NETTALI.COM - Le think tank Afrikajom Center dénonce des cas de violence politique notés depuis quelque temps dans la sous-région ouest-africaine et formule des recommandations
Dans une note intitulée « Afrique de l’ouest : Crise régionale de la démocratie, du suffrage universel, de la gouvernance et de la sécurité », le Think tank Afrikajom Center exprime « ses sérieuses préoccupations par rapport à la grave crise régionale de la démocratie, du suffrage universel, de la gouvernance et de la sécurité qui constitue à terme un véritable risque de déflagration de l’Afrique de l’ouest ». « Sur les quatre pays de l’Afrique de l’ouest qui ont organisé des élections en 2019, dans trois pays le processus électoral est controversé, le climat politique tendu et souvent violent avec une atteinte des libertés publiques et des droits humains et pratiquement l’opposition ne reconnait pas les résultats ou a simplement boycotté les élections. C’est le cas du Bénin, du Sénégal et de la Guinée-Bissau », peut-on lire.
« En 2020, poursuit le document, nous avons assisté à des processus électoraux autrement plus tendus et plus violents du fait des fraudes électorales et du troisième mandat :
Au Mali, la grave crise des élections législatives de Mars 2020 ont déclenché une crise socio-politique sans précédent depuis l’indépendance et qui a abouti au coup d’Etat militaire du 18 août ».
« A cause du troisième mandat qui s’avère un véritable poison pour la démocratie, explique le texte, les droits humains et la sécurité notamment en Guinée et en Côte d’Ivoire où nous assistons en ce moment à une espèce de guerre civile larvée avec la désobéissance civile lancée par l’opposition en Côte d’Ivoire et une situation post-électorale en pleine confusion et marquée par le bain de sang en République de Guinée où les principaux candidats s’autoproclament vainqueur ».
Ainsi, dans « cette situation politique explosive où la terreur et la peur sont érigées en mode d’emploi, nous assistons à l’impuissance, aux dysfonctionnements et à la défaillance des organes de régulation et d’arbitrage nationaux (CENI, CEI, CENA, Conseil constitutionnel, ou Cour constitutionnelle), ou régionaux (CEDEAO, Union Africaine, Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Cour de Justice de la CEDEAO, Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, Nations Unies) qui ne répondent plus à leurs fonctions de régulation de la violence en Afrique de l’ouest ».
« Rien, absolument rien ne semble pouvoir arrêter certains présidents africains qui veulent s’éterniser au pouvoir par tous les moyens en procédant de façon unilatérale au changement des règles du jeu démocratique et du consensus sur le contrat social. Ils procèdent au forcing politique quel que soit le nombre de morts, de blessés, quels que soient les risques pour la démocratie, la paix, la sécurité et la stabilité du pays et de la région. Il est tant d’engager une réflexion sérieuse sur la responsabilité de ces leaders politiques et de voir quelles conséquences de droit on pourrait tirer de leurs actes », déduisent Alioune Tine et Cie.
Aussi, ces derniers pointent-ils des « violations récurrentes et banalisées du droit à la vie, à l’intégrité physique et aux libertés fondamentales : cas de la Guinée et de la Côte d’Ivoire ».
Pour illustrer, ils citent les « images insoutenables parfois d’une rare barbarie des morts et des blessés par balles ou par machettes » de Côte d’Ivoire et de la Guinée qu’ils disent recevoir « quotidiennement montrent clairement la profondeur du fossé qui oppose les communautés du fait des manipulations politiques, partisanes ou claniques ».
« En Guinée, déplore-t-on, 9 individus ont été tués depuis mardi dont deux membres des forces de l’ordre.
Depuis l’annonce des résultats, on compte 12 morts. Durant les manifestations, les forces de l’ordre ont tiré sur la foule et tués trois jeunes garçons : Thierno Nassirou Sylla 13 ans, Mamadou Saidou Diallo 14 ans et Abdoulaye Diomba Diallo 18 ans ».
« Au moins 30 personnes avaient été tuées pendant les manifestations entre octobre 2019 et janvier 2020 », selon la même source.
Toutes choses qui font que le FNDC estime que les forces de sécurité ont tué 44 personnes depuis octobre 2019. Au moins 32 manifestants ont été tués par les forces de police avant la tenue du vote du 22 Mars et 40 jeunes arbitrairement arrêtés et conduit en prison.
« En Guinée, on compte près de 100 morts dont l’écrasante majorité est constituée par les jeunes entre l’annonce du référendum sur le troisième mandat et la déclaration des premiers résultats de la présidentielle en Guinée », précise la note ; qui mentionne : « En Côte d’Ivoire, on compte plus de 30 morts depuis la déclaration de la candidature de Alassane Ouattara à un troisième mandat et des dizaines de blessés par des machettes causés par les « microbes » protégés souvent par la police. Toutes les manifestations de l’opposition sont interdites en pleine campagne électorale.
Aucun coup d’Etat militaire n’a eu un pareil bilan depuis les années 2000 en Afrique de l’ouest ».
« Alors que les coups d’Etat militaires sont sanctionnés sévèrement par la CEDEAO et la Communauté internationale, les troisièmes mandats plus catastrophiques et mortifères pour la démocratie et la société semblent tolérés », souligne-t-on.
« Au Mali, la répression des manifestations contre les élections législatives controversées et la mal gouvernance du M5-RFP (Rassemblement des Forces Patriotiques du 5 juin) ont fait 18 morts et 150 blessés.
Quid de la crise politique actuelle au Nigéria initialement suscitée par la colère contre les violences policières du Sars « Special Anti-Robbery Squad » et qui s’est muée en véritables manifestations contre la mal gouvernance et contre les fractures et les inégalités sociales. Toutes les manifestations sont réprimées avec une violence inouïe.
Afrikajom Center est convaincu que la crise de la démocratie, du suffrage universel, de la gouvernance et de la sécurité est régionale et c’est par une réponse régionale au sein de la CEDEAO qu’une réponse régionale appropriée et durable pourra être trouvée. Cela appelle de la part de toute l’opinion africaine à une mobilisation exceptionnelle », ajoute le texte.
Ainsi, Afrikajom Center recommande :
Un Sommet extraordinaire de la CEDEAO consacré à la crise régionale de la démocratie, des élections, des droits humains et de la gouvernance pour en diagnostiquer les causes profondes et proposer des remèdes appropriés aux pathologies et dysfonctionnements de la démocratie et des élections qui sont une menace pour la stabilité régionale ;
Une réforme profonde de la Commission de la CEDEAO qui semble avoir atteint ses limites dans la prévention, la gestion et la résolution des crises particulièrement les crises de la démocratie et des élections ;
Repenser l’observation des élections qui tourne à vide et incapable de jouer quel que rôle que ce soit dans le cadre de crises graves des élections et des droits humains comme celles de la Côte d’Ivoire et de la République de Guinée ;
Renforcer l’indépendance structurelle, juridique et financière des organes de régulation et d’arbitrage nationaux, régionaux et internationaux qui font l’objet de contestations et de discrédits de la part de certains acteurs politiques et de la société civile pour leur manque d’impartialité et leurs dysfonctionnements ;
La création d’une commission d’enquête internationale sur les violations graves des droits de l’homme en Côte d’Ivoire et en République de Guinée ; l’impunité de certains auteurs de violations graves de droits de l’homme en Guinée (événements du 28 septembre 2009) et en Côte d’Ivoire (événements post-électoraux de 2010) expliquent la récidive de ces mêmes violations en ce moment dans ces pays ;
La mobilisation de l’opinion africaine et internationale pour mettre une forte pression sur la CEDEAO et les leaders politiques africains, toutes obédiences confondues pour le respect du droit à la vie, à l’intégrité physique, à la jouissance des libertés publiques et surtout et fondamentalement à la paix et au bien-être des africains.