NETTALI.COM - Le chef de l’Etat, venu passer un Noël avant l’heure, vendredi, avec les troupes françaises basées à Abidjan, a annoncé qu’il entendait donner une «nouvelle force» à la lutte antidjihadiste au Sahel.

Deux grandes tentes, comme des hangars à avion, sont posées sur une pelouse de la base militaire française de port Bouët, à Abidjan. Dessous, au milieu d’un millier de soldats, le président Emmanuel Macron est venu pour célébrer, «un peu en avance», le Noël avec les troupes. Un détour franco-français en préambule d’une visite de deux jours en Côte d’Ivoire où il avait été accueilli, quelques heures auparavant par son homologue ivoirien Alassane Ouattara.

Macron n’entendait pas sacrifier à cette visite officielle une tradition pour le chef des armées, commencée dès 2017 auprès des hommes de l’opération Barkhane à Niamey, puis un an plus tard à Ndjaména: cette année, l’Elysée a repris la formule tchadienne, déplaçant une nouvelle fois le cuisinier du Château et sa brigade, chargés de présenter un menu à la hauteur -pâté en croûte au foie gras, volaille aux morilles, intense chocolat-, histoire de montrer aux soldats, par l’estomac, la reconnaissance de la Nation. Dans un bref discours, Emmanuel Macron a tenu à saluer, plus directement «celles et ceux qui sont sur les théâtres d’opération» et «leur engagement pour la paix». Il a aussi rappelé le passé douloureux, la guerre civile en Côte d’Ivoire «cette nation frère», où les Forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI), alors dans «l’opération Licorne», ont joué un large rôle et peuvent «être fiers d’avoir aidé à la paix».

L’atmosphère reste toutefois un peu lourde. Pour le président, les grèves, qui paralysent la France, ne sont pas vraiment loin. Il en a profité pour rassurer les troupes, inquiètes, elles aussi, pour leur régime si spécial. «Quand on est militaire, on ne touche pas de retraite. Une touche une pension. C’est différent», a-t-il expliqué, répétant ainsi que les militaires ne sont donc en rien concernés par la réforme. Mais le vrai poids sur cette soirée de fête ne tenait pas aux métros bloqués. Il était plus tourné vers le nord, le Sahel, où 4.500 soldats français de l’opération Barkhane, se battent et parfois tombent. Le 25 novembre, treize sont morts dans une collision d’hélicoptères dans l’est du Mali. Ces appareils apportaient précisément un appui à des hommes du FFCI engagés au sol.

«Donner une nouvelle profondeur à Barkhane»

Après avoir rendu «hommage à ces hommes» et «salué les soldats sahéliens et de Minusma (la mission de l’Onu)» morts en mission, Emmanuel Macron a redit son attachement aux opérations au Sahel. Alors que Barkhane connaît des difficultés, il a insisté: «Barkhane est une mission essentielle pour la France et nous continuerons à la faire. Si nous laissons progresser la menace elle nous touchera aussi.» Le président a cependant laissé entendre que les réalités de la mission sont appelées à évoluer. «Je souhaite donner une nouvelle profondeur à Barkhane», a-t-il lancé. Un renforcement semble désormais clairement imaginé. En Côte d’Ivoire, les troupes qui n’étaient qu’à peine 600 en 2014 sont d’ailleurs aujourd’hui plus de 900. Cette montée en puissance tient à un Sahel qui réclame de plus en plus d’engagement de la base opérationnelle avancée de Port-Bouët. Et en réclamera sans doute plus encore dans les années à venir.

Emmanuel Macron a cependant souligné qu’il n’engagerait pas ses hommes sans quelques mises au point. Après en avoir une nouvelle fois appelé à un soutien européen, il a réclamé «des engagements politiques» de la part des alliés sahéliens. Une discrète critique à l’endroit des gouvernements du Mali et du Burkina Faso, accusés de laisser prospérer un sentiment anti-français malvenu. «Nous avons renforcé le cadre politique», a martelé le président, en référence au sommet de Pau, où se réuniront, le 13 janvier autour d’Emmanuel Macron, tous les chefs d’État du G5 Sahel. «C’est à ce titre que je me rendrai au Niger», a ajouté le président qui fera un bref arrêt à Niamey en quittant la Côte d’Ivoire. «Ce n’est pas le Niger qui est visé, qui joue parfaitement le jeu, mais bien le Mali et le Burkina. Nous tenons à ce qu’ils assument l’aide française devant leurs opinions publiques. C’est indispensable pour nous, mais aussi si nous voulons attirer des alliés européens», détaille-t-on à l’Elysée.

Vendredi, en déambulant au milieu des soldats, Emmanuel Macron, entre deux selfies, s’est montré clair. «Barkhane est importante. Je vais lui donner une nouvelle force.»

Avec lefigaro.fr