NETTALI.COM - En l’espace de quelques heures, ce jeudi, deux versions différentes de l’article 60 de la Constitution ont été relevées, jusque dans les comptes du chef de l’Etat sur les réseaux sociaux. Mais cette «erreur» liée à l’affaire Moustapha Cissé Lô, a été vite réparée par la Présidence de la République. Mais le mal a été déjà fait.
Dans la soirée de ce jeudi, la Présidence s’est lancée dans une opération de rectification après une «gaffe» faite dans les comptes du président Macky Sall, sur les réseaux sociaux. Deux versions de l’article 60 avaient été publiées.
Seydou Guèye, le chargé de la Communication du Palais, a vite fait de réagir. «C’est une version ancienne de la Constitution. Je précise qu’il n’y a pas de version complète de la Constitution sur le site de la présidence de la République. Ces textes sont des éléments de présentation des institutions. C’est un problème de mises à jour. Les dispositions sont prises pour l’actualiser sur cette partie en attendant puisqu’on était dans un processus de refonte du site», justifie-t-il.
Il oublie de dire que dans l’ancienne version de la Constitution, il n’y a aucune disposition qui prévoit l’exclusion d’un député en cas de démission de son parti.
Curieusement, dès que le débat a commencé à s’agiter dans les réseaux sociaux, la présidence de la République a retiré le texte de son site et a publié la bonne version de l’article 60 de la Constitution de 2016. L’erreur est ainsi corrigée.
Qu’est-ce qui s’est passé ?
Pour comprendre cette affaire, il faut remonter au post sur Facebook de l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye. «Fraude à la Constitution», alerte-t-il sur sa page.
Le président de l’Alliance pour la citoyenneté et la République (Act) est parti d’un constat de deux versions différentes des dispositions de l’article 60 de la Constitution. Sur le site de la présidence de la République (que nous avons visité Ndlr), dans son chapitre concernant les institutions, un texte de l’article 60 de la Constitution dispose que : «(…) Tout député qui démissionne de son parti ou en est exclu en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. Les députés démissionnaires ou exclus de leur parti sont remplacés dans les conditions déterminées par la loi organique».
Cet article 60 publié sur le site de la présidence est différent de celui contenu dans la charte fondamentale. Dans la dernière version de la loi constitutionnelle n° 2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution, l’article 60 dispose que :«Tout député qui démissionne de son parti en cours de législature est automatiquement déchu de son mandat. Il est remplacé dans les conditions déterminées par une loi organique».
On remarque dans cette disposition que la Constitution parle de démission du parti, et non d’exclusion.
Abdoul Mbaye : "Ils visent Moustapha Cissé Lô"
D’où vient alors cette version de l’article 60 de la Constitution mise en ligne sur le site de la présidence ? «Il s’agit d’une fraude à la Constitution. C’est incroyable. Cela veut dire que sur le site de la présidence de la république, il y a des éléments mensongers», répond l’ancien Premier ministre.
Abdoul Mbaye pense qu’avec cette fraude, C’est Moustapha Cissé Lô qui serait visé, la mouvance présidentielle cherchant à légaliser son éventuelle destitution de son mandat de député.
«Avec l’affaire Moustapha Cissé Lô, ils ont un gros problème. Ils préféreraient ne pas le voir entrer dans l’hémicycle parce que cela peut donner lieu à de sérieux incidents. Et, visitant le site de la présidence de la République, je constate qu’ils ont ajouté une raison pouvant justifier la perte du mandat de député, et ils évoquent l’exclusion de son parti. C’est incroyable. Vouloir sortir Moustapha Cissé Lô de l’Assemblée nationale ne saurait justifier une fraude à la Constitution dirigée par le site de la présidence de la République», déclare le président de l’Act.
Le Président de la commission des lois à l’Assemblée nationale, Seydou Diouf, de dire. «Ce qui fait foi, c’est la version consolidée du Conseil constitutionnel. Je n’ai pas vu le site de la présidence, donc, je ne peux pas me prononcer sur ce que je n’ai pas vu. En revanche, la version 2016 de la Constitution, version consolidée post référendum, parle bien de député qui démissionne, et c’est ça qui est répliqué à l’article 7 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Je m’en tiens à ça. Maintenant, s’il y a une autre version avec un autre libellé, je ne peux pas me prononcer sur ça parce que je ne l’ai pas vu. Il faut toujours prendre référence sur la version consolidée par le Conseil constitutionnel», déclare le parlementaire.
Des sanctions pénales prévues
Le professeur de droit constitutionnel, Ngouda Mboup, va plus loin. Selon lui, «c'est du faux et c'est très grave»
«L'article a subi une modification lors du référendum, qui laisse intacte la disposition sur les conditions de déchéance en cours de mandat pour fait de démission de son parti. Le mot exclusion n'existe dans aucune disposition. C'est une fraude à la Constitution», dit-il.
Il ajoute que l’auteur de cette fraude peut même être poursuivi pour «faux en écriture publique» sanctionné par l'article 132 du Code pénal, «faux commis dans certains documents administratifs» sanctionné par article 137 code pénal et «contrefaçon des sceaux de l'Etat» puni par l’article 127 de la Constitution».