NETTALI.COM - Au lendemain de la prise d'assaut du Capitole à Washington, des élus sont revenus sur cette journée de violences, précisant, pour plusieurs d'entre eux, que les hauts responsables de la sécurité leur avaient assuré que tout était sous contrôle.

Alors que la foule envahissait le Capitole, Susan Wild, 63 ans, membre démocrate du Congrès pour la Pennsylvanie, s'est mise à l'abri, se serrant dans une allée étroite d'une galerie du premier étage.

"C'est alors que la situation a commencé à devenir vraiment effrayante", a raconté Susan Wild à Reuters. Alors qu'elle rampait vers une porte pour tenter d'évacuer, des coups de feu ont retenti. La police a crié : "Baissez-vous. Baissez-vous. Baissez-vous !"

Quelques instants plus tôt, alors que des centaines d'émeutiers prenaient d'assaut le bâtiment, des agents de la police du Capitole ont barricadé les élus à l'intérieur de la Chambre des représentants, où ils venaient d'entamer la certification finale des votes électoraux montrant que le démocrate Joe Biden avait battu Trump à l'élection présidentielle de novembre.

"Ce n'est que lorsque les choses se sont vraiment aggravées qu'il y a eu une sorte d'état de panique", a précisé Susan Wild.

Des élus estiment qu'il aurait dû y avoir plus de personnes pour assurer la sécurité, mais la police du Capitole, qui compte 2.000 agents, n'a demandé aucun renfort.

Un haut responsable de la défense américaine a déclaré que le Pentagone avait été en contact avec la police du Capitole la semaine dernière et jusqu'à dimanche, mais qu'on lui avait dit qu'elle n'aurait pas besoin de l'aide de la Garde nationale.

"Nous avons demandé plus d'une fois, et la réponse finale que nous avons obtenue dimanche est que la police du Capitole n'aurait pas besoin de l'assistance du ministère de la Défense", a expliqué Ken Rapuano, le responsable des questions de sécurité au Pentagone.

Le siège qui a fait cinq morts, dont un officier de police, et jusqu'à 60 officiers blessés, a incité les représentants à demander une enquête sur les défaillances de sécurité.

En conséquence, le chef de la police du Capitole, Steven Sund, a présenté sa démission jeudi. Il a qualifié les "émeutes de masse" de "criminelles" et a déclaré que les officiers avaient été "héroïques étant donné la situation".

Le sénateur républicain Lindsey Graham, l'un des plus proches alliés de Trump, a déclaré que les émeutiers, dont beaucoup portaient des armes ou des sacs à dos non fouillés, "auraient pu faire sauter l'immeuble. Ils auraient pu tous nous tuer. Ils auraient pu détruire le gouvernement".

Si la police du Capitole avait été dans l'armée, a-t-il renchérit, "elle aurait été relevée de ses fonctions et très probablement traduite en cour martiale".

La police du Capitole n'a pas répondu à une demande de commentaires jeudi soir.

"NOUS FAISONS DE NOTRE MIEUX"

Pendant des semaines, Donald Trump a appelé ses partisans à participer à une manifestation "sauvage" dans la capitale du pays le 6 janvier pour "sauver l'Amérique".

Dans son discours mercredi, il a répété des allégations sans fondement de fraude électorale lors de l'élection remportée par le démocrate Joe Biden et a exhorté ses partisans à "se battre".

Malgré les signes de danger, plusieurs élus ont déclaré à Reuters que les hauts responsables de la sécurité du Capitole leur avaient assuré, lors de réunions, qu'ils ne s'attendaient pas à des violences lors de l'événement.

Maxine Waters, présidente de la commission des services financiers de la Chambre des représentants, a déclaré qu'elle avait à plusieurs reprises mis en garde le chef de police Steven Sund et d'autres responsables de la police, que des groupes d'extrême droite tels que les Proud Boys et les Oath Keepers prévoyaient de venir sur Washington.

La démocrate californienne a précisé à Reuters que Steven Sund lui avait garantit lors d'un appel téléphonique le 31 décembre que "tout serait sous contrôle".

Elle a rappelé le chef de la police du Capitole pendant les émeutes, alors qu'elle était barricadée dans son bureau avec son personnel. Steven Sund qui semblait calme, lui a répété à plusieurs reprises : "Nous faisons de notre mieux." Elle a répondu : "Ce n'est pas assez bien", et a raccroché.

Reuters n'a pas été en mesure de joindre Steven Sund pour un commentaire jeudi soir.

REFUS D'AIDE

Le secrétaire de l'Armée Ryan McCarthy a confirmé qu'il n'y avait pas eu de plan d'urgence militaire parce que la police du Capitole n'en avait pas fait de demande avant les manifestations.

Les responsables de la Défense ont également déclaré que les rapports de renseignement fournis par les forces de l'ordre ne suggéraient aucune menace du type des violences qui ont éclaté mercredi.

Les estimations sur le nombres de personnes attendues variait énormément, de 2.000 à 80.000 manifestants, ont-ils précisé.

"Il y en avait dans tous les sens", a déclaré Ryan McCarthy, précisant que les militaires comptent sur les forces de l'ordre pour obtenir des informations sur les menaces potentielles lors d'une manifestation.

La participation réelle était difficile à estimer, mais la foule comptait des milliers de personnes, suffisamment pour submerger facilement la police.

Des sources familières des protocoles des départements de la Sécurité intérieure et de la Justice ont également déclaré qu'il n'avait pas été demandé aux agences de fournir des forces de sécurité pour le Capitole, contrairement à leur déploiement lors des manifestations contre le racisme de l'été dernier.

Le ministère de la Justice a déployé mercredi 500 agents du FBI et de quatre autres bureaux au Capitole, mais seulement après le début des émeutes.

L'ancien chef de la police de Washington, Charles Ramsey, a déclaré que cette brèche était le reflet d'une mauvaise planification et d'un manque de leadership.

DES AVERTISSEMENTS INADÉQUATS

La députée Nikema Williams est arrivée dimanche au Capitole pour son premier jour en tant que représentante démocrate nouvellement élue de la Géorgie. Elle se souvient avoir regardé le plafond et pris des photos, en pensant : "je suis dans un bâtiment où je me sens en sécurité, et personne ne passe par ici", a-t-elle déclaré à Reuters.

Le nouveau membre du Congrès Jamaal Bowman, un démocrate, a raconté qu'il a été conseillé aux membres du Congrès d'arriver tôt à leurs bureaux et de rester à l'intérieur des bâtiments en raison des manifestations attendues, mais ils n'ont reçu aucun briefing de sécurité et aucune communication sur les dangers possibles à l'intérieur du bâtiment.

"C'était une débâcle", a-t-il résumé. "Venir au Congrès, qui devrait être l'endroit le plus sûr du pays, et être ici depuis trois jours et voir le Capitole envahi, je suis abasourdi".

Avec Reuters