NETTALI.COM - La reculade de l’Exécutif Sur demande de la Chambre des notaires du Sénégal (CNDS), Macky Sall désavoue le garde des Sceaux, lui demande de revoir le décret portant statut des notaires adopté en Conseil des ministres le 10 juin et lui intime l’ordre de se concerter avec la toute-puissance des notaires.
C’est une reculade qui va rester dans les annales de la présidence et de la République, si elle se concrétise. Le 10 juin dernier, le Conseil des ministres adoptait le décret portant réforme du statut des notaires. L’une des innovations phares de cette réforme tant attendue portait sur la retraite à 70 ans. Une mesure courageuse saluée par plusieurs observateurs. Etudiants, clercs et professionnels du droit applaudissaient cette avancée majeure qui allait contribuer à l’ouverture du notariat à bien des aspirants à cette profession, jusque-là réservée à quelques privilégiés de la République.
Depuis, c’est le branle-bas du côté de la CNDS (Chambre des notaires du Sénégal) surtout chez certains barons de la profession. Activant tous leurs réseaux, ils finirent par décrocher une audience qui n’avait pas échappé aux radars de votre canard. C’était 6 jours seulement après l’adoption du fameux décret. C’est à dire dès le 16 juin dernier. Si EnQuête n’a pas donné l’information depuis cette date, c’est dans un souci de respect du principe de l’équilibre de l’information. Par tous les moyens, nous avons essayé d’entrer en contact avec la Chambre pour prendre sa version des faits, mais la présidente que nous avons essayé de joindre n’a pas jugé utile de réagir à nos sollicitations.
Les minutes de l’audience
A cette occasion, c’est l’artillerie lourde qui a été déployée par la CNDS pour faire fléchir l’Exécutif. Une forte délégation composée de la présidente Aissatou Sow Badiane, d’un autre membre du bureau, Alioune Ka, de deux membres du Comité directeur, Mes Tamaro Seydi et Jean-Paul Sarr, de deux sages, Mes Moustapha Ndiaye et Papa Sambaré Diop. Sur le tableau de leurs doléances, figuraient trois points essentiels. Le premier avait trait au concours d’accès au stage de notaire ; le deuxième à la protection du notaire et de son exploitation ; le troisième portait sur la retraite.
Le moins que l’on puisse dire est que leur puissant lobbying semble sur le point de porter ses fruits. Non seulement Macky Sall a promis de faire revoir les dispositions incriminées, mais aussi de les soumettre à la chambre, la prochaine fois. Citant la présidente de la Chambre des notaires, nos sources précisent : “Le président de la République a prêté une oreille attentive à toutes les explications de la délégation et a instruit le garde des Sceaux de revoir certaines dispositions du statut, de l’envoyer à la Chambre des notaires pour informations, avant de lui présenter le projet final pour signature.’’
En effet, le garde des Sceaux, Ministre de la Justice, Me Malick Sall, est accusé, par les notaires, d’avoir fait adopter le nouveau statut sans tenir compte de leurs propositions relatives notamment aux points susvisés. Ce qui avait mis certains barons dans tous leurs états, surtout par rapport à la retraite et au concours, soulignent nos interlocuteurs.
Pourtant, les enjeux de ces réformes étaient énormes et fort appréciables pour le plus grand nombre. Pour en saisir la portée, il faut revisiter l’histoire même de cette profession, en particulier en ce qui concerne les modalités d’y accéder.
De l’institution du notariat dans les années 1800 à nos jours, les critères démocratiques et de compétence n’ont jamais prévalu pour accéder à ce métier. Pendant longtemps, il fallait être fils de ou, à tout le moins, avoir un parrain parmi les plus influents membres de la corporation. A partir de 2002, le régime d’Abdoulaye Wade modifie le statut, en instaurant un concours pour plus de démocratisation de l’accès à la profession de notaire. Lequel statut a été encore modifié en 2009, sans que le concours n’ait jamais été organisé. En 2013, sous l’impulsion d’Aminata Touré, à l’époque ministre de la Justice, le concours fut organisé pour la première fois de l’histoire. Voilà quatre longues années, alors même qu’ils ont fini leur stage depuis 2016, que les 22 candidats issus de ce concours très sélectif ne parviennent pas à être intégrés. “Au même moment, s’appuyant sur de supposées mesures transitoires, certains barons ont pu, sous le couvert de la Chambre, inscrire leurs protégés au registre sans aucun concours. Et ils n’ont pas encore dit leur dernier mot. Ils veulent inscrire d’autres personnes. Et pour couronner le tout, ils veulent légaliser tout ça en aménageant des voies parallèles pour faire passer leurs poulains’’, font remarquer certains contestaires. En sus de ces questions essentielles, le président Sall a aussi demandé au ministre de la Justice de finaliser le projet de réforme du Code de procédure pénale, en intégrant le privilège de juridiction des notaires. Là également, ordre a été donné à Maitre Malick Sall d’envoyer le projet à la CNDS. Et le chef de l’Etat ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a aussi informé la délégation de l’affectation, au profit de la chambre, d’un terrain au niveau du pôle judiciaire de Dakar, à côté du nouveau palais de Justice, pour l’édification d’un centre de formation et de documentation.
EnQuête