NETTALI.COM – L’exclusion de Moustapha Diakhaté était prévisible. Entre Macky et lui, il existe une incompatibilité fonctionnelle du fait d’appréhensions opposées du commandement. Reste à savoir comment l’ex-chef de cabinet du chef de l’Etat va capitaliser sur une posture victimaire après avoir théorisé la nécessité pour l’Apr de se chercher un schéma clair de transition pour succéder au leader du parti, au cas où...
Alea jacta est ! La commission de discipline du parti marron-beige a « définitivement » exclu Moustapha Diakhaté pour « agissements et propos séditieux et fractionnistes et récurrents » de nature à entacher « gravement l’image du parti ».
C’est dire que Moustapha Diakhaté a frappé en plein cœur de sa cible en centrant, géométriquement, le débat sur la question de la limitation des mandats. En clair, à défaut de pousser le chef de l’Etat à dire clairement ce qu’il compte faire à l’horizon 2024, il a réussi à imposer ce débat à l’opinion et prend date pour la suite des évènements. «L’urgence, c’est la reconstruction de l’Apr. Depuis 11 ans, on est dans le provisoire. Il nous faut refonder le parti dans sa structuration, dans son organisation, dans son fonctionnement et même dans son idéologie. Dans les tout prochains jours, je prendrai une initiative de nature à regrouper des militants et militantes de l’Apr qui ont le souci d’organiser le parti et de faire de l’Apr un espace de réflexion et de propositions. Ce sera à l’intérieur du parti», avait-il déclaré à la dernière édition de l’émission “Jury du dimanche” de Mamoudou Ibra Kane.
Nous devons à la vérité de rappeler qu’entre l’intéressé et Macky Sall, le compagnonnage n’a jamais été facile. Si le chef de l’Etat a, durant ses années lycéennes, fait ses armes dans un parti maoïste qui ne s’accommode pas trop de contradictions internes, l’autre est un produit du Rassemblement national démocratique (Rnd) de Cheikh Anta Diop, qui finira par rejoindre le Parti démocratique sénégalais et a été licencié de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’ouest à cause de ses activités syndicales.
Pour mémoire, en janvier 2012 déjà, celui qui a fait les beaux jours de « Wathio ak alternance » avait démissionné de l’Alliance pour république, après que le leader de ce parti a évoqué la fausse affaire des mercenaires que le régime de Abdoulaye Wade aurait fait venir au Sénégal pour casser de l’opposant. Pour Diakhaté, Macky devait réserver la primeur de l’information à ses camarades de parti avant de s’en ouvrir à la presse. Le ton était donné. Même si l’ancien président du groupe parlementaire Benno book yakaar, qui avait battu campagne pour le candidat de « Macky 2012 », allait réintégrer les rangs après la chute du pape du Sopi, il avait montré qu’il n’était pas ce béni oui-oui.
Quelques années après, Diakhaté menace de démissionner de son poste de président du groupe parlementaire majoritaire, mais diffère l’échéance. A la veille des législatives de 2017, il s’oppose ouvertement à l’investiture du frère du chef de l’Etat, Aliou Sall. Son combat paie, car ce dernier s’est retiré des listes. Il y a de cela quelques mois, lors d’une édition de l’émission “Yoon Wi”, sur les ondes de la Rfm, le « rebelle » a osé critiquer la présence de membres de la famille présidentielle au cœur de l’Etat. Face à El Hadj Assane Guèye, il a franchi le Rubicond, en faisant des rapprochements avec le supposé projet de dévolution monarchique du pouvoir qui était prêté à Me Abdoulaye Wade, alors accusé de vouloir confier les rênes à son fils Karim. S’il coule de source qu’entre l’ex-chef de cabinet du président de la République et le frère de ce dernier le courant ne passe pas, Moustapha Diakhaté a dit tout haut ce que d’aucuns pendant tout bas, en soulignant que Macky Sall ne peut pas être président de la République et son frère, président de l’Association des maires du Sénégal (Ams).
Ces attaques contre Aliou sont reliées aux intrigues de cour relatives à la succession, ouverte, du président Sall. Pour d’aucuns, Moustapha Diakhaté est un pion que la première dame active à sa guise, pour isoler le maire de Guédiawaye.
Une déduction hâtive. Sous le magistère de Me Abdoulaye Wade, il a attaché le grelot contre Idrissa Seck, alors tout-puissant sherpa du pape du Sopi, faisant et défaisant les carrières. Avec Moustapha Cissé Lô et Mbaye Ndiaye, il prend la défense du président de l’Assemblée nationale Macky Sall, alors pris pour cible par les faucons de la Génération du Concret. D’ailleurs, il joua un rôle décisif pour porter ombrage à Karim Wade, puisqu’avec l’ancien ministre de l’Environnement Lamine Bâ, il monte une liste parallèle aux locales de 2009. C’est, en partie, à cause de cette liste que le Pds a perdu la capitale, à l’occasion de ces élections-là.
A « Jury du Dimanche » de IRadio. Moustapha Diakhaté n’avait pas fait qu’annoncer son projet de refondation du parti Apr. Il est au contraire resté constant et formel sur la question du « troisième mandat » du Président Macky Sall. Il avait d’ailleurs affirmé n’avoir pas du tout apprécié la réponse de Macky Sall aux journalistes qui l’avaient interpellé sur le sujet, au soir du 31 décembre 2019. « Il ne peut pas dire « Ni oui Ni non » quand il s’agit d’une réponse qui se trouve dans la Constitution. Celle-ci dit que vous ne pouvez pas avoir un troisième mandat », avait-il fait remarquer.
S’appuyant sur la constitution, il avait ainsi clamé l’impossibilité pour le Président Sall d’aller au-delà de 2024. « Je maintiens ma position et c’est celle de la Constitution (…) La question du troisième mandat est réglée et par la Constitution et, dans une moindre mesure, par le Président Macky Sall. Déjà en prêtant serment en 2012, il avait dit que le nombre de mandats est limité à deux. Deuxièmement, il a verrouillé les deux mandats en y incluant la disposition selon laquelle, nul ne peut exercer trois mandats successifs. Troisièmement, à la veille de la Présidentielle, il avait dit que s’il obtient un second mandat, il ne chercherait pas un troisième mandat. Donc, moi je n’ai fait que répéter ce que la Constitution dit et les engagements pris par le président de la République », soulignait l’ancien parlementaire. «Le débat est clos», insistait celui-ci avant d’ajouter n’avoir pas senti de “ guerre de succession au sein de l’Apr.”
Interrogé sur le profil du successeur de Macky Sall, il avait ainsi dressé : « Il devrait avoir un leadership fort. Autrement dit, qu’il soit capable d’identifier un cap pour son pays, capable d’entrainer les populations vers ce cap ».
Seulement à la lumière de toutes les sorties de l'ancien président du groupe parlementaire contre son propre parti, l'on se demande comment Moustapha Diakhaté n'a pu se rendre des problèmes de gouvernement et une absence de structuration de l'APR, 7 ans après ?
Moustapha Diakhaté, exclu de l’Apr alors même qu’il avait la veille, clamé son appartenance à ce parti, toute la question est maintenant de savoir s’il aura les épaules assez larges pour secouer le « Macky » si on s'en tient aux propos d'Abdou Mbow qui rappelle qu'il n’est pas électoralement balèze. Il n’est pas tout aussi probable qu’il y ait des ténors du parti derrière Diakhaté. A moins peut-être qu'il n’y ait des opportunistes encagoulés qui songent à s’engouffrer dans la brèche ouverte par Diakhaté et cette perche tendue aux militants en quête de changement dans le parti.