WASHINGTON (Reuters) - Joe Biden a creusé l'écart vendredi face à Donald Trump en Géorgie et en Pennsylvanie, deux Etats qui pourraient lui ouvrir les portes de la Maison blanche, une perspective que le président sortant a promis de contester jusqu'au bout en justice.
Selon l'institut Edison Research, le candidat démocrate est d'ores et déjà assuré d'obtenir les voix de 253 grands électeurs au sein du collège électoral chargé de désigner le futur président des Etats-Unis et passerait le seuil décisif des 270 suffrages s'il l'emporte en Pennsylvanie ou dans deux des Etats du trio Géorgie-Nevada-Arizona.
Au quatrième jour de dépouillement, la voie est en revanche nettement plus étroite pour le président sortant, crédité de 214 grands électeurs, qui doit pour l'emporter gagner absolument la Pennsylvanie, la Géorgie, mais aussi devancer Joe Biden dans le Nevada ou l'Arizona.
Selon deux membres de son entourage, le candidat démocrate devrait s'exprimer dans la soirée à une heure de grande écoute. Son équipe de campagne s'attend à ce qu'il proclame sa victoire si les chaînes de télévision reconnaissent qu'il ne peut plus être rejoint, mais ce n'est pas encore le cas.
En Pennsylvanie, qui désigne 20 grands électeurs, il dispose désormais de près de 20.000 voix d'avance sur Donald Trump, selon Edison Research, alors que le dépouillement des bulletins se poursuit. Il pourrait prendre encore plusieurs jours, a annoncé le responsable local du scrutin. Les voix de 40.000 militaires environ doivent encore être prises en compte, a-t-il précisé.
L'ex-vice-président de Barack Obama est également en tête en Géorgie (16 grands électeurs), mais un nouveau dépouillement sera sans doute nécessaire en raison du faible écart entre les deux prétendants, a annoncé vendredi le secrétaire d'Etat local. Au moment de cette annonce, Joe Biden avait un peu plus de 1.500 voix d'avance, mais l'écart s'est ensuite creusé pour dépasser les 4.000 voix avant de repasser sous cette marque.
Il faudra sans doute également quelques jours pour connaître les résultats dans l'Arizona (11) et le Nevada (6), où son avance est respectivement de l'ordre de 41.000 et 20.000 voix.
Trump mène la course en Caroline du Nord (15 grands électeurs), avec près de 77.000 voix d'avance. L'Alaska (3), dernier des six Etats où le nom du vainqueur n'est pas encore donné par la totalité des grands médias, ne devrait pas lui échapper.
"JE NE RENONCERAI JAMAIS AU COMBAT"
Donald Trump, qui ne cesse de dénoncer des fraudes sans en apporter la preuve, a promis de poursuivre son combat juridique jusqu'au bout. "Nous allons continuer ce processus sur tous les plans permis par la loi pour garantir que le peuple américain ait confiance en notre gouvernement. Je ne renoncerai jamais au combat pour vous et pour notre nation", a dit le président sortant dans un communiqué.
Il a par la suite réitéré sur Twitter ses doutes sur l'intégrité du processus électoral.
"J'avais une telle avance dans tous ces Etats tard dans la nuit de l'élection, et voilà que j'ai vu ces avances disparaître comme par miracle à mesure que les jours passaient. Peut-être ces avances reviendront avec nos procédures en justice", a-t-il écrit.
Avant de prévenir son rival: "Joe Biden ne devrait pas revendiquer à tort la charge de président. Je pourrais moi aussi la revendiquer pour moi. Les procédures judiciaires ne font que commencer !"
De multiples recours en justice ont déjà été déposés dans plusieurs Etats. Selon deux sources, le Comité national du Parti républicain a l'intention de lever 60 millions de dollars pour les financer.
Matt Morgan, avocat en chef de l'équipe de campagne du président, affirme vendredi dans un communiqué que le scrutin a été émaillé de fraudes en Géorgie, dans le Nevada et en Pennsylvanie et que Donald Trump finira par l'emporter en Arizona.
"Si vous comptez les votes légaux, je gagne facilement", avait lancé jeudi le président sortant lors d'une allocution à la Maison blanche que plusieurs grands médias dont MSNBC ont interrompu, estimant que les attaques de Trump étaient sans fondement et fragilisaient les institutions démocratiques du pays.
"Ils essaient de voler l'élection. Ils essaient de truquer l'élection et nous ne pouvons pas les laisser faire", avait-il ajouté avant de quitter la salle de presse sans accepter de questions des journalistes.
Donald Trump avait auparavant publié une série de tweets appelant à l'arrêt du dépouillement dans les Etats où Joe Biden a l'avantage.
A la Maison blanche pourtant, un conseiller a reconnu qu'il était évident que la dynamique de l'élection allait à l'encontre des espoirs de Trump, mais que le président n'était pas prêt à admettre sa défaite.
Alors que des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes, des partisans des deux candidats ont organisé de petits rassemblements - pour la plupart pacifiques - devant des bureaux de vote dans les Etats où le dépouillement pourrait être décisif.
Le camp Trump annonce une soixantaine de rassemblements vendredi et samedi.
PATIENCE
"Personne ne va nous priver de notre démocratie", a quant à lui écrit Joe Biden sur Twitter, peu après l'intervention de Donald Trump à la Maison blanche. Il avait fait part un peu plus tôt, à Wilmington dans le Delaware où il réside, de sa confiance quant à l'issue du scrutin et appelé au calme pendant le dépouillement.
"La démocratie, c'est parfois confus", a concédé le candidat démocrate. "Cela requiert parfois aussi un peu de patience."
Interrogé sur ce qui se passerait si Trump, dans l'éventualité de l'annonce d'une victoire de Biden, refusait de reconnaître sa défaite, le porte-parole du candidat démocrate, Andrew Bates, a répondu vendredi: "Le gouvernement des Etats-Unis est parfaitement en mesure d'escorter des intrus hors de la Maison blanche."
Une enquête d'opinion Reuters/Ipsos montre qu'une majorité d'Américains rejette la proclamation prématurée de victoire de Donald Trump mercredi matin.
L'incertitude quant à l'issue du scrutin a mis en exergue les profondes divisions politiques aux Etats-Unis, tandis que le temps nécessaire au décompte des millions de bulletins transmis par voie postale rappelle l'impact de la crise sanitaire du coronavirus qui continue chaque jour de tuer des Américains.
Même si Joe Biden s'impose, les démocrates n'auront pas obtenu le raz-de-marée qu'ils espéraient, ce qui montre que Donald Trump reste populaire en dépit de quatre années tumultueuses à la Maison blanche.
Et même s'il venait à s'incliner, le président sortant qui veut éviter de devenir le premier à ne pas être réélu depuis George H.W. Bush en 1992, devrait aussi laisser son empreinte sur le Parti républicain.
A ce stade des résultats, et au niveau du "vote populaire", sur l'ensemble du pays, il améliore nettement son score de 2016 avec près de 70 millions de voix contre 74 pour son rival démocrate. Il y a quatre ans, Donald Trump était resté en deçà des 63 millions de voix contre un eu moins de 66 millions pour Hillary Clinton.
(version française Jean-Michel Bélot, Bertrand Boucey et Jean-Philippe Lefief, édité par Nicolas Delame et Henri-Pierre André)