NETTALI.COM - Dans notre dernière chronique média, nous déplorions le comportement de ces chaînes de télévision qui mettaient en compétition, chaque soir pendant le Ramadan, les guides religieux musulmans du Sénégal. Nous relevions aussi que la complicité des conférenciers jouait ainsi à plein régime car ceux-ci venaient “vendre” leurs favoris sur fond de rivalités confrériques qui ne devaient pas avoir lieu. La semaine dernière, rebelote. La TFM a laissé un religieux bien connu en l’occurrence Ahmed Khalifa Niasse, se défouler tranquillement sur des prêcheurs, de surcroît de la maison. Des dérapages et du manque de professionnalisme, en somme.
Etaient-ils à ce point motivés par l’obsession du buzz au point de ne pas pouvoir se passer d’Ahmed Khalifa Niasse ? En tout cas, comme presque toutes ces dernières années, il était encore là. En roue libre en plus, déroulant parfaitement par rapport à son propre tempo. Sur le plateau, il y avait Amina Poté, Bouba Ndour, Ya Awa Dièye, Ndoye Bane, Pape Cheikh Diallo et Aba no stress. Evidemment dominateur tel qu’on le connaît et ayant une bonne maîtrise de la rhétorique et en parfait habitué des médias, le sieur Niasse s’est abattu, tel un ouragan, sur Taïb Socé qu’il a qualifié de voleur et s’est demandé comment une quête a pu être organisée pour le tirer d’une affaire de contrainte par corps, suite à sa condamnation pour escroquerie. C’est suite à une interpellation d’Aba No stress quant à ses rapports avec les religieux et prêcheurs. Il traitera même le prêcheur de voleur. Le comble ! Oustaz Assane en face de lui, en a eu aussi pour son grade. Il s’est lui aussi vu asséner un gros coup de massue quant à des honneurs que le marabout a déclaré lui avoir rendu en lui offrant tantôt un bœuf, tantôt un mouton lors de baptêmes de ses enfants.
Même Bouba Ndour qui se fendait d’un « papa » pour introduire ses questions en signe de respect, recevra une petite pique de la part du marabout : « tu as la barbe tellement blanche qu’on dirait que tu es plus vieux que moi, et tu m’appelles papa ». Evidemment le tout sous le regard médusé de Pape Cheikh Diallo. Qu’est ce qui a bien se passer pour que Bouba Ndour, d’habitude si critique, se montre aussi doux avec le mollah ? Est-il vrai, comme l’a insinué Ahmed Khalifa Niasse, qu’il a posé ses conditions qui ont été acceptées avant qu’il ne vienne participer à l’émission ? Conditions tendant à disserter d’abord sur l’œuvre de son père avant de répondre à une quelconque question. Ce qui lui a donné le droit de dérouler à sa guise, rabrouant au passage Ndoye Bane qui voulait placer un mot. Le tout à renfort d’envolées lyriques des chanteurs religieux qui l’accompagnaient.
Ce qui a fini par naturellement indisposer le très prolixe Pape Cheikh Diallo qui commençait à comprendre que l’émission lui échappait et que ce numéro de «Quartier Général» allait tout droit vers un fiasco. Mais trop tard. Le mal était déjà fait.
Des éclats de rire, on en a aussi entendus ! Curieux comme attitude de la part de Ya Awa Dièye au moment où on descendait ses collègues du Groupe Futurs Médias en flammes ! Quelle indécence ! Quel manque de courtoisie. Elle devrait apprendre à se tenir celle-là !
Bref, on aura assisté à réel manque de maîtrise de l'antenne par le très sympathique Pape Cheikh Diallo ! Une violation flagrante des règles de confraternité qui imposent qu’on ne laisse pas ses collègues se faire lyncher de la sorte ! N’aurait-il pas fallu recadrer M. Niasse ? Un journaliste formé avec une claire conscience de son métier, l’aurait certainement fait. Taib Socé et Oustaz Assane sont tous les deux de la maison en plus !
Le communiqué qu’Ahmed Khalifa Niasse diffusera par la suite, pour relever une tentative de sabotage contre sa personne sur ce plateau et qu’il aura éventré, n’aura été qu’une justification face à ce qui peut être considéré comme une attitude scandaleuse et démesurée.
Ce qui repose la question de la responsabilité de ces animateurs. Non pas qu’ils ne doivent pas diriger des émissions de divertissement, mais un fait est que ces émissions-là doivent être orientées dans un sens qui soit utile pour le téléspectateur et non qui l’abrutisse davantage.
Le sondage de Racine Carré Agency que l’on ne connait pas et que l’on a découvert la semaine dernière dans certains médias, vient de révéler que globalement, les Sénégalais de Dakar et sa banlieue préfèrent suivre les animateurs que les journalistes. Ces résultats que l’on ne peut toutefois pas apprécier correctement sans regarder les détails du sondage, donnent un aperçu des tendances selon lesquelles les téléspectateurs pencheraient plus vers des journalistes plutôt orientés sur l’opinion que l’information ; et vers les animateurs et « revueurs » de presse très folkloriques, privilégiant le commentaire des titres et non réellement ce qui y est écrit !
L'information ne saurait être de grandes déclarations, de grandes phrases, des citations qui consistent à dénoncer des choses à grand renfort d'indignation, sans toutefois pouvoir les étayer. Beaucoup d'émissions où l’on assiste à la présence de chroniqueurs, sont de nos jours des canaux de promotion d'opinions et moins d’informations. Ces émissions sont non seulement préparées à l'avance avec l’aide de Google, Wikipedia et de citations ramassées par ci et par là, mais elles sont en plus proches de la discussion de grand-place. Produire de l'info ne saurait se résumer à l’émission d’une opinion contre une autre. C'est au contraire de la production de faits collectés, recoupés et diffusés. Commentaires, analyses etc, quel que soit le genre, doivent relever du factuel.
Qualité et ambitions
Interrogé à l’émission « Iftaar » sur I-TV, une émission au ton mesuré, calme et ô combien instructive de par son orientation, Mamoudou Ibra Kane a disserté sur le positionnement de son groupe et a indiqué le chemin à suivre pour construire des média de référence et de qualité. Pour lui, il s’agit de faire la synthèse de la politique de l’offre et de la demande qui sont deux logiques qui ne devraient pas être considérées séparément. Son groupe se veut créateur de valeurs. Une manière pour lui de dire que le téléspectateur peut aller jusqu'à évoluer en combinant ce qu’il aime avec ce qu’on lui offre. Le journaliste n’a pas manqué de s’interroger sur le pari de la qualité et du long terme ; de même que sur le pourquoi, les téléspectateurs et auditeurs devraient-ils suivre les chaînes occidentales pour espérer avoir de la qualité. Une bonne question qui l’amène dès lors à se demander si, sous nos cieux, l’on est incapable de produire de la qualité.
Pour Mamoudou, le journalisme c'est un métier et non une roue de secours. Il pense qu’il ne faut pas laisser le métier aux autres. Il est nécessaire, à son humble avis, d’avoir le courage d’y demeurer et même d'entreprendre à travers par exemple une société de rédacteurs (Alassane Samba Diop, Antoine Diouf, khalifa Diakhaté, Mamadou Ndiaye, etc) comme ils l'ont fait avec des entrepreneurs sénégalais. Il ajoutera même que l'ambition serait d’être suivi en Chine, au Brésil, en France, aux Etats Unis etc à travers d'autres langues, la seule limite devant être le ciel. Sinon, ajoute-t-il, ce sera indubitablement une nouvelle colonisation par les Occidentaux à travers leurs médias.
Pour M. Kane, face à un religieux sur le plateau, il indiquera sous son contrôle que la religion recommande de recouper et de dire la vérité sur l’information. Il parlera surtout de professionnalisme.
Confusions, amalgames, professionnalisme et faits
Tiens tiens le professionnalisme, parlons-en car c’est ce qui semble curieusement manquer dans un certain dossier. Car comment peut-on vouloir communiquer sur un sujet en roue libre dans une interview et ne pas vouloir aller affronter ses collègues syndicalistes dans un débat contradictoire ? Habib Aïdara, le syndicaliste de Sutelec de la Senelec (anciennement dirigé par Mademba Sock) n’a pas souhaité croiser le fer avec Souleymane Souaré qu’il considère comme son grand frère. C’est en tout cas que Seneweb a rapporté comme raison dans un « spécial » organisé par Khalifa Diakhaté sur I-TV. Mademba Sock lui avait d’autres engagements ; un argument qui peut bien évidemment se concevoir.
Mais en vérité, pour un sujet aussi technique et juridique dans ses aspects procéduraux et contractuels pour lequel les journalistes ne sont pas dans leur grande majorité très outillés, il n’est pas inutile d’assister à des débats contradictoires qui seuls peuvent éclairer en grande partie, la lanterne du public.
D’un point de vue professionnel, relater les faits pour le journaliste dans cette affaire, requiert qu’il quitte son fauteuil moelleux pour aller sur le terrain comme cela leur a été enseigné dans les écoles de journalisme. Plusieurs sources d’informations existent à cet effet : le Directeur général de Senelec, les directeurs qui ont participé à la négociation de deux années avant la signature du contrat, les personnes du commercial, du juridique, des finances et comptabilité de Senelec et des directions du transport, de la distribution et de la production ; les 5 syndicats de Senelec en présence. Le DG d’Akilee et ses clients parmi lesquels, on en compte près de 800 dont la Sonatel, Auchan, La Banque mondiale, Société générale, Orabank, Nsia, Port Autonome de Dakar, Simpa, Bolloré, etc. Bref près de 800 clients.
C’est ce que Moustapha Diop, ce journaliste de Walf, s’est tué à dire à ses protagonistes au cours d’un débat sur la chaîne de feu Sidy Lamine Niasse où il n’a eu de cesse de démentir un invité : « nous nous informons avant de venir sur ce plateau »
Mais dans ce dossier sans fin, c’est désormais le contrat qui cristallise les attentions. Celui-ci est partagé, dit-on pour y voir clair. On en voit qui se prennent maintenant pour des avocats d'affaires ! Peuvent-ils seulement authentifier le document envoyé par whatsapp ? Savent-ils s’ils ont l’intégralité du contrat avec ses annexes ? Une fois qu’ils ont le vrai contrat, sont-ils à ce point capables de le décrypter ? Qui a intérêt à partager le contrat ?
Des amalgames, des contrevérités, Dieu sait qu’ils jonchent ce dossier Akilee-Senelec. Lorsque des journalistes sur le plateau de Walf poussent l’outrecuidance jusqu’à parler de compteurs en évoquant des marges qu'Akilee devrait mettre dessus et qui renchérirait forcément les prix. L’on est dans la spéculation pure et simple car ils ne se rendent pas compte que l’effet masse et les 10 ans d’exclusivité (déjà appliqués avec Simelec de Pape Dieng) permet de baisser les coûts. Ils ont purement et simplement été démentis.
Lorsque des journalistes tirent des conclusions en évoquant dès l'amorce de leur sujet, le « délit d'initié », savent-ils vraiment ce que c'est ? Sont-ils juges ? Ils sont journalistes et oublient qu’ils doivent présenter les faits, rien que les faits au lieu de tirer des conclusions hâtives.
Scandaleuses sont par exemples ces deux questions de Ndèye Dimé Ndao de la Sen Tv à Thierno Alassane Sall, l’ancien ministre de l’Energie sur le plateau de Sen TV : « Aïdara de Sutelec nous a dit que quand le coronavirus sera derrière eux, ils feront une mobilisation sans précédent pour montrer que ce sont les intérêts du Sénégal qui ont été bafoués » et la seconde : « comment appréciez-vous le dossier qui révèle ce que les gens considèrent comme des dégâts causés par le ministre de l’Energie à l’intérieur de Senelec… ». Une question qui a attiré l’attention du ministre Sall qui lui a aussitôt répondu : « mais madame, vous avez déjà jugé…». Le manque de recul et le commentaire orienté sont flagrants ! Ce n’était pas la première fois qu’elle se montrait très entreprenante dans le cadre d’une émission en compagnie du même syndicaliste qu’elle cite !
Thierno Alassane Sall a toutefois livré une information de taille selon laquelle, le président de la République ne peut pas ne pas être au courant de la signature d’un tel contrat et que l’on ne peut prendre de telles décisions sans avoir son accord. Ce qui n’est pas l’avis d’Ibrahima Sène du Pit qui a une autre lecture dans une contribution diffusée sur sa page facebook. Il parlait plus de la dimension politique qu’on semble donner à l’affaire. Il a en effet estimé que celui-ci n’est pour rien dans cette affaire qu’on l’accuse de laisser pourrir à dessein.
Dans ce dossier sur le devant de la scène médiatique, l’on aura en tout cas noté un déficit de recoupements des infos fournies ça et là, de nombreux amalgames et manipulations distillés. Des idées reviennent souvent, à savoir que c’est lors de la mission qu’Amadou Ly d’Akilee a pu recueillir des informations qui lui ont permis de créer son projet. Des sources syndicales et internes révèlent toutefois le contraire puisque les pertes techniques et non techniques que prend en charge Akilee pour réaliser des économies de 500 milliards sur les 10 ans au profit de Senelec, sont des informations connues depuis la nuit des temps puisqu’elles sont inhérentes à toutes les sociétés d’électricité du monde ; avec l’exception dans le cas de Senelec, que ce sont les vols d’électricité, les fraudes et branchements clandestins qui les causent bien plus.
De même sur la question des 186 milliards, les mêmes sources ont fait savoir qu’Akilee prend un risque financier car il ne s’agit point de 186 milliards remis à l’entreprise, comme on veut le laisser croire, mais plutôt d’un préfinancement à 85% sur 10 ans pour l’achat de 2 700 000 compteurs conclus avec les équipes de Senelec. En termes plus clairs, ce sont des commandes par lots de compteurs, à charge pour Senelec de remettre un acompte de 15% lors de chaque commande et 85% , quatre (4) années après à partir de la date de livraison (contre 30% d’acompte à la commande et 70% à la livraison avec le système des appels d’offres). Une source syndicale, notamment Satel, d’ajouter que Senelec a toujours peiné dans ses commandes de compteurs jusqu’à l’arrivée d’Akilee.
Distribuer des contrats liant deux parties dans une logique qui se fonde sur la liberté des parties et non le régime de l’esclavage, voilà une pratique qui n’a jamais eu cours sous nos cieux, de mémoire de Sénégalais. Vivement en tout cas une entame sérieuse de négociations claires et sincères pour un dénouement de cette affaire qui finit par assombrir l’atmosphère sénégalaise déjà bien plombée par les incertitudes d’après Covid-19.