NETTALI.COM - Tout commence d’un point de vue médiatique, un certain vendredi 5 février après que le journal « Les Echos » a barré à sa une « Ousmane Sonko, accusé de viol et de menaces de mort » avec des sous titres qui évoquent la fréquence de l’homme politique dans un salon de massage où « il se présente régulièrement en qualité de client… et exige toujours des faveurs sexuelles » ; le ras bol de la masseuse dénommée Adji Sarr : « je n’arrive plus à vivre sous ses viols répétés. Je vis dans un stress perpétuel et un dégoût de mon corps ».
Et le journal de nous apprendre que cette dernière et sa patronne ont été longuement auditionnées, le jeudi 4 février à la Section de recherches et l’auteure de la plainte «envoyée chez un spécialiste pour des prélèvements ». Et le même quotidien de nous livrer la réaction d’Ousmane Sonko qui affirme n’avoir été « informé d’aucune plainte, ni par voie d’huissier, ni par assignation » et encore moins « par signification ».
Une affaire rapidement reprise par les sites d’informations en ligne. C’est le déchainement sur les réseaux sociaux. Et beaucoup d’internautes pro Sonko ont vite fini de crier au complot et y sont allés de leurs commentaires pour dire qu’ils s’y attendaient. Ce d’autant qu’ils avaient maintes et mille fois été prévenus de complots en vue.
Une réaction qui était évidemment attendue, celle d’Ousmane Sonko, a très vite été notée sur sa page Facebook. Le président de Pastef-Les Patriotes balaie ainsi d’un revers de main ce qu’il qualifie de « mensonges crapuleux » tout en se plaçant sur la posture de l’homme politique persécuté. « Après les financements russes, après les liens avec le Mfdc, après les financements par l’état islamique, après la plainte pour diffamation portant sur les 94milliards, après la plainte fantoche de Franck Timis et tutti quanti, après les dizaines de millions de Tullow oil, après les mallettes de Karim Wade et Yaya Diamé…, voici venue l’affaire des viols répétitifs sous la menace de deux pistolets, en présence de témoins et avec envoi préalable de Sms par le violeur pour annoncer son arrivée à sa victime », écrit celui-ci. Qui constate : « Aucun homme politique n’a jamais été autant diffamé, calomnié et persécuté en si peu de temps. Et c’est révélateur de leurs tentatives de déstabilisation, aussi inlassables que vaines. ». La liste des accusations est longue, si l’on en croit ses conclusions. Réaction à chaud, mais certainement avec moins de recul à ce stade.
Et le leader des patriotes, de montrer qu’il n’est pas surpris par ces accusations ainsi qu’il le fait remarquer : « Nous savions qu’après les liquidations de Khalifa Sall et Karim Wade, le nouvel attelage de Macky Sall n’avait qu’une mission : liquider Sonko à tout prix avant 2024, y compris en manipulant des individus pour une besogne aussi abjecte. » Mieux, ajoute-t-il, « depuis des mois, des amis, y compris de l’intérieur, n’ont cessé de m’alerter sur un complot à venir portant sur des questions de mœurs, puisque tous les autres avaient lamentablement échoué ».
L’emballement médiatique
Samedi 6 février, c’est l’emballement médiatique alors que beaucoup de quotidiens se sont intéressés à l’affaire. Bon nombre de titres ont ainsi repris les termes du démenti pour relever l’aspect complot que Sonko a affirmé ; là où d’autres se sont intéressés au salon de massage, au contenu des auditions. « Libération » nous a par exemple appris que les enquêteurs vont remettre une convocation au leader du Pastef ce week-end, tout en nous informant que le salon a été investi. La même convocation de Sonko est mise en avant par « Les Echos ». « Vox Populi » lui, a relaté les témoignages de la propriétaire du salon et nous informe qu’elle a blanchi Ousmane Sonko.
« Source A » s’est quant à lui intéressé au salon de massage où ce dernier s’est rendu et nous a informés que « les activités du salon étaient jusque-là inconnues de la plupart des riverains, avant d’ajouter que les annonces ainsi que les images sur la page du salon sont d’une sensualité explosive ». « Le Quotidien » y est allé de sa titraille bien astucieuse consistant à un jeu de mots mais ironique à la fois « Les sweet d’un massage » pour ne pas dire « les suites d’un massage » en référence au nom du salon, tout en mettant en sous-titre, la réaction de Sonko : « après Karim et Khalifa, Macky veut me liquider avant 2024 »
Un témoignage de la propriétaire des lieux a toutefois tenté de disculper l'ex-inspecteur des impôts. Et l’on peut entendre sur un audio qui a circulé, celle-ci affirmer qu’ « il ne peut y avoir de viol, dans la mesure où les deux chambres (la salle de massage et celle des parents) sont séparées par un mur. S’il y avait viol, on aurait entendu quelque chose. » Et la version de la dame accrédite l’idée que Sonko passait régulièrement dans le salon : « Sonko passait là-bas de temps en temps, qu’il n’est pas du genre à faire ça. Si elle était occupée, Ousmane ne faisait pas son massage à visage découvert. Il mettait toujours un turban sur son visage ». La patronne du salon n’a toutefois pas hésité à jeter le discrédit sur son employée : « Elle a aussi été surprise au téléphone et quelqu’un lui disait de tout faire pour le faire éjaculer. Et le jour de son départ, elle disait au téléphone que c’est fait. La nuit même, deux hommes sont venus la prendre dans un véhicule de marque 4X4 noir, en ces temps de couvre-feu ».
Quid des relations entre la dame et Ousmane Sonko ? Relations de confiance ou relations personnelles ? Amy Diop, tantôt Absa Diagne ou Fina Coulibaly, la patronne de "sweet beauty spa" qui se nomme en réalité Ndèye Khady Ndiaye et est la patronne de l’institut “Sweet Beauté Spa” a d'abord été placée en garde à vue avant d’être relâchée. Il lui est reproché les délits de proxénétisme, d’incitation à la débauche et de diffusions d’images contraires aux bonnes mœurs.
Opération lavage à grande eau et questionnements
Ousmane Sonko, a-t-il subitement senti l’étau se resserrer autour de lui qu'il a senti le besoin de s'exprimer ? En tout cas, dimanche soir, c’est à un rebondissement qu’on a eu droit après sa réaction sur sa page facebook que l’on croyait suffisante à ce stade. Il nous a d’ailleurs fait savoir qu’il avait bossé depuis le matin jusqu’à 16 H avec ses conseils. Il a dû sentir un coup fourré avant de remettre une couche sur conseils avisé de ses avocats certainement. L'option était dès lors de se montrer plus précis que sur sa page facebook où beaucoup n'ont pas senti un démenti quant aux raisons de sa présence dans ce salon de massage.
Dans sa déclaration faite à son domicile - largement relayée par la presse télévisuelle, les sites d’informations et le lendemain par l’ensemble de la presse écrite à l’exception notable du quotidien « Le Soleil » - il annoncé qu’il ne déférerait pas à une convocation, le lendemain lundi 8 février, couvert qu'il est par son immunité parlementaire. Dans une sortie digne des ténors du barreau, le leader de Pastef se livrera à une véritable plaidoirie, évoquant les raisons de sa présence dans ce salon qu’il lie à des raisons médicales. « Sweet Beauty », un endroit qui selon lui, détient un agrément en bonne et due forme. Il informera avoir au passage même recueilli l’avis d’un religieux pour savoir s’il était permis à un musulman de se faire masser par des femmes, d’autant plus que dans ce salon, n’officie aucun homme. Il précisera également avoir exigé à chaque fois, la présence de deux masseuses.
Le leader de Pastef a, se basant sur les propos tenus par un proche de la dame, auparavant déclaré que la rondelette somme de 15 millions F Cfa a été proposée à la propriétaire du salon pour le mouiller. Pis, accuse-t-il encore, le procureur de la République a donné ordre aux gendarmes d’enfermer la patronne de « Sweet Beauty », « alors que son enfant est un bébé prématuré qui ne pèse que 800 g (...) Ils sont à prêts à tuer un bébé uniquement pour pousser sa mère à charger Ousmane Sonko. Du jamais vu en politique ».
Après ce fut l'offensive guerrière puisqu'il a noté un complot fomenté par Macky Sall dans le but de le « liquider », estimant qu'"il n’a pas le courage d’affronter ses adversaires à armes égales et ne connait que les armes non-conventionnelles". Ousmane Sonko ira même plus loin, accusant le ministre de l’Intérieur et le procureur de la République de tirer les ficelles. « Un crime n’est jamais parfait. Le voleur laisse toujours des traces », a-t-il, par ailleurs, soutenu. Aussi, demandera t-il à ses militants et partisans de se mobiliser : « On ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Le changement nécessite des sacrifices. Ce n’est plus une affaire de commentaires, il faut se battre et ne pas rester sur les réseaux sociaux. On ne doit montrer aucun signe de faiblesse ».
Une affaire qui tombe mal pour Ousmane Sonko, le principal opposant du moment. Et certains analystes de la presse qui excluent toute possibilité de viol, y sont même allés de leurs commentaires, relevant un manque de prudence de celui-ci pour avoir prêté le flanc, surtout pour un politique de son envergure et principal opposant du moment.
Difficile en effet de croire que Sonko ait pu violer la jeune masseuse à plusieurs reprises, dans ce lieu habité, sans qu’elle n’ait eu une seule fois à se plaindre ou à crier. Ce que d’ailleurs avance la propriétaire du salon. Dire aussi que Sonko avait deux (2) armes avec lesquelles, il l’aurait menacée, semble tout aussi invraisemblable. Et même à supposer que quelque chose se serait passé entre elle et lui, cela voudrait dire qu’il y a à ne pas en douter, consentement. Mais on ne peut nullement être affirmatifs. La justice s'en chargera en toute indépendance, osons-nous croire. La jeune masseuse a, semble-t-il voulu corser l’addition au point d’exagérer la menace, si tant est qu’elle existe.
Dans "Le témoin" de ce mardi 9 février, Pape Ndiaye se pose la question de la moralité et des moeurs des hommes politiques qui aspirent à nous diriger. Et selon lui, que cette affaire "soit une machination diabolique ou un complot politique ourdi, toujours est-il qu’une personnalité politique comme le leader de Pastef ne doit pas se rendre nuitamment dans un salon de massage." Avant de s'interroger : "A quoi ça sert la kinésithérapie à domicile ?", puis de se lancer dans une comparaison : " en tout cas, l’affaire de Sonko nous rappelle celle de l’ancien patron du Fmi Dominique Strauss-Kahn dont la carrière politique avait été brisée par une histoire de moeurs." Pour le journaliste, un homme politique respectable doit éviter certains milieux douteux et fréquentations équivoques ayant pour enseignes : « discothèques », « bars », « salons de massage », « casinos » etc "Rien que le fait de s’être rendu dans ce salon de massage constitue un crime…social pour Sonko dans la mesure où bon nombre d’établissements de ce genre sont des lieux de débauche. Et même si le salon « Sweet Beauté Spa » était géré par des masseurs (hommes), les détracteurs de Sonko auraient pu l’accuser d’accointances gay ! Comme quoi, il devait éviter ce genre de milieux !", ajoute-t-il
Le journaliste ne manque d'ailleurs pas de citer un médecin orthopédiste- traumatologue, selon qui, de nombreuses personnalités politiques, diplomatiques et autres richissimes patients qu’il a eu à traiter ou opérer, font leurs séances de massages thérapeutiques à domicile. « Ce, avec des tarifs plus ou moins abordables de 25.000 cfa par séance. Mieux, ce sont des kinésithérapeutes professionnels voire diplômés d’Etat qui se déplacent à domicile pour accompagner les patients pour tout type d’acte de kiné. Avec une ordonnance de votre médecin, les actes de kinésithérapie à domicile sont comme ceux qui se font dans les hôpitaux car ils prennent en charge la rééducation, le renforcement musculaire, la kinésithérapie respiratoire ou d’autres types. Mieux, le massage thérapeutique à domicile est plus discret et moins contraignant » explique ce médecin spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologique. Juste histoire de dire qu’Ousmane Sonko aurait pu bénéficier facilement des séances de massage à domicile comme le recommandent certains médecins.
Des affrontements, des saccages et des soutiens
Ce lundi 8 février, répondant à l’appel de leur leader, des partisans d’Ousmane Sonko, déterminés à le défendre, ont, dès les premières heures de la matinée, pris d’assaut la maison de leur leader sise à la cité Keur Gorgui pour dire non à ce qu’ils considèrent comme un complot politique. Les journaux de ce mardi 9 février sont ainsi largement revenus sur cette journée et ont globalement évoqué les manifestations teintées de violence et de saccages. Et les quotidiens sont revenus sur le saccage "des symboles de la France" (Auchan Sacré Cœur dont la devanture est incendié, "Total Khar Yallah", Orange... (par Walf Quotidien), les domiciles de Mahmouth Saleh et de Mamour Diallo à Louga, des bus Dakar Dem Dikk, 2 véhicules du Prodac à Cité Keur Gorgui. Des pneus sont brûlés sur l’axe rond-point boulangerie jaune-Liberté 6. Des blessés sont enregistrés selon "Source A" dont Assane Diouf, touché à la tête, un policier assommé par une brique.
Les policiers présents sur les lieux pour sécuriser le quartier, ont dû procéder à des arrestations de personnes venues apporter leur soutien au président et député de Pastef dont la procédure de la levée de l’immunité parlementaire devrait être enclenchée, malgré l’opposition de Toussaint Manga qui refuse de la voter. Abdoulaye Wilane, député de la majorité, a sur la 7 TV, sans être très explicite, déploré l’irruption des histoires de mœurs dans la vie publique, avant d’appeler à l’élégance dans l’adversité politique, sans toutefois dire clairement s’il votera oui ou non, la levée de l’immunité parlementaire du député Sonko.
Sur le champ de l’opposition, le Front de Résistance Nationale ( FRN) est monté au créneau pour apporter son soutien à Ousmane Sonko. S’indignant des accusations de viol portées contre la personne de Ousmane Sonko, il a appelé à une mobilisation pour faire face au régime de Macky Sall qui, selon lui, veut réduire l’opposition à sa plus simple expression.
A travers un communiqué, Aliou Sané et compagnie de "Y'en a marre" a mis en garde les autorités étatiques contre toute instrumentalisation de notre pouvoir judiciaire à des fins politiciennes. Guy Marius Sagna de Frapp a également publié un communiqué pour dénoncer "les violences physiques faites sur des citoyens venus témoigner leurs soutiens à leur leader..."
Une affaire qui ne manque pas de conséquences pour l’un des premiers quotidiens à avoir évoqué le sujet après « Le Quotidien », le journal « Les Echos », victime d’ « attaques par appels téléphoniques » et « des posts sur les réseaux sociaux », si l’on en croit le Synpics qui est monté au créneau pour dénoncer ces faits. « Le Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal a ainsi « appelé à la sérénité et au sens de la responsabilité de tous » et a dit suivre « avec un grand intérêt les développements de cette affaire en ce qu’elle semble désormais non pas opposer l’accusatrice et l’accusée, mais constituer un prétexte pour certains de jeter le discrédit sur la presse sénégalaise, par tout moyen, y compris la violence verbale et/ ou physique » Il convient juste de rappeler que beaucoup d’internautes avec cette affaire, se sont mis à rappeler et à dénoncer la posture du journal "les Echos". Ce dernier avait en effet informé que le guide des Moustarchidins était atteint de Covid (une info qui avait coïncidé avec le saccage du journal « Les Echos »). Un fait qui, pour beaucoup relevait de la vie privée du marabout lorsqu'il ne considérait pas l'info tout simplement fausse.
Dans tous les cas, cette affaire qu’on ne peut déconnecter de la politique, n’a pas encore livré tous ses secrets. Au-delà des spéculations des uns et des autres, la section de recherches détient certainement des informations que nous n’avons pas à notre disposition. Et l’on s’achemine vraisemblablement vers la levée de l’immunité d’Ousmane Sonko dans le courant de la semaine. Affaire donc à suivre.