NETTALI.COM - C’est le 31 décembre 2019 qu’il nous avait servi le « ni oui ni non» sur la question d’une 3ème candidature. C'était au palais présidentiel, face à la presse. De quoi faire méditer à l’époque ces Sénégalais qui aiment à s’arracher les cheveux pour essayer de décrypter les messages souvent clairs-obscurs du politicien rompu à la tâche qu’est Macky Sall. L'objectif était clair. Gagner du temps en laissant ceux-là ronger l'os bien dur.
Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. Nous sommes en fin 2020 et allons entrer de plein pied dans l'année 2021. Les actes que le président continue à poser sont loin d’être rassurants. Entre ce besoin de créer un large rassemblement en débauchant tous azimuts, sa déclaration sur ces supposés 85% et les sorties de ses proches ou partisans en faveur du 3ème mandat, les signaux envoyés sont toujours aussi révélateurs de subterfuges. Et si si le but était de créer la surprise au bout du suspense ?
Devrions-nous dès lors continuer à nous donner bonne conscience et nous laisser convaincre qu’il n'osera pas en faire un 3ème ? La question n'est pas d'être contre ou pour. Chaque Sénégalais est libre d'apprécier à sa guise, mais le président Sall doit juste se prononcer clairement sur le sujet. La naïveté a quand même des limites, surtout si d’aucuns n’ont pas confiance dans les institutions pour dire le droit. Des précédents existent avec le Conseil constitutionnel pour inciter à la méfiance. Et Barthélemy Dias a suffisamment alerté sur l’impossibilité de battre Macky Sall à une élection présidentielle. Il aurait sa justice et son parrainage. Il serait d’ailleurs même bien suicidaire d'opter pour les contorsions façon Ahmed khalifa Niasse qui, sur la question du 3ème mandat à « Faram Facce» chez Pape Ngagne Ndiaye, a choisi de fuir la question en se réfugiant derrière le fait de ne pas raisonner à partir d'intentions pas encore avouées de Macky Sall himself. De toute façon ce qui se donne à lire n’est guère réconfortant, encore moins rassurant.
Pourquoi pensons-nous pouvoir faire du neuf avec du vieux ? Il suffit de regarder ceux qui peuplent nos institutions pour se rendre compte que tous ceux qui les dirigent, devraient déjà être à la retraite, de par leur âge, leurs trajectoires et leur image pas très reluisante : Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Aminata Mbengue Ndiaye. Que pouvons-nous sérieusement espérer ou attendre d’eux ? Ils n’exercent en réalité le pouvoir que pour le pouvoir. Pardon pour la jouissance, émoussés qu’ils sont par une présence bien trop longue dans le paysage politique. C’est ce qu’on appelle avoir plafonné après avoir fait le tour.
La composition actuelle du gouvernement qui fait tout aussi pâle figure, n’invite pas à l’optimisme. La grande majorité de ses membres est composée de menus fretins. C’est à croire que Macky Sall aime s’entourer de ministres sans envergure. Le cas le plus inquiétant est sans doute celui de l'actuel ministre des Infrastructures Mansour Faye qui vogue de ministère en ministère sans jamais faire la preuve de sa compétence. Il multiplie les gaffes sans trouver quelqu'un pour lui dire stop. Sa dernière trouvaille en tant que maire et qui consiste à vouloir rebaptiser l’avenue Charles de Gaulle à Saint-Louis, en avenue Macky Sall, est tout simplement d'une autre époque. Cela rajoute à sa tare qui est celle d’être le beau-frère du président. Il n’est pas à sa place. C'est sûr.
Dieu sait pourtant que dans ce gouvernement il y en a d'autres qui ne devaient pas en faire partie ! Des ministres qui s’étaient fait remarquer dans des affaires pas claires ou épinglés dans des dossiers. Et l’on ne peut ne pas se demander ce que nous avons fait au bon Dieu pour mériter cela ? Ce d'autant que Macky Sall doit tout à ce peuple qui lui a tout donné. Président de la République, cela peut-être stressant mais c’est tout aussi agréable. Eh bien, celui qui trône à la tête de l’Etat, méconnait les factures de loyer, d'eau, d'électricité et ne paie même pas la nourriture. Il a aussi un avion de commandement à sa disposition, des véhicules de luxe et ne souffre aucunement d'embouteillages.
Transporté donc en voiture de luxe, en avion, en hélico, nourri, blanchi, argent de poche, gardés par des agents prêts à prendre une balle pour le sauver...,il est tout simplement dans un paradis sur terre. Immense privilège pour celui qui profite des avantages du poste. Ne devrait-il pas en retour mourir pour ce pays qui lui donne l’occasion de le servir ? Servir au lieu de se servir ? Choisir la patrie au lieu du parti ?
Le pouvoir de nommer ou de dégommer aurait sans doute dû lui donner la sagesse de ne point par exemple nommer ce beau-frère si insolent et incompétent ; de reconduire d’autres qui étaient cités dans des affaires peu acceptables en République ; et s’abstenir de garder certains dossiers sous le coude et de les agiter dans le seul but de tenir quelques-uns parmi eux , si jamais... Macky a préféré se séparer de ses meilleurs ministres. Et c’est son droit. Mais qui aurait cru que Mimi Touré serait à ce point menacée ? Le président peut avoir des choses à lui reprocher, mais qu’il se souvienne de ce qu’elle a pu faire de bien. Elle est souvent allée aux charbons pour répondre à Idrissa Seck, celui contre qui il l’a échangée.
L’inconséquence des calculs de Macky Sall, c’est aussi cela. Ils risquent de le plonger dans les contradictions de son propre jeu. Idem dans le cas Amadou Ba qui a piloté le Pse ; Makhtar Cissé qui a réglé le problème de la Senelec et mis de l’ordre dans le secteur de l’énergie ; Aly Ngouille Ndiaye qui a assuré sur le terrain de la sécurité et de l’organisation des élections. Loin de dire que son pouvoir ne lui donne pas le droit, le loisir de nommer et de limoger à sa guise, il est tout de même nécessaire de rappeler qu’un pouvoir de nomination ne doit pas conduire à l'injustice ou au simple calcul de ses intérêts du moment. Ce ne sont pas peut-être les meilleurs des Sénégalais, mais à côté, ses ministres actuels sont loin d’être des foudres de guerre ! A travers son acte, il administre la preuve que dans ce pays, il vaut mieux être médiocre que brillant. Il vaut mieux être un laudateur qu'avoir des principes. Il vaut mieux être un béni oui-oui, qu'un cadre émérite qui met en avant les intérêts supérieurs de la Nation.
Sur le plan de nos rapports avec les puissances étrangères, nous ne devons point nous abstenir d’atténuer leur insolente présence sur nos terres en réduisant les faveurs énormes à elles octroyées. Français, Chinois, Turcs, Marocains ont acquis beaucoup de privilèges pour des contreparties dérisoires. La France n’est en tout cas pas pour l’heure pressée de lâcher l’Afrique francophone, y compris le Sénégal. Le dossier franc Cfa est assez édifiant de ce point de vue. Les accords de pêche sont toujours aussi néfastes et la contrepartie sans grand intérêt. Le Ter est toujours à terre surtout avec ces avenants sans fin et les conditions octroyées à Eiffage sont tout simplement scandaleuses. Ah si c'étaient des Sénégalais, on aurait vite crié au manque de rigueur et à l'incompétence. Mais comme ce sont des Français qui sont à la manœuvre, ils peuvent tout se permettre. Ce sera sans conséquences.
Macky nous avait en tout cas annoncé qu’il réserverait des parts du business sénégalais au privé local, lors du conseil présidentiel tenu le 29 septembre 2020 et avant cela lors du groupe consultatif de Paris en décembre 2018. Nous avions tous applaudi. Mais nous nous attendons à ce que cela soit des Sénégalais qui ont fait leurs preuves en tant que capitaines d'industrie, managers et hommes d'affaires reconnus pour leurs faits d'armes. Un Babacar Ngom, un Oumar Sow, Yérim Sow, Aime Sène, Abdoulaye Dia etc. Voilà des personnages qui, quoi que l’on puisse penser d’eux, ont réussi à édifier des choses.
Un changement de paradigme qui interpelle.
Pour l’heure, les fronts sont nombreux. Et l’année 2020 avec la pandémie nous avait poussés à prendre la ferme résolution de changer de paradigmes. Nous nous étions rendus compte qu’il nous fallait avoir notre souveraineté dans le domaine pharmaceutique, pour fabriquer certains produits comme les masques, les respirateurs artificiels et les outils de lavage pour lesquels l’on a vu le génie sénégalais s’exercer, quoique de manière artisanale. Par ricochet, nous avions noté que le niveau des infrastructures hôtelières devait être relevé, sans la gestion des structures sanitaires qui nécessitent une certaine spécialisation. De même que la recherche qui doit être mieux organisée et pourvue en moyens malgré ce montant alloué par le chef de l’Etat. Nous nous rendons compte pour le moment que rien n’est prêt de changer et que certains options prises vont rester lettres mortes.
Par rapport à la réforme du secteur de l'éducation, de la formation par exemple, ne devrions-nous pas opter pour une adéquation entre notre politique de formation et celle liée au nécessaire développement économique et social du pays ? Au lieu de continuer à encourager la massification dans les universités ou la multiplication des instituts de formation privée peu sérieux dans bon nombre de cas. Nous devons plus que jamais sortir de la formation de la rue qui a prouvé son inefficacité et qui ne fait que renforcer les comportements informels et dont le résultat n'est pas garanti. La formation professionnelle doit à ce titre être connectée à ce système de formation des écoles qui doit permettre de susciter des vocations chez les jeunes, de manière à récupérer ceux qui seraient en situation d'échec scolaire et qui n'auront de salut que la menuiserie ou chez le mécanicien du coin. Cela peut être un début de solutions pour tous ces jeunes en quête d’Eldorado en Europe. Ils ont après tout des prédispositions, ces jeunes que l’école peut détecter prématurément.
C’est en effet une grande responsabilité pour nos gouvernants que de préparer la relève qui passe par ces jeunes-là qui doivent non seulement être préparés mentalement, au sens patriotique du terme, mais aussi formés à la compétence et à la rigueur, qui doivent être les socles de leurs actions futures.
Les inondations nous ont permis de voir que les politiques ne sont pas très enclins à entreprendre des chantiers invisibles. Les exemples récents d’érections d’infrastructures telles que les autoponts - qui sont d’ailleurs de bonnes réalisations à condition qu’elles soient exécutées à des coûts acceptables- prouvent que les politiques ne sont intéressées par rien d’autre que les infrastructures tape-à-l’œil.
Notre politique industrielle est confiée à Moustapha Diop, politicien professionnel devant l’éternel. Devrait-on lui faire confiance et prier pour qu’elle réussisse ? Nous avons en effet besoin de mettre en place une industrie réaliste et calibrée en fonction de nos besoins et trouver le moyen de la protéger. Intégrons le soutien et le réconfort à apporter aux Sénégalais qui entreprennent plutôt que de les décourager à chaque fois qu’ils tentent des choses. Les Chinois ne sont pas devenus puissants du jour au lendemain. Ils dépassent aujourd’hui les Américains et les Européens en termes de croissance du PIB. L'apprentissage suppose nécessairement des erreurs entre le moment de l’amélioration et le moment où ses produits deviennent des références. C’est au prix de l’expérience et non des raccourcis que les choses progresseront.
Nous devons tout faire pour sortir de cette culture de l’informel. Ce qui nous permettra d'élargir non seulement notre assiette fiscale mais surtout professionnaliser ses métiers. Pourquoi ne pas essayer d'organiser les sous-secteurs de la pêche, de la cordonnerie, de la mécanique, de la menuiserie, de la soudure, de la couture, etc en renforçant la capacité de leurs acteurs, tout en les dotant d'espaces et surtout en leur permettant d'accéder au crédit ?
Le chef de l’Etat a récemment octroyé 2,5 milliards F Cfa aux acteurs culturels. Un montant qui ressemble fort à de la pitance pour un partage où ils ne recevront pas ce qui représente le cachet d’une soirée pour un artiste musicien qui se produit dans un bar restaurant. Ils méritent bien plus que ce sort qu’on leur réserve. Un montant qui pouvait être déployé ailleurs. A l’heure du 21 ème siècle, l’option devrait être une orientation vers une industrialisation de la culture et non l’encouragement à davantage de folklore et d’amateurisme.
Macky Sall devra surtout tourner son regard vers ce nouveau code de la presse dont il doit enfin signer le décret d’application plutôt que de s'insurger contre les dérives de la presse en ligne dont la bonne conduite se trouve en partie logée dans la Harca qui est censée remplacer le Cnra. Les acteurs ont compris depuis longtemps qu’il n’est pas attaché à une presse forte. Mais c’est une grosse illusion de penser qu’un secteur comme celui-là désorganisé, profitera aux politiques. Le pluralisme a cette vertu qui est de ne pas pouvoir contrôler tous les supports.
Et même si l’on n’est pas au pays des bisounours, l'essentiel pour un gouvernant, est d’aller dans le sens des intérêts du peuple et d'essayer de satisfaire le plus grand nombre avec les ressources disponibles. Macky Sall ne peut pas tout résoudre sur un coup de baguette magique, c’est sûr. Le Sénégal est au bord de la récession et l’on ne peut raisonnablement pas continuer à gérer l’économie de manière aussi routinière. Il est nécessaire d’essayer de s’inscrire dans des projets et programmes qui peuvent nous valoir un développement pérenne. Les suivre, les évaluer et surtout les corriger suivant les étapes. Cela peut éviter ces nombreux échecs constatés à des moments bien tardifs. C’est cette rigueur et cette rationalité qui manquent à ce pays. Les inondations sont là pour nous le prouver. Les politiques d’emploi avec la multiplicité d’acteurs les uns aussi inutiles que les autres également, sont révélatrices de ce fait. Des données chiffrées fiables aussi sont importantes pour asseoir ces politiques.
Nous espérons qu’en 2021 Macky Sall ait la clairvoyance nécessaire pour se ressaisir, au lieu de continuer à utiliser ses acrobaties politiciennes ou à poursuivre dans la voie du débauchage des personnages politiques qui n'ont d'appareils qu'eux-mêmes et leurs proches. Le projet de suppression de villes qui est sa dernière trouvaille, ne trouve pas grâce dans l’esprit de beaucoup de Sénégalais qui y voient une manœuvre de plus pour arriver à ses fins. Lequelles ? Lui-même ne doit plus savoir !
Les oppositions à la possibilité de son 3ème de mandat qui reste en suspens, se multiplient. Il ne devait pas certainement pas s’y attendre. Après Moustapha Diakhaté, Sory Kaba, Mimi Touré et Me Moussa Diop, elles vont se poursuivre. L’ancien DG de «Dakar Dem Dikk» a prévenu qu’il y en a encore dans ses rangs et en dehors qui sont opposés. Bluff de politicien ou pas, les subterfuges politiciens ne font pas recette à tous les coups. A force de débaucher aussi, il arrivera un moment où il ne trouvera plus personne à débaucher, et là il sera obligé de s’arrêter et de faire le point afin de voir là où tout cela l’a mené. Peut-être que ce sera trop tard ; peut-être se retrouvera-t-il face à des adversaires encore plus nombreux ? En politique, les choses ne sont si figées que cela. Et pour qui connaît les politiciens et leurs natures de caméléon, il vaut mieux se marier avec des gens fidèles, plutôt que de s’inscrire dans une alliance arc en ciel sans cohérence, ni fondements solides. A force de tisser sa toile, Macky Sall risque de se prendre à son propre jeu.
L'essentiel n’est pas dans le fait de se baser sur des élections gagnées ou des 85% chimériques pour juger de son poids politique. A la vérité, les différentes entités politiques en présence ne se sont jamais accordées, ni sur un fichier électoral toujours objet de polémiques, ni sur le parrainage qui laisse plutôt penser à une volonté d'écarter des candidats ; encore moins sur la posture neutre de l’administration ou du conseil constitutionnel. Lorsqu’un peuple adopte un homme politique, ce dernier n’a pas parfois besoin de la constitution et des lois pour gérer le pays. Le peuple se débarrassera des lois parce que c’est lui en réalité la loi. Il ira toujours dans le sens qu’un président adulé voudrait bien aller. Il est donc préférable de se faire en réalité aimer de son peuple que de devoir recourir à la Constitution ou aux lois pour contourner son souhait. Et ça, ce n’est pas si difficile à comprendre que cela.
Au rythme où vont les choses, Macky Sall fonce tout droit vers l’impasse. Il ne reste plus qu’à souhaiter une année bien meilleure année aux Sénégalais avec une pandémie vaincue, une économie bien plus prospère et un front social et politique plus sain et apaisé. Nous ne saurions oublier nos disparus au cours de cette année 2020. Nous venons de perdre Seyda Mariama Niasse, la fille de Baye Niasse et serviteur effrénée et dévouée du Coran. Une grosse perte pour le Sénégal et l'Islam. Prions pour le repos de leur âme. Bonne année 2021.