NETTALI.COM - Il fallait s'y attendre. La situation se complique pour le personnel médical. Et l'on s'achemine tout droit vers le confinement ou confinement partiel avec  ces 11 nouveaux cas confirmés ce dimanche 22 mars et ces villes dont Dakar, Ziguinchor, Thiès, Saint-Louis, Diourbel, où 1000 cas contacts suivis actuellement. Le Sénégal compte officiellement ce lundi 23 mars 67 cas positifs, 5 guéris et 62 sous traitement.

Eh oui, comme on s'y attendait, depuis le week end, les cas communautaires ont rendu compliquée la lutte. Le non respect de l'interdiction des rassemblements et la non application des mesures d'hygiène et de ces attitudes-réflexes ressassées partout, ont produit des résultats bien inquiétants. Le virus est entré un peu partout notamment dans ces 5 régions précitées. Pour le Pr Daouda Ndiaye, le confinement est devenu inévitable au Sénégal, avec la transmission communautaire. Seydou Guèye, le ministre en charge de la communication présidentielle, se projette déjà dans des mesures plus draconiennes. Selon lui, le Chef de l’Etat ne dérogera pas à sa responsabilité et prendra toute décision utile pour sécuriser les populations. S’il doit décider du confinement ou de l’état d’urgence, il prendra, comme il l’a fait depuis le début, ses responsabilités.

L'on est dès lors tentés de se demander s'il n'est pas trop tard pour adresser des messages de fermeté ? L’autorité de l’Etat a en tout cas été défiée à Yoff, où une foule immense s’est interposée entre les forces de l’ordre et l’Imam, au moment où ce dernier s’apprêtait à diriger la prière du vendredi pourtant interdite. Idem à Thiaroye, Kaolack, Guinaw rail, où les jeunes se sont opposés aux forces de l’ordre. A Touba et à Kaolack, l’interdiction des rassemblements a été ignorée.

 La gouvernance, c’est l’exemplarité 

Mais ce qui est d’autant plus gênant dans la gestion de la crise, ce sont les ballets incessants de donateurs notés au ministre de la Santé. L’on a vu Youssou Ndour avant l'interdiction des rassemblement et sa délégation au ministère avec le ministère ; Aminta Mbengue Ndiaye et Aminta Touré avec leur délégation. Il y a en tout cas lieu de s’interroger sur le niveau de conscience de nos autorités. Abdoulaye Diouf Sarr, devrait-il perdre du temps à recevoir ces visiteurs qui créent des regroupements inutiles et interdits de surcroît ? N’aurait-il pas été par exemple plus opérant et plus simple dans ce monde moderne, de déposer ces dons dans un compte, si tant est que les actes sont aussi désintéressés ? Au pays du voyez-moi et de la récupération politique, c’est hélas bien difficile. Le bien n’aime pas le bruit, c’est sûr ; le bruit ne fait pas non plus beaucoup de bien. Une solution simple pour réaliser des économies, pourrait être par exemple de dissoudre le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et le Conseil économique, social et Environnemental (Cese) et consacrer leurs budgets à la lutte contre le coronavirus. Leur raison d’exister n’a jusqu’ici toujours pas été prouvée.

Nos autorités ne se rendent certainement pas compte que communiquer, c’est d’abord poser des actes. Il ne consiste uniquement pas à la production d’un discours. Quel message a-t-on cherché à délivrer en agissant de la sorte ? Les populations en voyant le ministre de la Santé prendre autant de temps pour recevoir des donateurs et discourir, tel dans un « grand-place », doivent se dire qu’au fond cette maladie n’est pas aussi grave qu’on le prétend. Il est en tout cas bien trop relax même si on ne souhaite pas qu’il perde sa sérénité.

Il a par exemple fallu que le Synpics conseille l’arrêt des points de presse pour que le ministère se rende compte que cela créait inutilement des regroupements de journalistes. A la place, un message lu en direct ou un communiqué de presse voire un sms adressés aux rédactions, suffisait amplement. Le groupe Youssou Ndour a d’ailleurs enregistré un cas positif. Ce qui devrait davantage attirer l’attention de la presse. Une certaine presse devrait toutefois se garder de révéler l’identité des personnes atteintes de la maladie. Quelle importance, l’essentiel étant de protéger les personnes autour et soigner le malade ?

En France par exemple, dans certaines rédactions, ce sont des conditions draconiennes qui sont imposées au personnel. Elles se sont passées pour bon nombre d’entre elles de la présence de tous les intermittents du spectacle, maquilleurs et autres. Ce sont désormais les présentateurs dont la présence est nécessaire qui sont admis. Ils prennent eux-mêmes en charge leur maquillage. Une manière bien utile de minimiser la présence des équipes qui se livrent au télétravail et envoie leurs éléments via le net. De même l’utilisation des bonnets sur les micros, est suspendue pour la bonne et simple raison qu’ils gardent la salive longtemps alors que les micros sans bonnet sèchent rapidement. Autant de précautions, peut-être dont beaucoup sont inconscients, mais qui peuvent être ô combien utiles pour limiter la propagation de la maladie.

Un fait qui a surtout attiré l’attention et indigné bon nombre de Sénégalais, c’est l’attitude de Boun Abdallah Dione qui est allé effectuer la prière du vendredi à Touba. Sur les réseaux sociaux, il a eu droit à une avalanche de critiques. Il a beau expliqué être porteur d’un message du président de la République auprès du Khalife, rien n’y fait, cette participation à la prière dans un moment d’interdiction des rassemblements, est une bourde monumentale. Il est après tout secrétaire général de la Présidence de la République. Un homme de ce rang doit donner l’exemple. On gouverne évidemment par l’exemple. Sacré Dionne ! Il commence vraiment à exceller dans les bourdes notamment surtout avec sa récente sortie contre l’Ofnac. Une prise de position qui ne l’a pas du tout honoré. Cherchait-il à gagner la sympathie des mourides ? Cherche-t-il à récolter des dividendes en prélude à la succession de Macky Sall, en se montrant au grand jour, tout mouride qu’il est. L’ancien Premier ministre pouvait gérer le timing et peut-être choisir un autre moment, s’il n’était mû que par l’intérêt de porter un message.

Un autre fait tout aussi critiquable est la posture de l’Imam Moussa Samb de la Grande mosquée. Figurez-vous qu’il s’était lancé dans une explication alors pas du tout pertinente. A L’Observateur, l’Imam a fait savoir  que : « la prière du vendredi est une recommandation de Dieu, même en temps de guerre. C’est une recommandation à suivre à la lettre. ». Il avait certainement oublié de préciser que la prière, dans ces conditions, était assez particulière puisque ceux qui priaient, n’exposaient pas leur vie. Ils étaient protégés par leurs compagnons de guerre avant que ceux-ci ne prient à leur tour, en étant protégés par ceux qui priaient auparavant. L’Islam proscrit de toute façon de mettre sa vie en danger, même en s’acquittant de la prière.

Comment comprendre qu'une émission dédiée à la collecte de fonds animée, dans un contexte de crise aussi grave puisse se transformer en « Sambay Mbayaan » (propos élogieux lancés à l’endroit de personnes nanties avec espoir de retour en espèces sonnantes et trébuchantes) ? Avec pape Cheikh, le folklore est toujours au rendez-vous.

La presse ne devrait pas donner la parole à n’importe qui…

La fermeture des mosquées n’a pas rencontré l’assentiment de certains religieux qui pensent tout simplement qu’elle aurait eu une pertinence si elle était faite concomitamment à la fermeture des marchés, l’arrêt des transports en commun. Pour ceux-là, les mosquées devaient être fermées en dernier ressort. Un débat d’érudits de l’islam que des profanes en la matière ne se doivent nullement d’engager. Ce qui nous permet de dire au passage à nos chers amis journalistes qu'ils ont souvent tort de donner la parole à certains. C’est fondamentalement un acte d’irresponsabilité que de par exemple la donner à une Selbé Ndom, ou à un Mbaye Pekh voire un Iran Ndao, désormais à la recherche permanente de buzz. Certains chroniqueurs d’un nouveau genre se sont depuis quelques temps sentis pousser des ailes. Ils passent leur temps, à débiter des inepties sur une certaine télé bien suivie. On n’est plus dans une affaire d’opinion. Tout débat devrait en réalité être celui d’experts, même dans un contexte de paix, à fortiori de crise aussi aiguë. Un chantier que la presse devrait rapidement prendre en charge en son sein.

A la vérité, au Sénégal, l’on ne semble pas avoir suffisamment pris la mesure de l’épidémie, alors qu’en Italie, on dénombre près de 5500 morts dont 651 décès (22 mars) en un jour et près de 6000 malades dénombrés en 24 h (info du vendredi 20 mars). 41 médecins y ont perdu la vie contre 46 en Chine.  Les Etats Unis sont passés à 18 000 cas (au 21 mars) alors qu’ils étaient récemment à 10 000 cas. Le Burkina Faso fait les frais avec son gouvernement où 4 ministres ont été testés positifs en plus du décès de la vice-présidente de l'Assemblée nationale.

Au Sénégal, le résultat est que l'épidémie gagne du terrain et des équations à mille inconnus se posent. Imaginez un peu le cas de cette dame infectée de Thiès. Testée positive, l'on nous apprend qu'elle s’est rendue à un mariage à Vélingara du 13 au 15 mars dernier. La conséquence, ce sont 4 familles qui ont été mises en quarantaine et l'on ignore si le virus a été contracté à Vélingara ou à Thiès ? Et que penser de cette personne testée positive et qui s’est échappée de l’hôpital de la caserne Samba Diéry Diallo avant d’être géolocalisée à Pikine ?

En tout cas, ce vendredi 20 mars, le Docteur Abdoulaye Bousso, intervenant au téléphone sur la TFM, a décrit la gravité de l’épidémie sans langue de bois : « on est dans la phase ascendante de l’épidémie. Il faut s’attendre à ce que les cas augmentent. La baisse dépendra du comportement des populations. Le risque serait de perdre le lien de l’épidémie. En France mes collègues m’ont expliqué comment ils procèdent. Ce sont des consultations à distance qu’ils font. Ils prescrivent des médicaments et les gens restent chez eux car s’ils sortent, ils vont transmettre la maladie ».

La vérité est que dans beaucoup de pays aujourd’hui, la crise est gérée sans état d’âme. Il est donc plus qu’impérieux que le gouvernement prenne son courage à deux mains pour prescrire des décisions fermes. L’expérience montre en effet que tous les pays qui ont fait preuve de négligence, en ont fait les frais. Emmanuel Macron, n’avait-il pas été prévenu par les autorités sanitaires contre l’organisation du 1er tour des élections municipales. Résultat des courses, le second tour est reporté, la situation s'est empirée.

Des mesures, Dieu sait qu’il y en a beaucoup à prendre. C’est plutôt à cela que le ministre de la Santé et les autorités devraient davantage s’atteler, au lieu d’être dans le show des donations. Entre autres, celles relatives aux enfants de la rue, aux talibés et sans abris qui arpentent les rues et qui sont en contact avec les populations. Ils doivent être protégés car leurs conditions d’hygiène ne sont pas optimales. De même les regroupements au coin de la rue ou sur les devantures des maisons, devraient être interdits. Que penser de la manière dont les baguettes sont maltraitées dans les boutiques les kiosques et au moment de leur livraison ? Imaginez le nombre de mains entre lesquelles transite le pain, sans gants, ni pince pour l'attraper et le servir. L'on veut que ces mesures d'hygiène deviennent subitement des réflexes. De vrais médecins après la mort, ces Sénégalais !

PS : Cette pandémie est finalement une belle leçon de démocratie pour le monde entier. Elle vient lui rappeler en effet qu'aucun pays aussi puissant soit-il, n'est épargné. Pour l'heure, ce sont les plus puissants qui paient le plus lourd tribut. D'aucuns y voient un signe de Dieu et de sa puissance qui s'exercerait sur tous ceux qui, sous couvert d'un certain sentiment de puissance, écraseraient les plus faibles. Une leçon de justice puissante en même temps qui montre que le coronavirus ne connaît, ni président, ni ministre, ni footballeur professionnel et encore moins de capitaine d'industrie. Il rappelle à certains égards à nos gouvernants qu'ils doivent changer de paradigme dans leurs choix de développement. Ils doivent se rendre compte que le peuple a finalement plus besoin de capacités d'accueil dans les hôpitaux que de stades à coups de centaines de milliards voire de Ter ou encore de BRT. Un vrai sondage pour les gouvernants s'ils cherchent toujours à dresser une priorité quant aux besoins des citoyens.