NETTALI.COM - D’habitude si calme, la ministre du Commerce, Aminata Assome Diatta, est passée, hier, à l’offensive. A propos des Dipa (déclarations d’importation de produits alimentaires) qui défraient la chronique depuis quelque temps, la bonne dame a tenu à remettre les points sur les i.
A la Compagnie sucrière sénégalaise (CSS) et ses travailleurs qui dénonçaient 150 000 tonnes de sucre importé qui empêcheraient ce fleuron de l’industrie d’écouler son stock, elle précise : “Les quantités importées au titre de la Dipa tournent autour de 173 000 tonnes. Sur cette quantité, il faut savoir qu’il y a 107 000 tonnes qui sont importées par les industriels. Comme vous le devinez, quand une industrie fait par exemple du chocolat ou un produit du genre, elle a besoin d’importer du sucre. Elle n’achète pas sur le marché local. Et il y a une procédure particulière pour qu’elle puisse bénéficier de la Dipa. Elle doit, en effet, passer par la Direction du redéploiement industriel du ministère en charge de l’Industrie. Celle-ci évalue les besoins de l’entreprise, lui fait une attestation. Et sur cette base, les services techniques du ministère du Commerce lui délivrent la Dipa…’’
Mais alors où va le reste ? Selon Assome, 66 000 tonnes sont mises à la consommation directe. Et contrairement à ce que certains pourraient penser, le plus grand importateur de sucre reste la CSS. “Sur ces 66 000 tonnes, il faut enlever le quota distribué lors de la pandémie. Il faut aussi savoir que les 20 000 reviennent à la CSS. Ce dont on parle, ce sont ces 20 000 tonnes importées par la CSS qui n’ont pas pu être écoulées sur le marché’’. Ce qui tranche d’avec les affirmations de Louis Lamotte, à l’occasion de la marche des travailleurs de la boite. Il disait : “La CSS dispose d’un stock invendu de 30 000 tonnes à cause de l’inondation du marché sénégalais par le sucre importé de manière illégale.’’ Assome enfonce : “Je rappelle que la CSS n’est pas en mesure de satisfaire les besoins du marché local en sucre, cela depuis très longtemps. Face à cette situation récurrente, plusieurs actions sont mises en œuvre par l’Etat pour pallier les insuffisances. Je peux en citer trois…’’ Chaque année, estime-t-elle, son département, en collaboration avec la CSS, vérifie les stocks dont dispose l’entreprise. Ce qui lui permet d’anticiper sur le gap, en donnant des quotas à un certain nombre d’importateurs, suivant des conditions strictes, y compris la CSS. “D’ailleurs, insiste Mme Diatta, celle-ci a toujours le quota le plus important’’.
Toutefois, elle se dit disposée à mener de larges concertations avec tous les acteurs pour des solutions justes, appropriées et transparentes. “Il faut savoir que le ministère est chargé certes de l’approvisionnement correct du marché. Mais c’est aussi et surtout le médecin de famille des entreprises sénégalaises. Comment peut-il donc se permettre de détruire un des fleurons de notre industrie ? Je réaffirme aux travailleurs la disponibilité du ministère à travailler étroitement avec la CSS pour trouver des solutions’’, affirme la patronne du Commerce. Mieux, elle tente de donner des gages : “Pour éviter, à l’avenir, cette situation, le ministère a décidé de dématérialiser la Dipa.
Ce qui permettra de mieux contrôler et de rendre plus facile et plus transparente leur attribution. Cela permettrait également d’éviter toute contestation. Dans le même ordre d’idées, j’invite la CSS et tous les acteurs à de larges concertations sur le secteur, pour trouver des solutions définitives aux difficultés.’’ A propos des huiliers qui agonisent Pendant que la CSS pleure, les huiliers du Sénégal, eux, agonisent. Cette fois, ce n’est pas le ministère du Commerce qui est accusé, mais bien son homologue en charge de l’Agriculture.
Interpellé sur cette question due à la signature d’un protocole d’accord avec la Chine depuis 2014, ce dernier, à l’instar de son homologue du Commerce, balaie d’un revers de main. “Il faut savoir que l’année dernière, c’était une campagne de rupture. Il ne faut pas oublier qu’avant (l’accord avec la Chine), la commercialisation créait beaucoup de difficultés, parce que les huiliers n’arrivaient pas à absorber toute la production. Voilà pourquoi le gouvernement avait signé un protocole avec la Chine’’. Aussi, fait-il remarquer, dans la même veine, il y avait un protocole avec les huiliers qui prévoyait que l’Etat doit supporter la différence entre le prix réel de l’arachide et le prix fixé pour la commercialisation. “En 2018, cela devait nous coûter 12 milliards F CFA. En 2019, nous avons dénoncé cet accord. Cela a permis aux producteurs de vendre à un prix très profitable.
Mais les huiliers, qui avaient l’habitude de cette couverture, n’ont pu collecter beaucoup de graines. Ainsi, l’année dernière, la campagne a coûté zéro franc au gouvernement’’. Arrivé à terme, l’accord signé en 2014 et qui permet l’exportation de l’arachide en Chine a été renouvelé jusqu’en 2024, rappelle le ministre. Qui s’engage toutefois à trouver des solutions pour permettre aux huiliers de travailler. “Cette année, souligne le ministre koldois, nous avons décidé de taxer l’exportation des graines décortiquées. Et la taxe s’élève à 30 F CFA le kilo décortiqué. Si, comme l’année dernière, on arrive à exporter 400 000 tonnes de graines, cela veut dire que l’Etat va engranger 12 milliards. Mais le président de la République a dit qu’il faut que ça retourne aux producteurs, en renforçant le capital semencier du Sénégal’’.
Avec Enquête