NETTALI.COM – Un maître coranique qui enchaîne ses talibés. Les images ont fait le tour des réseaux sociaux, créant un émoi national. Toutefois, cette affaire comporte de nombreux non-dits. Elle est en effet au cœur d’une vive tension entre la communauté peulh de Guet Ardo et leurs voisins de Ndiagne, deux localités distantes d’un petit… kilomètre.
Serigne Cheikhouna Gueye dit Khadim est devenu en moins d’une semaine le maître coranique le plus célèbre du Sénégal. Bien malgré lui. Et sa localité, Ndiagne, est subitement sortie de l’anonymat. Attrait au tribunal d'instance de Louga pour sévices corporels sur certains de ses jeunes talibés qu’il a enchaînés comme des esclaves, il risque deux ans de prison dont deux mois ferme. D’ailleurs, il restera en détention jusqu’au 4 décembre prochain, date retenue par le juge pour prononcer son verdict. Le magistrat ayant refusé la demande de mise en liberté provisoire introduite par la défense, les soutiens de Serigne Khadim Gueye ont forcé les portes du tribunal avant de saccager tout sur leur passage. Pourtant, les autorités ont tout fait pour gérer cette délicate affaire avec tact. Ainsi, au lieu de charger le maître coranique et ses co-prévenus, le tribunal a plutôt préféré les sermonner, leur rappelant que certaines pratiques sont inacceptables même dans un daara. Mais la tension est loin de redescendre surtout à Ndiagne où la colère gronde. Mais pour comprendre le courroux des populations, il faut aller au-delà de cette affaire dans laquelle est même intervenu le khalife générale des mourides. Car l’affaire Khadim Gueye risque de jeter de l’huile sur le feu des tensions qui existent entre deux communautés de deux localités voisines. Révélations.
Ndiagne et Guet Ardo sont deux localités distantes d’un petit… kilomètre. Guet Ardo est une cité religieuse habitée majoritairement par des Peulhs. D’après des sources établies à Ndiagne, leurs voisins de Guet Ardo n’ont jamais accepté qu’un terrain situé entre les deux localités soit octroyé à Khadim Gueye pour l’érection de son daara. Ainsi, les deux camps se regardaient en chiens de faïence depuis un bon bout de temps. Et l’affaire des talibés enchaînés risque d’être la goutte d’eau qui fera déborder le vase. En effet, Ndiagne accuse des autorités de Guet Ardo d’avoir pris les images des talibés qu’elles ont envoyées aux autorités avant de les poster sur les réseaux sociaux. L’affaire fait alors scandale à la grande surprise des populations de Ndiagne. C’est ainsi que cette affaire est cœur d’une vive tension entre les deux localités. Dans un groupe WhatsApp appelé «Wax sa xalaate Ndiagne», des appels sont lancés pour se venger contre les voisins de Guet Ardo. Et ces derniers qui ont eu vent des intentions de populations de Ndiagne se sont préparés à faire face. Conséquence : ce mercredi, des jeunes ont voulu s’attaquer aux commerces de Ndiagne essentiellement gérés par des «ressortissants» de Guet Ardo. Il a d’ailleurs fallu l’intervention des autorités administratives et de la gendarmerie pour qu’un calme précaire revienne dans la zone. «Heureusement, il y a des deux côtés, des autorités assez responsables qui font tout pour rappeler à l’ordre les va-t-en-guerre. Mais cette affaire risque de prendre des proportions insoupçonnées», confie un jeune de Ndiagne. Qui avoue : «Effectivement, des talibés ont été enchaînés dans ce daara. Mais l’affaire n’aurait jamais dû prendre cette ampleur.»