NETTALI.COM - Des élus démocrates réclament l’ouverture d’une enquête après un appel téléphonique controversé du président américain, mais il est peu probable qu’il soit inquiété par la justice.
« Je veux juste trouver 11.780 voix. » Dans un appel téléphonique de plus d’une heure publié dimanche par les médias américains, Donald Trump a semblé faire pression sur le secrétaire d’Etat de Géorgie, suggérant qu’il « recalcule » les résultats de la présidentielle du 3 novembre. Mais si des élus démocrates ont demandé au FBI d’ouvrir une enquête, il est peu probable que le président américain soit inquiété par la justice, à deux semaines de l’investiture de Joe Biden.
Un appel téléphonique controversé
Depuis plus de deux mois, le secrétaire d’Etat de Géorgie, un républicain, tient tête à Donald Trump. Après deux recomptages et plusieurs audits, Brad Raffensperger a certifié les résultats et la victoire de Joe Biden, assurant qu’il n’y avait pas eu de « fraude massive » comme le soutient le président américain.
Samedi, Donald Trump a décroché son téléphone. Pendant plus d’une heure, il énumère des théories du complot rejetées à multiples reprises par la justice et des responsables du scrutin. Patiemment, Raffensperger les démonte une à une. Non, il n’y a pas eu de bulletins passés à la broyeuse (uniquement des bulletins surnuméraires non remplis détruits, comme le demande la loi). Non, des bulletins n’ont pas été scannés « trois fois ». Non, l’entreprise Dominion n’a pas « remplacé » des composants de ses machines à voter après l’élection. Et le chiffre de personnes décédées ayant voté ? Pas 5.000 comme le soutient Donald Trump mais… « 2 ».
Mais le président américain n’en démord pas. Il assure qu’il a « largement remporté » le scrutin en Géorgie par plus de 300.000 voix. Et puis vient le passage potentiellement problématique : « Il n’y a rien de mal à dire, vous savez, que vous avez recalculé […] Je veux juste trouver 11.780 voix. » Puis Donald Trump insiste, il y a eu une « fraude massive » et certifier les résultats malgré tout est « criminel ». « C’est un délit criminel. Vous ne pouvez pas laisser ça se produire. C’est un gros risque pour vous et Ryan, votre avocat. »
Est-ce illégal ?
De nombreux observateurs, comme le professeur d’histoire de Yale Timothy Snyder, estiment que Donald Trump « a tenté d’organiser un coup d’Etat ». Lundi, l’élu démocrate Ted Lieu, un ex-procureur, a saisi le FBI, demandant l’ouverture d’une enquête. L’ancien inspecteur général du département de la Justice de Barack Obama, Michael Bromwhich, estime que le président américain pourrait avoir enfreint un statut du Code pénal fédéral sur « l’obtention ou le décompte de bulletins connus pour être faux, fictifs ou frauduleux », qui est passible de cinq ans de prison. Il est également interdit par la justice de l’Etat de Géorgie de « solliciter ou d’encourager une personne à commettre une fraude électorale ».
Donald Trump peut-il être inquiété ?
Dans le droit américain, un élément central est l’intention. L’ancien conseiller de Donald Trump Jason Miller assure que l’appel montre simplement que « Trump a demandé un compte exact des bulletins, et il dit qu’il en a obtenu plus de 11.000 de plus que Joe Biden ». Prouver une « intention corrompue » est complexe. Même si le passage « C’est un gros risque pour vous » ressemble à une menace, il s’agissait d’un appel public, avec de nombreuses personnes en ligne. En clair, Donald Trump peut arguer – comme il l’avait fait lors de son appel controversé au président ukrainien Zelensky – qu’il est trop intelligent pour menacer un responsable devant des témoins.
A deux semaines de la prise de fonction de Joe Biden, des poursuites contre Donald Trump semblent improbables. C’est en effet le département à la justice de l’administration Biden qui devra se prononcer. Comme l’explique au New York Times l’ancien président de la Commissions électorale fédérale Trevor Potter, il s’agit d’une décision plus politique que judiciaire. Et Joe Biden aura sans doute davantage envie de se projeter vers l’avant que de se lancer dans une bataille avec son prédécesseur.
Avec 20minutes.fr