NETTALI.COM - Le feuilleton Sonko-Mansour Faye est décidément parti pour durer. Elle va de rebondissements en rebondissements, pour le grand bonheur des médias qui aiment se délecter de ces histoires sans fin. Pour l’occasion, ils ont été de vraies caisses de résonnance, cherchant à souffler sur les braises pour pousser les deux gladiateurs à puiser dans leurs ressources afin de nous révéler ce qu’on ne sait pas jusqu’ici. Du vrai pain béni.

Mais on ne peut ne pas dire que le sujet ne vaille pas la peine qu’on s’y épanche au regard du niveau de défiance de Mansour Faye vis-à-vis des Sénégalais. « Nouvel épisode d’un  poker menteur – De qui se moque-t-on ? », « le témoin de Mansour, c’est Issa Sall», « Sonko-Mansour Faye – tous les coups sont permis », « Mansour Faye persiste et attaque, Sonko réplique », « Mansour Faye enfonce Ousmane Sonko », « révélations », etc . Des titres qui en disent long sur la polémique par médias interposés.

Bref une histoire de faits divers politiciens qui permet aussi au leader de Pastef d'occuper l’espace médiatique pendant un bout de temps, surtout au moment il est présenté par une certaine presse et des observateurs comme une alternative crédible à Macky Sall. L’opposant de l’opposition.  Pardon chef de l’opposition, suite au constat de la désertion d’Idy, d’abord porté disparu avant de réapparaître le temps d’une visite à Touba où il a glissé quelques mots. Une déclaration qui a surtout trait à la ziarra mais l’ex-maire de Thies n’a pas souhaité commenté l’actualité politique. On est en tout cas bien loin de ses piques d’antan : « Deuk bi dafa Macky » pour dire que « c’est la crise » ou « Il veut, mais peut peu », allusion faite à l’incapacité supposée de Macky Sall à gouverner le pays. Bref ces phrases assassines dont le président du conseil départemental de Thies est le seul à avoir le secret. Idrissa Seck a changé de ton et de forme d’opposition. Les gens rompus à la chose politique sous les cieux sénégalais, ont l’habitude de dire que la politique n’est au fond qu’une affaire de circonstances.

Sonko ne nous dira pas le contraire. Lui qui a saisi la balle de Mansour au rebond, en s’offrant un temps fort médiatique. Il ne ménage en effet aucun effort pour exploiter les situations qui peuvent lui donner davantage de cote, surtout qu’il s’est fait un peu remarquer par quelques sorties  médiatiques jugées maladroites et mal inspirées, ces derniers temps. Sa sortie sur la Casamance et sur le manque d'amour de Macky pour son terroir d'origine, lui a attiré quelques antipathies chez des cadres casamançais qui y ont vu quelques excès et un sujet assez sensible, doublé d’une dérive ethniciste. Mais qu'à cela ne tienne…

Mais dans cette guerre par médias interposés, c’est surtout Mansour Faye qui s'enfonce tous les jours dans ce que certains pourraient qualifier d’enfantillages. « Je ne me laisserai pas insulter par un gosse »,  a dit celui-ci. Il est bien émotif Mansour et son orgueil a semblé avoir pris un sacré coup. Les mots utilisés par Sonko sont en réalité forts de café. Y a de quoi sauter au plafond à la vérité. Sauf que lorsqu’un gamin vous entraîne dans un jeu d'enfants, cela veut certainement dire qu’il précipite l’adulte sur un terrain glissant qu’il maîtrise mieux que lui. Dans cette course-poursuite, Mansour Faye n’a toujours pas compris que c’est lui qui se fait avoir comme un bleu. A moins peut-être de détenir ces audios dont il parle. Sonko lui a en tout cas donné son feu vert pour les diffuser. Mais le ministre a préféré jouer la montre. Il a décidé de  « laisser la prérogative » à Sonko de « l’autorisation à le mettre à la disposition de la presse et des Sénégalais » comme l’y « oblige la loi ».

 Quoi qu’il en soit, sa décision est prise. Le beau-frère du président Macky Sall va envoyer à l’ancien inspecteur des impôts, un huissier qui va lui remettre une sommation interpellative dans laquelle, il va l’autoriser, par écrit, à diffuser l’élément sonore. Mais le ministre n’a pas fait que cela, il s’est débiné sur la question de la reddition des comptes. Lors de sa conférence de presse de ce vendredi 2 octobre, il est revenu à de meilleurs sentiments et a déclaré en ces termes : « Je voudrais rappeler que l’agent de l’Etat que je suis, a l’obligation de se soumettre à tous les organes de contrôle habilités et compétents à contrôler le travail qui m’a été confié ». Mieux, a-t-il rappelé, dans sa gestion quotidienne, il a toujours à l’esprit, l’idée de rendre compte aux populations et à qui de droit.

C’est ce qu’on appelle un rétropédalage en direct. La pression, a-t-elle eu raison de lui ? A-t-il été conseillé dans le sens de revenir sur sa défiance ? En tout cas des organisations de la société civile et des activistes ont demandé sa démission.

Il convient de noter en effet que la descente aux enfers du ministre du Développement communautaire, de l’équité sociale et territoriale, Mansour Faye a en réalité vraiment commencé depuis le jour où le manque de transparence a été évoqué dans l’attribution des marchés liés à la gestion des vivres dans le cadre de la Covid 19. La menace de plainte adressée à  Babacar Fall, suite à une question jugée impertinente, au cours de cette fameuse de conférence de presse, n’avait pas arrangé les choses. C’est avec Babacar Fall encore au « Grand jury » de la RFM qu’il a aussi sorti sa bourde selon laquelle, il ne répondrait pas si l’Ofnac venait à le convoquer.

Mais en agissant et en se comportant de la sorte, le ministre s’est tiré une balle dans le pied. Des réponses et des postures qui en disent long sur le manque d'assurance, de sérénité et sur l'arrogance du personnage. Un comportement que ne se serait en tout cas pas permis, un autre ministre au cœur de la République, s’il n’était pas beau-frère du Président. C’est justement là où réside le problème. Sa nomination à ce ministère au contenu tentaculaire, n'avait-elle pas soulevé l’ire des sénégalais ? Un fromage juteux dont n’importe quel ministre « chanceux »pouvait rêver : le Programme d'Urgence de Modernisation des Axes et Territoire frontaliers (Puma), Le Programme de Modernisation des Villes (Promovilles), le Programme d'Urgence er de Développement communautaire (Pudc) , l'Agence nationale de la Couverture Maladie Universelle (Anacmu), la Délégation générale à la Protection sociale et à la Solidarité nationale (DGPSSN), le Commissariat à la sécurité alimentaire, etc avec un poids de 101 milliards de budget. Et puis, il y a en plus ce gros fromage de 63 milliards dédiés à la branche alimentaire de la Covid. Une gestion de Faye en tout cas pour laquelle des comptes lui ont été demandés.

Mais ce qui est surtout gênant dans cette affaire, c’est que Mansour ne veut rendre compte qu’au Président de la république, le mari de sa petite sœur, se réfugiant ainsi derrière son titre de ministre. C’est quand même curieux comme attitude ! Une affaire qui finalement vire à l’affront. Mais que peut-il bien lui arriver avec Macky Sall, s’il venait à commettre une faute ? Le maire de Saint-Louis pense tout simplement que l’Ofnac ne peut  convoquer un ministre. Où a-t-il bien pu aller chercher cette info ? Dans quel texte de loi ? Le juriste Ngouda Mboup lui a vite rabattu le caquet, évacuant la question puisqu’il ne connaît manifestement pas de loi qui dise cela.

Mansour ne croyait pas en réalité tomber sur si gros os que Sonko qui aime tant l'affrontement et qui éprouve même du plaisir à désarçonner ses adversaires. Il avait mis la pression sur Gagny Sakho. Il l’a fait aussi avec le ministre en lui demandant où, quand, qui est le témoin de la scène, ... Bref les circonstances de la demande de rendez-vous avec Macky.

La presse a révélé le nom du témoin qui n’est autre que le magistrat Cheikh Issa Sall. Vrai ou faux, Mansour n’a pas encore démenti. Aurait-il vendu la mèche à une certaine presse ? En tout cas son nom a été révélé ce samedi 3 octobre par quelques titres de la presse quotidienne.

Sacré combat de coqs, l’on espère juste que l’affaire sera vidée par les deux belligérants. Sinon ce sera une vraie perte de temps pour l’opinion qui a été tenue en haleine dans cette polémique. Mais si l'audio existe, cela veut dire que chacun de nous court le risque d’être enregistré un jour à son insu. Ce qui est contraire à la loi et à l'éthique. Mais au fond quel mal y aurait-il à demander une audience à Macky Sall ? A moins que cela ne soit pour des motifs liés à une affaire sensible. Et en l’occurrence, c’est ce qu’insinue Mansour Faye, sans toutefois le dire. Aussi, a-t-on prêté à Sonko d’avoir voulu profiter de cette rencontre pour faire éviter la prison à Tahibou Ndiaye, qu’il défendait à l’époque. C'est le jour l'As qui l'apprend, citant une source.

Mais quelle que soit l’issue de cette polémique qui mobilise l’opinion, rien ne doit pouvoir empêcher Mansour Faye de rendre compte de sa gestion. Ce qui est même un impératif d'autant plus qu’il existe une plainte dans ce sens. Ce n’est donc pas un hasard si les Sénégalais se tuent à demander la séparation entre la gestion étatique et la famille. Et les hommes politiques auront toujours des problèmes, tant qu’ils n’écarteront pas leurs familles de la chose publique. C’est la raison pour laquelle les gouvernants africains hésitent toujours à quitter le pouvoir, craignant pour leurs futurs et celui de leur entourage.

Dans tous les cas, dans les affaires de justice, un juge est normalement récusé dès lors que sa famille proche est concernée. La gestion des affaires publiques n’a en réalité jamais fait bon ménage avec la famille. La preuve par Karim Wade, surnommé sous la gouvernance de son père, ministre du ciel et de la terre. Il concentrait des attributions telles que ses détracteurs avaient fini par lui coller ce sobriquet. Il en va ainsi du président Obiam NGuéma et de son fils ; de feu Oumar Bongo, de sa fille Pascaline, du mari et le fils aujourd’hui président. Les exemples de présidents africains foisonnent. IBK, n’a-t-il pas été en partie perdu par son fils qui avait beaucoup de trop de pouvoirs, sans oublier son comportement peu honorable qui a fini par déteindre sur l’image de sa gouvernance. L’Omniprésence de l’épouse de Gbagbo et aujourd’hui de celle de Ouattara. La liste est malheureusement bien longue.

La croisade de trop !

C’est Me Malick Sall qui doit ramener le calme dans la justice après avoir ouvert plusieurs fronts. Il a réussi à se mettre à dos toute une corporation en s'attaquent à l’emblématique juge Téliko, choisi par les magistrats pour défendre leurs intérêts. Beaucoup d'observateurs, des juristes et même des membres de la société civile qui lui ont manifesté leur soutien, n’y voient qu’un moyen de museler une justice qui cherche les moyens de son indépendance.

La justice, ce dernier rempart des institutions qui reste aux Sénégalais, étant entendu que l’Assemblée nationale est entre les mains de la majorité qui gouverne. Bonjour l'insécurité des affaires. Bonjour l'injustice si les juges passent sous contrôle de l’exécutif. C’est même le vote des Sénégalais qui serait même en danger.

Les magistrats ont en tout cas décidé de ne pas se laisser faire. Ils ont pris l’option de couper les ponts avec le ministre et de déserter les audiences le jour de la comparution de Téliko. Bref, ils ont décidé de se battre. Le président de l’UMS a dans la foulée renié « son frère » et non moins juge Aliou Niane qui s’est fendu d’une contribution dans la presse pour faire noter  que Téliko a commis une faute en faisant le commentaire sur les droits violés de Khalifa Sall. Ce dernier d'ailleurs qui dirige Taxawu Dakar lui a renvoyé l'ascenseur à travers un communiqué, en guise de soutien face à ce qu'il considère comme "une tentative d'intimidation et de déstabilisation de l'UMS avec pour objectif de bâillonner ses membres. "Taxawu Dakar" exhorte d'ailleurs le gouvernement en engager des réformes hardies pour un état de droit qui concilie une bonne administration de la justice et l'indispensable garantie des droits humains.

Ce qui est sûr, c’est que Me Malick Sall a réussi la prouesse de cristalliser sur sa personne, toute la frustration du corps de la justice. Demandez au syndicaliste Ayé Boun Malick Diop avec qui il a eu récemment à croiser le fer. La grève des greffiers fut longue, mémorable et avait fini par lasser et même exaspérer les justiciables et ceux qui venaient requérir les services de l’administration de la justice. Au finish, une grève qui a bloqué le fonctionnement de la justice et des affaires, alors que les parties en présence auraient pu commencer là où elles ont terminé. Il doit bien aimer croiser le fer le ministre Sall.

Ainsi va le Sénégal, l’on veut des hommes forts qui aiment à distribuer de l'argent lors des cérémonies, se vanter. L’on veut également d’un président fort qui aime voir tous les problèmes converger vers lui afin qu’il les résolve dans sa « grandeur », sa « constance » et sa « mansuétude ». Mais le grand paradoxe, c’est qu’on ne laisse pas les sénégalais se doter d’institutions fortes, seules garantes d’une démocratie stable et apaisée avec des pouvoirs équilibrés qui s'autorégulent. Il ne sert à rien en effet de créer des institutions si c’est pour les affaiblir. Le président de la République aurait pu recadrer Mansour Faye. Mais, au regard des liens qui les unissent, il n’y aucune raison d’espérer cela. Pour qui connait le « kersa » (retenue) bien sénégalais, certaines limites ne peuvent être franchies.

Le rétropédalage de Mansour Faye qui s’est débiné par rapport à ses propos sur l’Ofnac, arrive bien trop tard. Le mal est déjà fait. Mais dans tous les cas, des comptes lui sont demandés. S’il n’en rend pas, peut-être que d’autres Sénégalais pourraient s’appliquer cette jurisprudence Faye. Espérons qu’on n’en arrivera pas là.