NETTALI.COM - La population sénégalaise est-elle prêtre à revivre un semi-confinement, après des semaines de relâchement ? Les données actuelles montrent une propagation du virus dans le pays, surtout à Dakar. Ce qui fait dire à certains experts qu’il faut retourner au confinement, afin de réduire la contamination.
Les choses vont en empirant. La pandémie atteint des proportions préoccupantes, puisque les décès sont devenus journaliers. Une centaine de cas positifs est notée, presque tous les jours. De ce fait, certains scientifiques envisagent un retour du confinement, qui doit d’abord passer par le port obligatoire du masque et le respect des mesures barrières.
En effet, confie la virologue, Professeur Coumba Touré Kane, si l’on décrète un confinement ou un couvre-feu sans que les populations respectent les mesures barrières, le problème va demeurer entier. “A ce niveau, il n’y a vraiment pas de solution, à part sensibiliser la population pour que les mesures édictées soient respectées’’, déclare-t-elle. En plus d’un respect de ces mesures, elle milite pour une détection précoce des cas, afin de pouvoir les prendre en charge. La virologue soulève aussi la question du dépistage des cas symptomatiques. Selon elle, on ne doit pas réduire le nombre de tests. Au contraire, “on doit les augmenter, augmenter le nombre de points de prestations. Le fait de diminuer le nombre de tests n’est pas la bonne solution. Le fait de ne dépister que les symptomatiques peut contribuer à l’augmentation de cas. On ne peut pas être formel, parce qu’il y a peutêtre des gens qui sont asymptomatiques et qui peuvent continuer à véhiculer le virus’’.
Dans la même veine, poursuit une source, il faut tester tout le monde, si on en a les moyens. Car, cette façon de ne pas tester les cas contacts contribue au développement de la contamination. “L’Etat mettait systématiquement les cas contacts dans des centres de traitement en épidémiologie. Il y avait, non seulement moins de contaminations, mais surtout un meilleur suivi médical. Ce qui n’est pas le cas maintenant. En plus de cela, les gens, à cause de la stigmatisation, restent chez eux’’, regrette notre interlocuteur.
Mais le directeur de la Prévention, Docteur Mamadou Ndiaye, ne partage pas cet avis. A ses yeux, la stratégie de tester les cas contacts asymptomatiques a montré ses limites. “Ce qui fait qu’on ne les teste plus, c’est d’abord l’efficacité. On n’en trouve pas suffisamment. Au lieu de se concentrer sur des gens dont la majorité est négative, est-ce qu’il ne faudrait pas cibler ceux qui sont symptomatiques et ceux qui ont des facteurs de gravité ? En santé publique, il faut toujours cibler l’efficacité et la rentabilité de quelque chose’’, défend le Dr Ndiaye. Selon qui l’enjeu n’est pas de tester, mais de prendre en charge précocement les cas. Parce que, précise-t-il, actuellement, ce sont les décès qui posent problème. C’est au quotidien. “Il faudra qu’on cible mieux les gens qui en ont besoin. Quand on est en combat contre un ennemi, il faut se réajuster. Depuis 4 mois, on la pratique, mais on ne voit pas, de manière probante, le résultat palpable. Autre chose, on a engorgé les hôpitaux. Les structures extrahospitalières sont devenues pleines, des positifs sont restés dans des maisons. C’est-à-dire ceux qui doivent être en traitement sont dans les maisons et ceux qui doivent être à la maison sont dans les CTE. Donc, il faudra inverser. On a réajusté la stratégie’’, précise le Dr Ndiaye.
Ainsi, le directeur de la Prévention considère que la meilleure solution est de continuer le listage des cas et que les malades soient traités très précocement. “Que les populations respectent les mesures barrières. Il y a une transmission communautaire et les gens se sont relâchés. Lorsqu’on a levé les mesures de restriction, les gens ont réagi comme si la maladie était terminée. Il s’est trouvé que les frontières étaient ouvertes. Il faut un engagement communautaire pour faire arrêter cette maladie. C’est à la communauté de prendre ses responsabilités’’, dit-il.
“C’est Dakar qu’il faut confiner’’
Par contre, cette source milite pour un retour à un couvre-feu ou à un semi-confinement, ne serait-ce que dissuasif, pour atténuer les choses. “On n’a pas besoin de prendre le bâton. Le couvre-feu avait beaucoup d’avantages. Cela permettait aux gens de se poser des questions et de faire attention. C’est une mesure de prévention. Cela réduit les déplacements. Peut-être du point de vue économique, cela peut freiner quelque chose, mais du point de vue santé, c’est bon’’. Mieux, notre interlocuteur conseille de confiner totalement Dakar dont le taux de contagiosité est très élevé. “C’est 221 personnes pour 100 mille habitants. C’est Dakar qu’il faut confiner. Pendant un mois, personne ne sort. On coupe Dakar du reste du pays. Il faut être courageux, surtout qu’on va vers le Magal. On risque d’avoir cette deuxième vague que les autres pays ont, alors que la première n’a pas décroché. Malgré cela, on a une progression assez lente. Si on décrète l’état d’urgence, les gens restent chez eux’’, déclare notre source.
A propos d’un confinement, le directeur de la Prévention est d’avis qu’il faut voir si cette stratégie avait produit l’effet souhaité. Parce que, explique le docteur Mamadou Ndiaye, le taux de positivité est presque le même, durant la période confinement et post-confinement. “Avant et après le couvre-feu et le semi-confinement, c’est presque la même chose. C’est comme si les méthodes barrières n’ont pas donné de résultats significatifs par rapport à ce qu’on s’attendait. Les gens ne se déplaçaient pas, c’est vrai, mais estce qu’ils respectaient les choses comme il se devait ? Si on doit retourner au confinement, c’est avec un changement conséquent des gestes. Cela ne sert à rien aujourd’hui d’interdire aux gens de se déplacer d’une région à une autre, alors que la population ne porte pas de masque’’, souligne le Dr Ndiaye.
Il veut des mesures drastiques avant de confiner. “Je n’exclus pas le fait de revenir à ce semi-confinement, mais il faudra d’abord y aller par pallier. C’est de demander aux gens d’observer et de respecter le minimum demandé. Que les populations respectent les mesures de base. Qu’on teste ces mesures, de façon drastique, avant d’envisager un confinement. Parce qu’un confinement sans mesure conséquente, c’est comme rien’’.
A l’en croire, les Sénégalais qui ne mettent pas de masque et ne respectent pas les mesures barrières sont ceux qui contaminent les autres cachés dans les maisons. “On voit des gens qui sont restés tranquillement dans leurs maisons et sont contaminés. L’autre groupe concerne des personnes qui vont surtout à des funérailles. Dès qu’elles ont la maladie, elles posent problème, parce qu’elles ont des comorbidités. Donc, quand les déplacements seront réduits, il y aura moins de cas’’.
Elle ajoute que ce sont ces jeunes qui vont partout qui contaminent des personnes à la maison. L’autre aspect, poursuit notre interlocuteur, est que l’Etat a changé de politique, en incitant les gens à rester chez eux et se faire traiter sur place. “Si les mesures ne sont pas bien respectées par la personne qui reste chez elle, elle contamine les autres membres de la maison. Egalement, les gens ne vont à l’hôpital que quand ils sont fatigués. C’est ce qui explique tous ces décès’’, conclut-elle.
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