NETTALI.COM- A quelques heures du vote du projet de loi n° 46/2020 modifiant la loi No 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et l’état de siège, des organisations de défense des droits de l’homme ruent dans les brancards. La Raddho, la Ligue sénégalaise des droits humains ( Lsdh) et Amnesty Sénégal demandent le retrait du projet.
« Nous demandons solennellement aux autorités sénégalaises de retirer le projet de loi n° 46/2020 modifiant la loi No 69-29 du 29 avril 1969 relative à l’état d’urgence et l’état de siège ». La demande est faite par la Raddho, la Ligue sénégalaise des droits humains ( Lsdh) et Amnesty Sénégal à travers un communiqué conjoint. A la place de la modification, ces organisations de défense des droits de l’homme préconisent « l’élaboration rapide d’un projet de Code de la santé dont certaines dispositions seront dédiées à la gestion des pandémies au Sénégal ». Une telle démarche, arguent-elles, « permettra à l’Assemblée nationale et aux organisations de la société civile de contribuer à la protection des sénégalais dans les situations de pandémie et aux autorités sénégalaises de respecter les engagements souscrits dans le cadre des traités africains et internationaux ».
En effet, Me Assane Dioma Ndiaye, Sédikh Niass et Seydi Gassama rappellent dans leur communiqué que cette loi déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale et relative à l’état d’urgence et l’état de siège a pour objet principal d’introduire dans la législation sénégalaise un régime juridique de gestion des crises, catastrophes naturelles ou sanitaires qui permettra à l’autorité administrative de « prendre, en dehors de la proclamation de l’état d’urgence, des mesures visant à assurer le fonctionnement normal des services et la protection des populations ».
Selon leur lecture, le projet vise « à permettre à l’autorité exécutive de se passer de toute habilitation de la représentation parlementaire, chaque fois qu’il s’agira de gestion de crises ou catastrophes naturelles ou sanitaires ». « Une telle marginalisation de l’Assemblée nationale sur des questions aussi importantes que l’exercice des droits des citoyens dans un contexte de gestion des situations d’urgence sécuritaire et sanitaire est inacceptable dans un Etat de droit fondé sur la séparation des pouvoirs constitutionnels », alertent les défenseurs des droits de l’homme. Qui font savoir que « dans un tel système, la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire revêt un statut de droit fondamental qui est inséparable de la protection des droits et libertés consacrés et garantis aux citoyens ».
Il s’y ajoute que, selon eux, « l’urgence sanitaire est différente de l’urgence sécuritaire ». « Elle concerne toute la population et affecte tous les aspects de la vie sociale, économique, publique comme privée, du pays. Elle ne peut donc pas relever d’une loi, même modifiée, sur l’état d’urgence comme l’envisage le gouvernement dans son projet de Loi », indiquent les signataires du communiqué.
C’est pour cette raison, qu’ils demandent le retrait de la loi tout en rappelant que l’Etat sénégalais a prévu, dans le cadre de la mise en œuvre du Plan national de développement sanitaire et social (2019-2028), l’adoption d’un Code de la santé publique dont la fonction principale est de renforcer le cadre institutionnel et juridique de gestion des risques et des urgences sanitaires, afin de répondre aux exigences de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) relatives à la mise en œuvre du Règlement sanitaire international (RSI) auquel le Sénégal adhéré en 2005.
Pour finir, les trois organisations ont tenu à rappeler à l’endroit des sages du Conseil Constitutionnel que « la justiciabilité des droits fondamentaux induit un contrôle de constitutionnalité, abstrait ou concret, a priori ou a posteriori, des normes infra-constitutionnelles ».