NETTALI.COM - La Cour suprême a tranché en faveur des « Dreamers », les sans-papiers arrivés enfants aux Etats-Unis, en s’opposant, jeudi, à l’annulation par l’administration Trump du DACA, un statut provisoire légué par son prédécesseur démocrate, Barack Obama.

Les « Dreamers », les sans-papiers arrivés enfants aux Etats-Unis, peuvent respirer. La Cour suprême a tranché en leur faveur en s’opposant, jeudi 18 juin, à l’annulation par l’administration de Donald Trump d’un statut provisoire légué par son prédécesseur démocrate, Barack Obama. Ce statut, le Deferred Action for Childhood Arrivals (DACA, « action différée pour les enfants arrivants »), leur a permis depuis 2012 de mener une existence au grand jour, poursuivre des études, occuper un emploi, ou servir sous les drapeaux sans redouter une expulsion.

Il concerne près de 650 000 personnes âgées de moins de 31 ans lors de son entrée en application, arrivées aux Etats-Unis avant leur 16e année et dépourvues de casier judiciaire. La suppression de ce statut avait été annoncée en septembre 2017 par le ministre de la justice, Jeff Sessions, conformément à la lutte contre l’immigration illégale prônée par le président. Même si elle avait été immédiatement bloquée par des procédures judiciaires, elle fragilisait la situation de ses bénéficiaires en dépit de leur image très positive dans l’opinion publique américaine. Selon un sondage publié par le site Politico le 17 juin, 61 % des personnes interrogées souhaitent que les « Dreamers » puissent rester aux Etats-Unis et deviennent des citoyens américains, 27 % se prononcent en faveur du statut quo, avec un statut de résidents et seules 12 % sont favorables à leur expulsion.

Une victoire partielle

La victoire des sans-papiers n’est cependant que partielle. Le président de la Cour suprême, John Roberts, nommé par le républicain George W. Bush, soutenu par les quatre juges choisis par des présidents démocrates, a en effet contesté dans l’arrêt qu’il a rédigé non pas la légitimité de l’annulation sur le fond, mais ses modalités. Il a donné raison aux associations et aux cours inférieures qui avaient jugé que la suppression de ce statut était apparue comme « arbitraire » et « capricieuse », faute d’explications claires de la responsable alors chargée du département à la sécurité intérieure, Elaine Duke.

John Roberts s’inspire de décisions précédentes pour appuyer son argumentaire. « Nous ne décidons pas si le DACA ou sa révocation sont de bonnes politiques. » La « sagesse » de ces décisions « n’est pas notre préoccupation ». « Nous cherchons seulement à savoir si l’administration a respecté les exigences de la procédure, et si elle a fourni une explication raisonnable de son action », écrit le président de la Cour suprême avant de conclure par la négative. John Roberts estime que « le recours approprié » est donc de renvoyer ce dossier au département de la sécurité intérieure, « afin qu’il puisse considérer de nouveau le problème ».

La proximité de l’élection présidentielle laisse cependant peu de temps à Donald Trump pour obtenir un succès en la matière. Le statut provisoire maintenu jeudi découle d’un décret présidentiel signé par Barack Obama. Le Parti républicain a toujours affirmé que le président démocrate avait outrepassé ses fonctions en créant ce statut. Le démocrate s’y était résigné en l’absence d’accord au Congrès entre démocrates et républicains en faveur d’une réforme globale de l’immigration. La Chambre des représentants, alors républicaine, a ainsi refusé en 2013 de se saisir d’un projet de loi bipartisan voté au Sénat. La rhétorique incendiaire adoptée par Donald Trump sur ce sujet depuis son entrée en politique, il y a tout juste cinq ans, et sa focalisation sur la construction d’un mur à la frontière avec le Mexique ont rendu encore plus illusoire le moindre compromis.

Quatrième revers consécutif

L’arrêt rendu jeudi par la Cour suprême constitue le quatrième revers consécutif pour le président en quatre jours. La plus haute instance juridique a déjà refusé de se saisir de cas présentés par des défenseurs des armes à feu, puis elle a conservé le statut de « ville sanctuaire » pour les municipalités qui refusent d’assister la police de l’immigration dans sa lutte contre les sans-papiers. Six juges, dont John Roberts et Neil Gorsuch, nommé par Donald Trump, ont, enfin, étendu les protections prévues par la loi contre les discriminations à l’embauche aux personnes homosexuelles et transgenres, au grand dam de la droite religieuse.

Donald Trump a d’ailleurs dénoncé immédiatement sur son compte Twitter, jeudi, des décisions « horribles » et « politiquement orientées », comparées à « des coups de fusil dans le visage de ceux qui ont la fierté de se présenter comme républicains ou conservateurs ». « Avez-vous l’impression que la Cour suprême ne m’aime pas ? », s’est-il interrogé, alors qu’il a nommé deux juges depuis son arrivée à la Maison Blanche, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh. Le président des Etats-Unis a argué des défaites essuyées devant la plus haute instance juridique des Etats-Unis pour affirmer la nécessité pour le camp conservateur, qui y est pourtant majoritaire avec cinq voix, de disposer de « nouveaux juges » parmi les neuf qui y sont nommés à vie.

Menace d’un cataclysme

Donald Trump a annoncé la publication en septembre d’une liste de candidats potentiels. Il a agité la menace d’un cataclysme en cas d’alternance à la Maison Blanche. « Si les gauchistes radicaux-démocrates prennent le pouvoir, votre second amendement [concernant le droit de posséder des armes à feu], le droit à la vie, des frontières sûres et la liberté religieuse, entre autres choses, disparaîtront », a-t-il affirmé.

La composition actuelle de la Cour suprême permet d’en douter. Les deux juges les plus âgés, Ruth Bader Ginsburg (87 ans) et Stephen Breyer (81 ans) ont, en effet, été nommés par des présidents démocrates. Leur remplacement par un président également démocrate, dans l’hypothèse d’une victoire de l’ancien président Joe Biden, ne modifierait pas l’équilibre entre conservateurs et progressistes. La composition de la Cour suprême avait été un facteur de mobilisation important du camp républicain, en 2016, parce qu’un siège était devenu vacant après la mort brutale du juge Antonin Scalia, nommé par le républicain Ronald Reagan.

Le doyen des juges conservateurs, Clarence Thomas, n’est âgé que de 71 ans. Le dernier à avoir pris sa retraite, Anthony Kennedy, également nommé par Ronald Reagan, a quitté la Cour suprême à 82 ans.

Avec lemonde.fr