CONTRIBUTION - Ils partent sans crier gare, sans dire au revoir, sur la pointe des pieds. Ils ne veulent encombrer personne, ils ne sont pas allés à la rencontre de la maladie. Et pourtant, ce sont les vieux, au dernier moment de leur courte vie, si longue à cause d’une espérance de vie si courte, qui nous quittent.
Ils partent, les vieux, un à un, professeurs, députés, journalistes, administrateurs, agents de l’administration, employés du secteur privé, syndicalistes, patrons, imams, khalifes, chefs traditionnels, grand pères, grand mères, oncles, tantes, pères, mères, homonymes, beaux parents, etc.
Les vieux partent, peu importe leur occupation ou leur richesse, qu’ils habitent les beaux quartiers cossus enveloppés d’un calme qui fait résonner les pas des passants ou dans les villages reculés dans des paillotes austères qui ne résisteront pas à la première tornade du prochain hivernage.
Les vieux partent, la religion en bandoulière et le fatalisme comme bréviaire, ils quittent une société inconsciente et coupable, qui, froidement les a sacrifiés à l’autel de ses dirigeants irrésolus, de l’incivisme de ses membres, des baptêmes, des mariages, des enterrements démesurés, des cérémonies et des manifestations religieuses, des rencontres familiales et mêmes des manifestations socio-politiques.
Les vieux partent, car notre société s’est muée en une société d’apparence et d’apparat. Ne comptent que le luxe, la luxure, le clinquant plaqué or, les liasses de billets de banques neufs et les sons au rythme des chants des laudateurs.
Le pauvre aussi est enivré et emporté par ce délire collectif au parfum de richesses mal acquises, il organise aussi au préjudice de la stabilité de sa famille et de son ménage des cérémonies démesurées.
Personne ne pense aux vieux tellement ils sont humbles dans leurs habits sans éclats. Ils gardent altiers un silence où seuls leurs yeux vitreux parlent d’une parole peu audible aux femmes, aux jeunes et aux griots que la clameur rend sourds.
Chaque jour, les média, les murs de Facebook et d’autres réseaux sociaux annoncent la mort d’une vieille personne célèbre ou anonyme du grand public. La liste est interminable ! S’arrêtera-t-elle un jour ? Sans doute, lorsque tout le monde sera vacciné, verrons-nous alors la fin de cette horreur silencieuse qui écrête irrésistiblement les plus anciens.
Mais enfin, nous sommes des êtres humains dotés de raison et d’émotions, sommes-nous capables de nous ressaisir dans la dignité de notre humanisme, la compassion et la générosité envers nos vieux pour que le virus de la covid19 ne passe pas par nous pour les atteindre. C’est aussi un sursaut en l’honneur de l’être humain que nous sommes !
Unis et engagés, nous vaincrons
Mary Teuw Niane
25 janvier 2021