CONTRIBUTION - Les récents remous au sein du PS suite à la sortie de Serigne Mbaye Thiam sur l’idée de porter une candidature au poste de Secrétaire général du Parti si les camarades le lui demandent auraient pu lancer un débat interne profond et structurel sur l’avenir de cette grande organisation incontournable sur l’échiquier politique du Sénégal.
Mais à la place et, c’est regrettable, nous avons eu droit à un ballet de positionnements personnels qui au fond révèle au grand jour, cet effritement sacerdotal qui constituait jadis une des forces des figures qui incarnaient la grandeur du PS : le recentrage sur les fondamentaux du parti, son projet de société. Ce constat est d’autant plus prégnant qu’il suffit d’observer la fréquence à laquelle le Parti socialiste se positionne sur des questions nationales majeures si ce n’est, peu importe le sujet, qu’encourager les orientations des responsables du régime actuel.
Notre parti a raté le coche à un certain moment de l’histoire politique de notre pays alors qu’il a combattu farouchement et de manière républicaine, les travers du régime des Wade dont l’actuel régime n’est rien d’autre que le prolongement, une sorte de constellation oligopolistique. Aujourd’hui, pour l’écrasante majorité des sénégalais, la pratique de la politique doit changer et opérer une rupture radicale portée par un nouveau type d’acteurs ayant un sens élevé de ce qu’est servir l’Etat, de manière à instaurer une alternative crédible et porteuse d’un avenir durable. Ce tournant, le PS semble avoir raté ce changement de paradigme.
Ce renouveau paradigmatique ne saurait cohabiter avec une pratique actuelle semblable à une politique d’officines et d’entente d’appareils qui, de surcroit, ont des trajectoires et des fondements idéologiques contradictoires. Hélas, la situation politique actuelle de notre pays, offre une bien triste leçon à une certaine frange de la jeunesse pour qui, faire de la politique rime avec égoïsme et renoncement des valeurs fondamentales qui font l’essence même de l’être humain, notamment la vérité, la loyauté, le respect des engagements pris et j’en passe.
Le positionnement actuel du Parti socialiste qui consiste à vouloir participer, encourager et même porter le projet de recréer un consensus politico-partisan autour de l’actuel régime à l’agonie, sur le dos de la vérité des urnes, est perçu comme un archaïsme rédhibitoire et qui pousse, de plus en plus, notre parti vers des lendemains incertains, si ce n’est vers le déclin.
Notre présence dans des gouvernements du régime actuel qui est à bout de souffle, est une erreur politique et chaque minute passée au sein de cette nouvelle alliance APR-Rewmi-PDS, est une minute de moins dans l’espérance de vie du Parti socialiste, une motivation de moins pour chaque militant et par conséquent un risque énorme de rompre les amarres avec nos bases qui ne savent plus à quel saint se vouer. Que valent la Présidence d’une Institution, deux (02) postes ministériels et quelques députés et de conseillers face à la grandeur de notre parti ?
Si certains de nos responsables acceptent la poursuite du compagnonnage pour des postes et des privilèges alors quel espoir peuvent-ils susciter auprès des jeunes du parti et des autres militants ? Voilà le cri du coeur de la grande majorité des militants désorientés par la nouvelle ligne politique adoptée par le Parti socialiste et qui peut se résumer en ces termes: « Nous allons tous transhumer ou aller voir ailleurs puisque nos responsables partisans de la politique du ventre l’ont presque tous fait… ». La direction actuelle du PS ne saurait donc vendanger la relève et adopter une position difficilement « assumable » et « défendable » pour les potentiels continuateurs.
Il s’agit donc de voir loin et de se départir de tout calcul d’épicier basé sur l’immédiateté des bénéfices à tirer d’un côté et sur le dilatoire de l’autre côté. Tout ceci montre à quel point, le PS au passé glorieux, est aujourd’hui orphelin de ses grands dirigeants, désorienté et incapable de se tracer une nouvelle voie par le manque d’initiative et d’ambition de ses dirigeants actuels.
Le constat amer qui se dégage est que le PS ne parvient même plus à se tracer un nouveau chemin et à enthousiasmer à travers l’élévation du débat qui faisait sa marque de fabrique, faute de pouvoir redéfinir son cap.
La participation aux différents gouvernements de ce régime et particulièrement le dernier qu’on peut considérer comme le rassemblement de la grande famille des « libéraux » tant chanté par le Président Abdoulaye WADE, est perçue comme une contradiction idéologique majeure. Elle va finir par compromettre le lucide travail d’autocritique ainsi que les profondes réformes à entreprendre pour restructurer notre appareil politique. Plus grave, la nature ayant horreur du vide, la posture d’opposition constante et permanente qui manifestement est la condition sine qua non pour une reconquête immédiate du pouvoir, échappe de plus en plus au Parti socialiste.
Aujourd’hui toutes les erreurs du régime du Président Macky Sall auquel le PS a participé nous seront imputées. Ce compagnonnage a été et est une bévue pour l’avenir du PS pour la simple raison que le PS porte une partie des responsabilités de ses nombreux échecs. Dès lors, il sera difficile de revenir pour demander la confiance des sénégalais d’autant plus que Abdoulaye Wade a su, avec dextérité, intégrer dans le commun des Sénégalais l’image d’un PS qui, pendant 40 ans d’exercice du pouvoir, n’a su faire rien d’autre que de profiter des privilèges du pouvoir, au détriment de la matérialisation de son idéologie. Nous ne pouvons pas continuer à nous enfoncer des balles supplémentaires dans nos pieds alors que nous peinons à en enlever celles qui sont dedans.
Dès lors une batterie de questions peut légitiment être posée : Le PS se sentirait-il tellement à l’aise avec cette hybridité idéologique depuis son compagnonnage avec BBY, qu’il oublierait ce pour quoi il se bat ? Quelle est l’ambition du Parti socialiste pour notre nation ?
A quoi et à qui sert le Parti socialiste ? Qu’est-ce qu’être socialiste dans notre pays ? Ces questions sont fondamentales et leurs réponses ne sont pas si évidentes mais elles ont le mérite, si on parvient à y répondre, de jeter les bases et d’entamer une mue structurelle du Parti socialiste, mais aussi et surtout, de faire un recentrage sur les fondements de notre cher parti, le PS.
La réponse à ces interrogations appelle à une adaptation de notre projet politique aux mutations socio-économiques de l’heure sur la base d’une bonne planification, ce qui fait manifestement défaut à nos dirigeants actuels. Le PS est-il en mesure d’y répondre dans le contexte politique actuel ? C’est cela, le défi majeur qu’il faut, à tout prix, relever ! Il est bon de rappeler que depuis la fin du parti unique dans notre pays c’est à dire depuis la première participation du Parti démocratique sénégalais (PDS) à des élections présidentielles, nous avons très souvent assisté à une série de clivages dominants PS/PDS : clivage dans la culture politique, clivage dans la pratique de la politique et dans les méthodes de travail, clivage dans le style des dirigeants, clivage dans le mode de gouvernance mais surtout, théoriquement, un clivage idéologique « Socialistes » vs « Libéraux ».
Toutefois, ces dernières années, ces clivages sont en partie brouillés, sous l’effet des multiples coalitions électoralistes hétéroclites. Qu’il s’agisse de « petit parti » ou « grand parti », des nouveaux ou anciens partis, de mouvements citoyens ou autres organisations politiques, tous font désormais l’objet de ce qu’il est, dangereusement, convenu d’appeler un « consensus mou ». Celui-ci fait, sans aucun doute, l’affaire de ceux qui, dans l’erreur, conçoivent la démocratie comme l’aboutissement d’un équilibre entre des intérêts de forces politiques contradictoires. Equilibre très instable, pour ne pas dire rédhibitoire au risque de nous plonger dans une sorte de personnalisation de ce qui, à la base, doit être collectif.
La philosophie politique libérale considérant l’homme in abstracto, estime fondamentalement que les inégalités s’expliquent, avant tout, par les différences innées des compétences, capacités, origines et intelligence : elles sont le résultat inéluctable et irréversible de la vie. A l’inverse, l’homme de gauche considère l’individu in situ, c’est à dire que les inégalités entre les hommes tiennent généralement, à la répartition inéquitable des richesses et ressources publiques, du capital social et culturel : elles sont la conséquence réversible de la société.
Notre renouveau réside sur ce fait : une réappropriation de nos fondamentaux. Une nouvelle pratique de la politique avec une mentalité nouvelle, une manière et une méthode nouvelles, une profonde aspiration à la justice sociale, par conséquent, pour ce qui nous concerne, un Parti socialiste ancré sur des fondamentaux, avec des dirigeants de type nouveau.
Au stade actuel, le Parti socialiste ne se projette plus, le Parti socialiste ne revisite plus son passé, il n’est pas dans la prospective encore moins dans les propositions, il n’est plus ce parti de masse théorisé par Dia et Senghor,…, il n’est plus que l’ombre de lui-même !!!
Que diraient ces imminents socialistes dans l’âme, s’ils voyaient notre parti absent dans les grands débats du pays ? Prions pour qu’ils ne disent pas, comme dans le livre de l’exode : « Ils se sont promptement écartés de la voie que je leur avais prescrite; ils se sont fait un veau en fonte, ils se sont prosternés devant lui ».
Chers camarades, l’heure est grave mais il est encore possible d’entreprendre une introspection profonde pour permettre au Parti socialiste, notre parti de coeur et de raison, de retrouver ses lettres de noblesse dans l’espace politique sénégalais.
Vive le Parti socialiste,
Vive le Sénégal !
Oswald SARR
Membre de Vision Socialiste France
Ancien SG du MJESE (Jeunesses PS de France)