NETTALI.COM - Docteur en économie, KhadimBamba Diagne émet des réserves sur les restrictions et espère qu’elles seront bientôt suspendues, pour des raisons économiques.
Le Sénégal vit de plein fouet la seconde vague avec son lot de restrictions. Est-ce que notre économie peut la supporter ? Dans un entretien accordé au quotidien Enquête, l’économiste Khadim Bamba Diagne croit savoir que « cela risque d’être très compliqué, pour ne pas dire que c’est impossible ». « D’abord, le taux d’endettement est déjà trop élevé, frôlant la limite des 70 % (critère de convergence de l’UEMOA). Certes, on n’est pas tenu de rester sous la barre de ces 70 %, mais ce sera à nos risques et périls. Nous perdons notre crédibilité sur le marché international, si on dépasse ce seuil. Certains bailleurs ou Etats partenaires peuvent nous prêter avec des taux d’intérêt très élevés », dit-il.
« Sur un autre plan, fait-il remarquer, il y a une diminution du volume des recettes fiscales. Il faut savoir que l’Etat gagne sur presque toutes les transactions. Si l’activité baisse, les recettes de l’Etat vont baisser. Et comme l’économie n’aime pas les incertitudes, les gens vont diminuer leurs dépenses pour se prémunir. Cela entraine une baisse de la consommation, qui va se répercuter sur les recettes de l’Etat ».
Khadim Bamba Diagne d’avancer que le grand perdant de tout ça, c’est l’Etat et les prochaines générations. « On est en train de prendre l’argent de la prochaine génération qui va supporter l’endettement, pour protéger la génération actuelle. On peut quand même espérer que si Abdoulaye Daouda Diallo fait l’état des finances au président de la République, au mois de janvier, ce dernier va peut-être revoir ses décisions», mentionne-t-il.
A la question de savoir si un durcissement des mesures n’est pas économiquement envisageable, l’économiste rétorque : « Tout dépend des informations que le ministre des Finances donnera au président de la République. Si on constate une baisse drastique des recettes, alors que les dépenses augmentent, je pense que le gouvernement sera obligé de revoir sa copie. Rappelons que quand le président de la République prenait les mesures d’assouplissement, lors de la première vague, le virus était encore là. Si de telles mesures avaient été prises pour des raisons sanitaires, elles ont été suspendues pour des raisons économiques. Si la même situation se pose, je pense qu’il va adopter la même posture. Si, malgré une baisse des recettes, on s’entête à maintenir les mesures, c’est que l’Etat veut se pendre. Il s’est pendu, mais il a les moyens d’enlever la corde. Il faut savoir que même les pays développés, à un moment donné, se sont rendu compte qu’ils ne peuvent mettre en œuvre certaines mesures, même si la situation sanitaire le recommandait. Jusqu’à présent, ils sont hésitants. Au Sénégal, on a l’impression que les gens découvrent la mort, qu’ils ne l’ont jamais connue auparavant ».