NETTALI.COM - La société Akilee a été régulièrement créée en tant que filiale et le contrat avec son partenaire Senelec, signé sous Makhtar Cissé, est tout à fait transparent. C’est la forte conviction de la Cellule d’enquête de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) qui estime que « les craintes exprimées » par le Syndicat des cadres de la Senelec, évoquant un «défaut de transparence » et une «nébulosité du contrat » sont infondées.

Le scandale n’a pas eu lieu. Ceux qui pensaient que l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp) allait sortir les « cafards cachés » de Makhtar Cissé ou ses présumés liens dangereux avec Amadou Ly, Dg d’Akilee, vont déchanter. En effet, par lettre en date du 4 mai 2020, le secrétaire général du Syndicat des cadres de la Senelec (Sycas) avait saisi le directeur général de l’Armp d’une demande d’enquête portant notamment sur le contrat liant la société nationale à Akilee. Il évoquait de sérieuses interrogations sur l’opportunité et la régularité du contrat au regard des « positions révélées sur la place publique par les médias ».

Statuant en sa session du mercredi 20 mai 2020, le Comité de règlement des différends (Crd) a donné droit à la requête de la direction générale d’engager la Cellule d’enquête et d’inspection de l’Armp à mener des investigations sur les faits allégués.

Makhtar Cissé entendu, le Pca de Senelec se dérobe à la dernière minute

Au cours de l’enquête, l’équipe dirigée par la magistrate Henriette Diop Tall, a entendu, sur la base d’un protocole, le ministre des Energies et du Pétrole, Makhtar Cissé ; le secrétaire général du Sycas, Serge Louis Déthié Cissé (4 juin) ; Amadou Ly, dg d’Akilee (4 et 24 juin) et Pape Mademba Bitèye (19 juin). L’audition du pca de Senelec, Khalifa Dia, initialement convenue pour le 17 juin 2020, a été annulée à sa demande. Contacté au téléphone à quelques heures de la rencontre pour confirmation, Khalifa Dia s’est tout simplement dérobé, déclarant qu’il ne pouvait plus se prononcer sur le dossier «du fait de la décision des autorités de racheter les actions d’Akilee », renseigne une source proche de l’Armp.

Après plusieurs auditions et investigations, la Cellule d’enquête de l’Armp est formelle : «(…) Dans le cas d’espèce, la société Akilee peut être considérée comme une filiale commune des sociétés mères Aleef Sa et Senelec en ce que cette dernière détenant 34% du capital social peut, en droit des sociétés faire obstacle à une prise de décision au cours d’une assemblée générale de cette société, sur deuxième convocation avec des règles de quorum (1/4 des actions) et de majorité fixée à 2/3 des voix exprimées déterminée par les articles 553 alinéa 1 et 554 de l’acte uniforme Ohada susvisé sur les sociétés nationales (…) La société Senelec siégeant au conseil d’administration de la société Akilee participe à la détermination des orientations générales et stratégiques de cette société, délibérations déclinées en acte de gestion par la Direction générale, il y’a lieu de préciser que les conditions de création de cette filiale communes sont conformes avec le droit commun des sociétés commerciales ».

« Les conditions de création d’Akilee sont conformes avec le droit commun des sociétés commerciales ».

Il ressort aussi de l’enquête que «le contrat liant Senelec à Akilee, relatif au déploiement et à l’exploitation d’un système de comptage intelligent, est le résultat d’un long processus de contractualisation placée sous l’égide des dispositions de l’acte uniforme de l’Ohada sur les sociétés commerciales suite à la signature d’une convention de partenariat entre les parties (Senelec et la société Akilee) le 2 octobre 2017 dans laquelle Akilee s’est engagée notamment à mettre à la disposition de Senelec une infrastructure communicante permettant de relever automatiquement les consommations d’énergie des clients et pouvant être opérée à distance et ce, sans intervention humaine en dehors des phases d’installation et de contrôle spécifiques au bon fonctionnement, assortie d’un système d’information robuste, sécurisée et responsive permettant à traiter et d’analyser les données de consommation d’énergie des clients en temps réel ainsi qu’un ensemble de capteurs divers permettant la gestion des équipements à distance ».

Le Sycas électrocuté dans ses légendes

Après avoir fouillé dans tous les sens, la conclusion de l’Armp est sans appel : «Les craintes exprimées par le Sycas évoquant un «défaut de transparence » et une «nébulosité du contrat » ne ressortent pas des éléments ci-dessus décrits ».

Aussi, l’Armp a-t-elle proposé de « clore l’enquête et de recommander aux parties de privilégier la voie du règlement amiable du différend par une conciliation devant le Comité de règlement des différends de l’Armp. Cette procédure gratuite a l’avantage de la célérité contrairement à l’arbitrage connu pour être une procédure onéreuse à l’issue incertaine ».

L’Armp contre une résiliation et la procédure visant à liquider Akilee.

Elle propose aussi aux parties « pour mener à bien le processus de renégociation, de surseoir à toute procédure judiciaire pendante devant le tribunal de Dakar ayant pour objet l’annulation de la société Akilee et sa liquidation ou toute autre procédure » mais aussi de radier «ces procédures judicaires en cas d’issue favorable du règlement à l’amiable du différend entre les parties ». Senelec avait saisi le tribunal de commerce pour demander la liquidation d’Akilee. Une grosse gaffe donc.
Dans le cadre d’une possible renégociation, l’Armp estime que l’exclusivité peut être revue permettant ainsi à la Senelec d’intégrer d’autres fournisseurs de compteurs en conformité avec les exigences du système Sia, développé par la société Akilee. Cette dernière pourrait aussi rendre à Senelec la propriété de la licence à la fin du contrat par rapport au parc existant. Selon toujours l’Armp, la durée du contrat- qui est initialement de 10 ans- pourrait être limitée à 5 ou 6 ans et «le modèle financier revu pour intégrer toute modification jugée pertinente par les parties tout en tenant compte des règles contractuelles de bonne foi, de stabilité et d’équilibre ». De même, «les parties pourraient introduire dans le contrat une clause d’adaptation et de stabilité des prix pour se conformer à l’annexe 5 qui prévoit les conditions d’évolution technologique », estime cellule d’enquête.

Tout ça pour ça ?

En résumé, ce qui est constant au regard de ce rapport c'est que, malgré tout le bruit, Senelec a commis une faute extrêmement grave, qui ne fera que compliquer davantage sa situation conflictuelle avec Akilee en envoyant un courrier, en date du 4 août, qui prétend résilier de manière unilatérale un contrat dont l'Armp nous dit donc qu'il a été signé de manière régulière. Cette manière cavalière d'agir précipitamment traduirait-il un total manque de sérénité de Papa Mademba Bitèye et sa non-maîtrise de la situation ? Le rapport provisoire de l'Armp, qui propose de limiter les dégâts, dit clairement que la direction générale de Senelec, sous Makhtar Cissé, a respecté les procédures de l'Ohada qui sont applicables à la société nationale, et formule des recommandations visant à aider les deux parties à se réconcilier au regard de tout ce qui les a liés jusqu'ici avec d'excellents rapports contractuels au bénéfice du Sénégal. Il reste maintenant à savoir si ces recommandations, du reste très pertinentes, seront respectées.

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