NETTALI.COM Le président du mouvement politique Ensemble mène, depuis sa démission de la magistrature, un farouche combat contre les prédateurs fonciers dans la ville de Thiès. L’ex-juge Ibrahima Hamidou Dème entend freiner la spoliation foncière sans fin notée dans cette région.
Rendre au peuple ce qui lui appartient. C’est le nouveau cheval de bataille de l’ex-juge qui, il y a quelques années, a décidé de démissionner de la magistrature. Après avoir claqué la porte, en mars 2018 et tourné complètement le dos à ses collègues parquetiers, Ibrahima Hamidou Dème a entamé un nouveau chapitre dans sa vie. Au sortir des salles d’audience, il a visé le champ politique, en créant son propre mouvement dénommé Ensemble. Mais, aujourd’hui, avec la pause politique observée, du fait de la pandémie de la Covid-19, I’ex-juge Dème a décidé de porter la voix des Thiessois souvent impuissants face aux bradeurs fonciers. Pour lui, il n’est pas question qu’une infime frange de la population s’empare des ressources naturelles de la ville, notamment les réserves foncières restantes.
C’est ainsi qu’en juin 2020, il s’en est vertement pris aux maires des communes de Thiès, en affirmant qu’ils sont à l’origine du pillage organisé “des domaines publics constitués par des espaces verts, des réserves forestières, des espaces non aedificandi qui sont morcelés sans tenir compte de l’impact environnemental et de l’écosystème, notamment les inondations. Pour couronner le tout, de pauvres citoyens sont dépouillés de leurs parcelles par une procédure de désaffectation manifestement illégale et dépourvue de toute utilité publique’’. Quelques semaines plus tard, ce même Dème, sur un plateau de télévision, a eu à démasquer en direct toutes les composantes de la population à qui profite cette spoliation foncière en cours dans la cité du Rail. Parmi cette catégorie socio-professionnelle, des journalistes, des religieux, l’administration territoriale, etc. Pour le cas des membres de la presse qui sont mêlés à cette histoire, il avait demandé au Conseil pour l'observation des règles d'éthique et de déontologie dans les médias (Cored) de se saisir du dossier.
Le combat contre le bradage des terres dans la ville de Thiès, tient ainsi à cœur l’enfant de Diakhao Kanda, dans la commune de Thiès-Nord. Vendredi dernier, l’ancien parquetier est descendu sur le terrain, à Mbour 3 Extension, pour empêcher un individu de s’emparer d’un espace vert d’une superficie de 1 600 m2.
Le “Combattant vert’’ en a encore profité pour mouiller beaucoup de monde et élargir la liste de ceux-là qui soutiennent et bénéficient des actions des spoliateurs fonciers. “Je suis là pour appuyer les populations de Mbour 3 et 4 Extension dans leur combat pour récupérer leur espace vert public. Nous sommes au regret de constater que cette personne, soi-disant attributaire de ce site qui est un espace vert reconnu comme tel par les autorités locales et naguère par les autorités administratives, continue de jeter son dévolu sur cet espace qui appartient à la communauté. Ce qui est désespérant, c’est qu’au début, nous avions constaté être soutenus par les autorités administratives que sont le gouverneur, le préfet, le sous-préfet et quelques autorités locales, les maires de la ville et de Thiès-Est. Les autorités judiciaires, au début, avaient montré une certaine fébrilité. Nous sommes au regret de constater que les autorités judiciaires sont aux côtés des prédateurs fonciers’’, tempête Ibrahima Hamidou Dème.
Une administration territoriale démasquée
Poursuivant, il affirme être prêt à se ranger du côté des populations, pour mettre un terme à ces activités illégales et protéger les terres restantes dans le périmètre communal. Les terres, ditil, appartiennent à toutes les filles et fils de la République. Aussi, rappelle-t-il, il est inadmissible que certains en bénéficient et d’autres pas. “Nous avons grandi dans ce pays, avec notre fierté d’être sénégalais. Mais on se rend compte que, maintenant, c’est une République qui s’est complètement effondrée, parce que quand les citoyens n’ont pas de recours, cela sous-tend que nous sommes dans une situation très grave (…). Quand l’Administration démissionne, de même que les collectivités territoriales et quand la justice démissionne, que restet-il ?’’, se fâche et s’interroge-t-il.
Cependant, celui qui est né à Thiès il y a 46 ans, soutient qu’il ne baissera pas la garde pour laisser le champ libre aux bradeurs fonciers. De plus, il indique qu’il faut que cela cesse et considère que nul n’a le droit de s’attaquer à un espace vert ou d’utilité publique quelconque. Pour ce qui concerne l’espace vert de Mbour 3 dont il est question, le propriétaire, un marabout qui serait proche du président Macky Sall, dit détenir un titre foncier synonyme de toute légalité. Ce dernier a d’ailleurs aménagé le site pour y entamer une construction. Interrogé sur ce litige foncier, le maire de la commune de Thiès-Ouest, Alioune Sow, précise que le bail qu’a brandi le religieux “n’est pas du tout légal’’ et que son équipe et lui vont ordonner l’arrêt des travaux de construction. Ainsi, il révèle que l’autorisation dont il dispose a fait l’objet d’une annulation. Même si elle était jusqu’ici valable, Alioune Sow souligne que face au vœu des populations, il fallait à tout prix procéder à l’arrêt des travaux sur ce site. Une déclaration du maire qui va gonfler à bloc l’ex-juge Ibrahima Hamidou Dème dans son combat pour rendre au peuple ce qui lui appartient.
Pour remporter la bataille contre les prédateurs fonciers qui ont fini de déposer leurs valises dans la ville de Thiès, il appelle à une mobilisation collective. Dans ce même dessein, et au-delà des frontières thiessoises, il invite les citoyens du pays à résister face à ceux qui veulent accaparer toutes les poches de terres restantes. “Nous lançons un dernier appel à la population thiessoise et à tout le peuple sénégalais. Pour dire qu’à Thiès tous les espaces verts ou publics ont été attribués à des particuliers. On a raclé pratiquement Thiès. Il n’y a plus d’espaces publics. Nous avons une Administration complètement politisée. C’est très grave quand l’Administration soutient des personnes qui sont dans une illégalité manifeste’’, s’indigne Ibrahima Hamidou Dème, soulignant que le combat n’est pas gagné d’avance, mais qu’”il faut se donner les moyens pour freiner cette spoliation foncière sans précédent à Thiès ou ailleurs à travers le pays’’.
(Avec Enquête)