NETTALI.COM – Ce lundi soir 11 mai, l’on a noté une variation dans le discours de Macky Sall qui jusque-là, affichait une main de fer dans la lutte contre le coronavirus. C’est à se demander s’il n’anticipe pas une remise en cause de son autorité.
Il y a comme une propension au revirement chez Macky Sall. Le chef de l’Etat, décrétant l’état d’urgence assorti de couvre-feu par décret n° 2020-830 du 23 mars 2020, se servit du champ lexical de la « guerre » pour dicter des mesures à même de faire stopper la progression du coronavirus au Sénégal. Il ne s’encombra pas de fioritures pour exiger la fermeture des lieux de culte et prescrire plusieurs autres restrictions.
Paradoxalement, alors que la pandémie est loin de son pic, sous nos tropiques, comme il l’a lui-même relevé dans un entretien avec "Le Figaro", le voilà qui lâche du lest, après qu’une partie des citoyens a ramé à contre-courant des mesures de prévention édictées.
Interrogé par SEN Tv juste après l’adresse à la nation du président de la République, le jeune leader politique, Thierno Bocoum, n’y va pas par quatre chemins pour faire remarquer l’absence du « ton grave », en usage dans les deux premiers discours sur la thématique ». « Il n’avait pas appliqué les réalités socio-culturelles », regrette Bocoum, qui parle de « fuite en avant », alors que les contaminations ont haussé de 36 à 1886 cas.
De quoi pousser le chroniqueur politique, Momar Diongue, sur le même plateau à marquer « sa déception ». Le journaliste demande au ministre Amadou Hott, qui était présent, si cette tendance à l’assouplissement est dictée par la réalité économique ou celle sanitaire. Normalement, dit-il, on devait délibérer en fonction d’un avis « médical ». Or, amène-t-il à constater, « les pays qui ont allégé, ce sont ceux-là qui, après avoir atteint le pic, ont connu une baisse dans la courbe ». Il cite l’exemple de l’Allemagne qui a durci les mesures, après avoir assoupli, parce qu’il y avait une remontée.
L’ambiguïté prend le dessus sur la cohérence, quand le ministre en charge de l’Economie Amadou Hott intègre la perspective d’un retour au durcissement si l’on assiste « à une nouvelle remontée » des contaminations.
Ce qui n’est pas à exclure, d’autant plus que déclare l’économiste Thierno Thioune, en matière de statistiques, tout dépend de l’hypothèse de départ. En d’autres termes, ne maîtrisant pas ses données statistiques, le Sénégal aurait vite fait de lever certaines restrictions.
Toute la question est maintenant de savoir si le chef de l’Etat n’a pas pris les devants pour empêcher une remise en cause de son autorité par ceux-là qui ont déjà décidé d'ouvrir les mosquées. L’acte posé par l’ancien Premier ministre, Abdallah Dionne, qui est allé prier à Touba, alors que la fermeture des mosquées était prescrite, était le signe annonciateur de cette « fuite en avant ».
De même, en permettant le rapatriement des corps, le chef de l'Etat a tout simplement désavoué la Cour suprême qui a pris une décision récente contre un recours à cette décision d'interdiction initiale.
L'on peut aussi s'interroger sur l'impact du couvre-feu dans la gestion du Covid- 19, ce d'autant que les lieux de vie, notamment, les bars, restaurants et autres sont fermées. Ramener le couvre-feu de 21 à 5 h du matin contre 20 h à 6 H du matin, n'est-ce pas au fond à la même chose ?
Peut-être que Macky Sall a choisi de privilégier la raison en montrant qu'il faut sans doute désormais vivre avec la maladie.