NETTALI.COM - Qu’est-ce qui a dû bien se passer pour que le Sénégal soit à ce point en ébullition ? Pour un pays connu pour son calme et sa paix sociale, une atmosphère électrique règne depuis quelque temps sur fond de polémiques, de manifestations ininterrompues, de grèves, de dénonciation de supposés scandales, de violences verbales, de braquages de points de vente et désormais de violences physiques conduisant jusqu’au meurtre barbare.
En fait de morts, ils se sont multipliés sur nos routes du fait des accidents récurrents de voitures dans nos rues, quartiers, villes et villages. Mais serions-nous pour autant en mesure d’affirmer que nous sommes devenus un pays violent à un point tel que l’insécurité soit brandie de partout ? Est-ce l’effet loupe provoqué par les médias qui amène à penser à cela ? Y avait-il des séries de meurtres avant notre époque de floraison de chaînes de télé, de radios et de sites internet qui a démocratisé l’information ? Comment mesurer le degré d’évolution de la criminalité au cas où il y en aurait ? Le caractère en tout cas peu répandu de ce genre de crimes odieux, médiatisé et son cortège d’émotion qu’il charrie, ne sont pas certainement pas étrangers à l’amplification du phénomène.
Quoi qu'il en soit, un sentiment d’insécurité est palpable avec l’image du jeune voleur à la tire sur sa moto, guettant une potentielle victime ; ou celle de l'agresseur drogué qui hante les esprits. Les forces de sécurité, les sociologues et les statisticiens pourraient sans doute mieux nous édifier sur ces faits de société avec force de chiffres sur la criminalité, en lieu et place de certains personnages qui ne relaient que leurs propres perceptions. A l'émission "Objection de ce dimanche 2 février sur Sud Fm, le chercheur anthropologue, Youssou Mbargane Guissé a relevé qu'avec la série de meurtres enregistrés ces derniers temps, la société sénégalaise est devenue folle ? “Elle l’est gravement”, a t-il précisé. Certains médias ne devraient donc sous aucun prétexte nous imposer des points de vue avec la seule motivation de booster leur audience ou de vouloir coller à l’actualité, en donnant la parole à des personnages qui sont de véritables fabrications médiatiques, sans envergure et sans background connu, prendre en charge ces questions aussi importantes, comme cela a été le cas à l’émission « Ndoumbélane » de Sen TV, ce vendredi 31 janvier. Que de généralités ont été avancées sur le sujet. Bref le ras le bol que n'importe quel sénégalais est capable de d'exprimer sans recul, ni recherche sur le sujet.
Un ouvrage, des contestations !
Un ouvrage qui tombe en tout cas à pic, c'est celui de Pape Alé Niang, au moment où le rapport de la Cour des comptes 2015-2016-2017 est rendu public. Le livre "Scandale au cœur de la République : le dossier Coud", préfacé par Mody Niang, est en effet riche en révélations croustillantes relevées par le rapport de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac) qui a fouillé la gestion de l’ancien directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) devenu, entre temps, ministre de l’Enseignement supérieur.
Le journaliste nous apprend par exemple, que «les travaux de rénovation des bureaux du directeur du Coud et de celui de l’Acp ont coûté plus de 38,353 millions francs (soit 22,383 millions pour celui du directeur et 15,969 millions pour celui de l’Acp) en 2015». Pourtant, ces mêmes bureaux étaient occupés respectivement par Abdoulaye Diouf Sarr, alors Dg du Coud, et Bara Fall.
Un autre fait qui a intrigué les enquêteurs de l’Ofnac et repris par le journaliste, c’est le cas du chauffeur de Cheikh Oumar Hanne. «M. Iba Oumar Sall, agent du Coud et chauffeur du directeur du Coud a bénéficié le 7 mai 2015 d’une subvention du Coud de 3 millions de francs Cfa pour l’achat de cadeaux et autres préparatifs pour le déplacement du directeur Cheikh Oumar Hann à New York. Interpellé à ce sujet, aucune pièce justificative n’a été fournie à l’Ofnac par M. Iba Oumar Sall», lit-on à la page 77 du livre. Et celui-ci de poursuivre : «Les enquêteurs vont révéler que d’autres décaissements au bénéfice du directeur Cheikh Oumar Hann ont été effectués. Tout d’abord, il s’est octroyé une avancée de fonds de 7 millions. A cela s’ajoute un billet d’avion de 2,628 800 millions et une contribution financière de 2,809 800 millions représentant la quote-part contributive du Coud à l’événement International Quality Summit Convention du 31 mai 2015 à New York.»
A la page 79 de son brûlot, Pape Alé Niang nous apprend que «dans les pièces comptables présentées par M. Cheikh Oumar Hann, les enquêteurs de l’Ofnac ont décelé une facture de Michael Kors pour l’acquisition d’un sac pour femme de 380 dollars, soit 235 mille francs Cfa, imputé entièrement au Coud. Cet achat a été effectué le 29 mai 2015 à l’aéroport JFK international Airport Terminal 1».
Beaucoup de détails bien croustillants en somme. D'ailleurs en fait de rapports, l’on se demande d’ailleurs pourquoi avoir attendu autant de temps pour réunir trois (3) rapports sur trois années. Le premier président de la Cour des comptes, Mamadou Faye a justifié ce samedi 1er février, les retards notés dans la publication des rapports produits par l’institution qu’il dirige et qu’il lie à un manque d’effectif. Toutefois, il a rassuré les Sénégalais quant à la disponibilité des rapports 2018 et 2019 au mois d’octobre 2020 au plus tard.
Une constante en tout cas dans ces différents rapports, la gestion de Cheikh Oumar Hanne est toujours citée. Et l’on ne peut manquer de s’interroger sur ce qui ne doit pas tourner rond dans notre système et la gouvernance fondée sur la sobriété et la vertu.
L’ancien directeur du COUD n’a pas perdu du temps puisqu’il a réagi au livre de Pape Alé Niang. L’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, en marge d’une activité citoyenne dans son fief de Ndioum, a chargé l’ancienne patronne de l’OFNAC, Nafi Ngom Keïta. « Le livre n’est pas écrit par Pape Alé, c’est Nafi Ngom qui l’a écrit », a accusé Cheikh Oumar Hanne. Ce dernier croit d’ailleurs savoir que l’Inspectrice générale d’Etat veut faire de lui « le symbole de la mal-gouvernance ». « Les preuves mises à nu dans le livre, seule Nafi Ngom Keïta les détient dans le cadre de l’enquête sur le rapport de la gestion du Coud », se laisse-t-il convaincre, avant d’ajouter : « il est arrivé un moment où il faut que chacun des Sénégalais puisse faire la différence et que la justice s’en mêle. Je vois que leur vœu, c’est que je puisse répondre de mes actes, mais ce sera l’occasion pour eux aussi de répondre de leur acte de chantage », a-t-il menacé, non sans promettre d’apporter les preuves qui pourraient établir son innocence.
Mouhamed Boun Abdallah Dione y est lui allé de sa dérision. «Il n’y a pas scandale encore moins au cœur de la République. Le Président Macky Sall est un homme de vertu, c’est un démocrate, c’est un champion de la bonne gouvernance.» «J’ai lu le rapport et j’en ai discuté avec un homme de droit. Et il m’a dit que ce rapport, c’est comme du fromage hollandais parce qu’il y a plus de trous que de gruyère. Je lui ai dit que ce sont des trous de mémoire volontaires. Ils ont pris le rapport pour faire du chantage.» «Où est le chef de mission qui a écrit le rapport ?», demande l’ancien Premier ministre. Avant de répondre : «Il est Français. Il est rentré en France. Il a fui après le rapport. C’est ça qu’on appelle livre. Dans ce pays, tout ce qui brille n’est pas de l’or.»
Une réaction qui n'est pas du tout à l'honneur de Dionne, qui, en tant qu'ancien 1er ministre, devrait avoir la décence de respecter ce travail et de critiquer dans les formes appropriées et modérées !
La déferlante turque
La semaine dernière, il a aussi beaucoup été question de nos rapports avec la Turquie où l’on a noté une déferlante au Sénégal. Le président Erdogan a visité Dakar pour la quatrième fois en sept ans. Des analystes n’ont pas manqué de soupçonner Ankara de vouloir faire de Dakar sa vache laitière. Pour un volume des échanges établi à 250 milliards en 2017, la Turquie pèse 85%. Ankara souhaite porter ce volume à 1000 milliards F Cfa à l’horizon 2023.
“J’ai sollicité que notre arachide puisse pénétrer le marché turc, après avoir conquis le marché asiatique et le marché européen“, a déclaré le Président Sall, lors de sa conférence de presse avec le président turc en visite à Dakar depuis le 28 janvier 2020. Une production d’arachide qui visiblement peine à se vendre au fil des années à tel point qu’on ne peut ne pas se demander s’il ne faut pas changer de paradigme en ce qui concerne la politique agricole.
Si 7 accords ont été signés dans plusieurs domaines, il reste que le partenariat est des plus déséquilibrés. La Turquie a entre autres poursuivi, l’achèvement de l’Aéroport international Blaise Diagne de Diass, construit le Centre de conférence international Abdou Diouf de Diamniadio, le Dakar Arena, la Gare des gros porteurs. Macky Sall a annoncé qu’une entreprise turque va réaliser le stade olympique de Diamniadio dont le chantier sera lancé le 20 février. A ce propos, certains journaux n’ont même hésité à désormais dénommer Diamniadio « Turkisland » en référence à cette présence encombrante des entreprises turques.
Un fait d’autant plus contestable, c’est ce projet de texte sur la non double-imposition entre les deux pays adopté à la veille de l’arrivée d’Erdogan par le gouvernement en Conseil des ministres. Ce qui a déclenché un faisceau d’interrogations chez le coordonnateur du Forum Civil, lors d’un atelier national de lutte contre les flux financiers illicites, organisé par le Forum Civil, accompagné par Tax Justice Network Africa (Tjna). Ce, d’autant plus que le président Macky Sall s’est engagé récemment à restreindre le champ des exonérations fiscales.
Pape Matar Sow, Président de la Fédération des sénégalais de Turquie nous a donné un aperçu à l’émission « Jakaarlo » de ce vendredi 31 janvier de la nature du traitement réservé aux Sénégalais. Ils ont été régularisés à raison de 800 dollars par personne. Chose étonnante, à la question de savoir si les Sénégalais peuvent y travailler, réponse obscure de celui-là. L’on a bien compris qu’ils ont n’ont pas de permis de travail.
Dans nos rapports avec le Maroc qui a investi le secteur financier (banque/Assurances), Immobilier, etc, le ministre du Commerce et des Pme, le Sénégal a noté un déficit de 22 milliards de sa balance commerciale, dans ses échanges avec le Maroc, invité d’honneur de la 5ème édition de la Foire internationale de Kaolack (FIKA).
La récente mise en garde, en marge de la cérémonie de présentation des vœux de l’année 2020, du directeur général de Senac SA, à son personnel, nous a laissés bien pantois. « Le contrat nous fixe un ensemble de droits réciproques entre l’Etat et le concessionnaire. Aujourd’hui nous sommes au-delà de ce que le contrat nous demande de faire. Et l’idée de renégociation ne parait pas appropriée parce que l’on peut le renégocier que s’il y a une clause qui le permet et aujourd’hui, il y’en a pas », a dit celui-ci.. Une menace que Birahim Seck n’a pas vu d’un bon œil d’où son insistance et encouragement adressé à l’Etat dans le sens d'amener Senac à la table des négociations.
Mais nous ne pouvions pas ne pas évoquer la manifestation de Nio Lank qui a fait foule. « Il n’est même plus nécessaire de revenir sur la hausse du prix de l’électricité. Aujourd’hui, le prix du litre d’huile a augmenté de 900 F Cfa à 1300 F Cfa, la tonne de riz de 240 000 F Cfa à 280 000 F Cfa, le paquet de lait de 42 500 à 60 000 F Cfa. Le peuple souffre, le Sénégal souffre. Les Sénégalais sont fatigués », a déclaré Aliou Sané également membre de Y en a marre . Une déclaration qui n’est en tout cas pas passée inaperçue et qui sonne comme un cri de désespoir et en même temps un pied de nez à ces journalistes collaborateurs qui ont tordu la main aux faits, accablant la Senelec et la traitant de tous les pêchés d’Israël. L’on note bien, à la vérité que l’augmentation de bon nombre de prix peut être expliquée de la manière la plus simple : une multiplication des chantiers qui aspire la trésorerie. On chercherait à compenser.
Une bouffée d’oxygène heureusement dans cette brume, c’est l'expertise sénégalaise que le président de la République, le ministère du Pétrole et des Energies ainsi que le secrétariat d'Etat des Sénégalais de l’Extérieur, ont tenu à valoriser pour une première, à travers cette récente conférence de la semaine passée à Dakar. Des compétences sénégalaises diverses dans le domaine du pétrole et du gaz évoluant dans les grandes compagnies du ‘‘oil and gas’’ ou structures apparentées telles que Saudi Aramco, Schlumberger, BP, Elf, Total, Adnoc, Eni, Sonatrac, Gaz de France, Saipem, Solveig… Ils ont pour noms Talla Guèye, Samba Ba, Madiou Diallo, Bocar Wane, El Hadj Malick Fall, Lamine Badio, Rose Ndong et sont ingénieurs, spécialistes forage, Global Solution Architect, conseiller au ministère saoudien de l’Energie. On pense même à les faire revenir, selon les termes du secrétaire d'Etat Möise Sarr. Il faut peut-être juste leur offrir des conditions alléchantes.
Quoi qu'il en soit, on assiste de nos jours à une situation alarmante du pays qui laisse perplexe quant à nos rapports avec ceux qu’on appelle « pays amis » ou « partenaires ». Si on n'y prend pas garde, les convives autour du plat risquent d’être tellement nombreux qu’il ne restera plus rien à l’hôte.