NETTALI.COM – Malgré la fermeté affichée par le chef de l’Etat, le Sénégal n’est pas totalement et définitivement opposé à un rapatriement des étudiants sénégalais de Wuhan. Sauf qu’en plus des risques que pourrait comporter une telle opération, le gouvernement ne veut surtout pas ouvrir la porte à d’autres demandes de rapatriement qu’il ne pourra pas satisfaire.
«Même les grands pays qui ont pu faire des rapatriements l’ont fait avec beaucoup de difficultés. Cela requiert une logistique tout à fait hors de portée du Sénégal. Il faut des avions spéciaux qui puissent aller sur place, il faut du personnel, ce ne sont pas des compagnies aériennes, mais des appareils militaires. Lorsque ces personnes reviennent, il faut pouvoir les mettre en quarantaine dans un lieu équipé en conséquence, ce n’est pas encore le cas pour le moment dans notre pays et des pays africains.» Cette déclaration du Président Macky Sall a suscité une vive polémique autour du sort des étudiants sénégalais bloqués à Wuhan, épicentre du Coronavirus en Chine. Le chef de l’Etat a ainsi fermé la porte à tout rapatriement de ces jeunes sénégalais dont les cris de détresse ont fait la une des journaux cette semaine. Et son ministre de la Santé ne dit pas autre chose. «L’intervention sanitaire du Sénégal au niveau de Wuhan nécessite un dispositif aérien et logistique qui est spécifique dans ce cas de figure», a laissé entendre Abdoulaye Diouf Sarr. Qui précise : «Les propos du chef de l’Etat ont été galvaudés, manipulés et transformés de telle sorte qu’on a eu l’impression qu’il s’agit de moyens financiers.» Pourtant, des pays comme l’Algérie, le Maroc ou encore la Mauritanie ont pu rapatrier leurs compatriotes.
En réalité, le problème est moins financier qu’autre chose. D’autant que l’Institut Pasteur de Dakar affirme avoir les capacités pour mener les tests afin d’identifier les éventuels porteurs du Coronavirus. Mieux, en fin janvier déjà, le ministère des Affaires étrangères laissait entrevoir la possibilité de rapatrier les 12 étudiants. «Dans l’hypothèse où la situation ne connaitrait pas une nette amélioration, des discussions sont engagées avec les autorités chinoises pour étudier la possibilité d’obtenir une autorisation pour un rapatriement de nos étudiants», avaient révélé, dans un communiqué, les services du ministre Amadou Ba. Pourquoi alors fermer complètement la porte à toute possibilité de rapatriement quelques jours après la publication de ce communiqué des Affaires étrangères ?
«Le président de la République n’a pas tort», répond un fonctionnaire du ministère de la Santé. Et notre interlocuteur d’expliquer : «Je ne sais pas si les gens s’en rendent compte. Mais l’hôpital le plus proche de l’aéroport de Diass se trouve à Thiès où il n’y a presque pas d’équipements.» Et l’aéroport de Dakar alors ? «C’est possible, mais est-ce que vous savez que le Sénégal n’a même pas de masques triple-filtre utilisé dans de tels cas ?», répond-il. Non sans regretter Eva Marie Coll Seck «qui avait su gérer l’épidémie d’Ebola plus proche, à l’époque, de nos frontières».
Toutefois, en dehors de la logistique et des risques de propagation si des porteurs du virus étaient identifiés, les autorités sénégalaises ont une autre préoccupation. «Le problème n’est pas financier», confie un collaborateur du chef de l’Etat. Assurant que Macky Sall est particulièrement préoccupé par le sort des étudiants de Wuhan, il ajoute : «Il y a des milliers de Sénégalais en Chine. Imaginez qu’on rapatrie ceux de Wuhan et que d’autres fassent la même demande…» Autrement dit, les autorités sénégalaises prient pour une maîtrise rapide de l’épidémie par la Chine afin que la polémique prenne fin.