappelé Jean Meïssa dans une de ses chroniques qu’il anime dans le quotidien EnQuête. « Ceux qui ne tiennent pas compte de cet avertissement se verront infliger une amende ou se verront retirer leur licence comme le stipule la loi », a déclaré la Tanzania Communications Regulatory Authority (Tcra) dans un avis publié dans le journal gouvernemental Daily News.