NETTALI.COM - Pourquoi dans cette affaire au demeurant privée où la présumée victime Adji Sarr qui a porté plainte contre Ousmane Sonko pour viol et menaces de mort, la ligne de défense du leader patriotique, est-elle principalement adossée au complot politique ? Même si ce dernier se défend par ailleurs d’être coupable de ce dont on l’accuse.
Ceux qui abordent l’affaire sous l’angle du complot, ne se fondent en réalité que sur ce qui leur a semblé, dès le départ, assimilable à de la précipitation à convoquer le député, sans avoir au préalable pris le soin de lever son immunité parlementaire. Me El Hadji , avocat, arguera du flagrant délit qui selon lui, devrait motiver la convocation du député, l’étayant par une certaine « clameur publique ». Son objectif est évidemment d’être être conforme avec la définition qu’il impute au code pénal. Or, rien manifestement à ce stade, ne peut permettre de penser qu’on est face à un flagrant délit, comme dans le cas de Bougazelli, député au moment des faits.
Les tenants de cette thèse du complot politique ne se gênent point de rappeler que deux opposants jugés et emprisonnés avant d’être graciés, Karim Wade et Khalifa Sall notamment, l’ont été sur la base de motivations politiciennes. Selon ceux-là, ces deux politiques aspiraient au pouvoir.
Dans le cas de Khalifa Sall, même s’il avait tenté de justifier ce qu’on lui reprochait, par des pratiques perpétuées par ses prédécesseurs, le traitement de son dossier était et demeure suspect aux yeux de ses partisans et soutiens. Ces derniers avaient noté une promptitude telle qu’ils s'étaient dit et se disent toujours qu’il y a eu une volonté manifeste de mener l’ancien maire de Dakar à l’échafaud. En autres arguments, certains collaborateurs du maire n’étaient pas inquiétés au moment de la procédure, alors que leur responsabilité ne pouvait nullement être écartée dans l’affaire. Ce qui accréditait que seul que Khalifa Sall les intéressait. Par la suite d’ailleurs, ceux-là avaient brandi la manière très expéditive dont le procès a été menée. Ce qui avait laissé penser que la politique ne devait pas et ne pouvait pas être absente du dossier, d’autant plus que Khalifa Sall n’était pas prêt à accepter un compromis en lâchant Dakar et le trône du Parti socialiste occupé par l’alors très inamovible feu Ousmane Tanor Dieng. Au sein de ce parti historique, il avait été accusé lui et quelques membres d’avoir voulu orchestrer un putsch contre OTD.
Dans le cas de Karim Wade, l’on a pu évoquer le fait qu’il avait été le seul à être poursuivi parmi 25 personnes qui devaient être traduites devant la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). Ce qui semblait accréditer le côté sélectif des poursuites, alors Macky Sall avait déclaré au cours d'une de ses sorties qu’il avait mis des dossiers sous le coude. La suite montrera que beaucoup d'entre eux, pour ne pas dire la quasi-totalité, seront recyclés pour certains dans le gouvernement ou à d’autres postes. Toujours est-il qu’ils n’avaient pas été poursuivis. Tous coupables ou pas ? Personne ne sait. Concernant cette juridiction, la Crei, il était d’un point de vue juridique, surtout question de décrier les principes qui la gouvernent et qui incitent fortement à l’irrespect des droits de la défense. A savoir l'inversion de la charge de la preuve qui veut que l’accusé produise la preuve qu’il ne s’est pas enrichi de manière illicite, en justifiant son train de vie et son enrichissement. Or, dans la procédure judiciaire habituelle, c’est le parquet qui prouve la culpabilité de l’accusé. De même l'inexistence d’un double degré de juridiction qui ne permettait pas de faire appel après un premier jugement, violait un principe qui est la faculté de faire juger à nouveau une affaire, lorsqu’une partie est insatisfaite, et par des juges plus expérimentés que ceux de la première instance. Autant de griefs contre cette cour.
Au-delà il y a eu les commissions rogatoires qui n’ont pas produit des résultats à la hauteur des montants annoncés comme étant le produit de l’enrichissement de Wade fils. Ce qui a suivi, a laissé, à ne pas en douter, penser à l'existence d’une main politique derrière cette affaire. De plus, ces mêmes tenants du complot politique, pointent du doigt, la manière aussi expéditive que rocambolesque dont Karim Wade est sorti de prison, suite à sa grâce et qui ne peut pas ne pas faire penser à une volonté de se débarrasser d’une patate chaude. Aux yeux de certains, ce dernier ne devait nullement rester au Sénégal et jouer les trouble-fêtes. Pour Doha, il lui avait été servi un billet aller sans retour dans une sorte de prison de luxe à ciel ouvert, alors que celui-ci avait maintes et mille fois programmé un retour qui n’a jusqu’ici pas eu lieu. Même la rencontre Wade-Macky à Massalikoul Djinan que l’on avait vue comme un acte qui allait sceller les retrouvailles de la famille libérale et surtout la résolution du cas Karim Wade, a pour le moment accouché d’une souris. La suite, on la connaît. Oumar Sarr, Me El hadji Amadou Sall et Babacar Gaye qui ont formé un groupe de dissidents, ont abandonné Me Wade pour rallier le maquis. Farba Senghor et Pape Samba Mboup aussi.
Récemment lors de sa conférence de presse de fin d’année au palais, le président Sall avait déclaré : “Il y a certaines personnes, si vous les mettez en prison, vous courrez le risque de créer une instabilité dans ce pays. C’est ce qui fait que, sur certains dossiers, j’ordonne au ministre de la Justice de dire au procureur de cesser les poursuites entamées.’’ ? Est-ce, ce qu’Ousmane Sonko a compris lorsqu’il appelait récemment à quitter les commentaires de réseaux sociaux et à devoir aller se battre ? Surfait-il sur cette vague-là ? Difficile d’être affirmatif, mais ces propos avaient été tenus quelque temps après l’épisode des centres de redressement de Serigne Modou Kara. Des propos en tout cas troublants de Macky Sall et d'autant plus incompréhensibles dans une république où tous doivent être des justiciables au même titre, même s’il existe des privilèges de juridictions pour certaines catégories de populations. Ce qui ne veut point cependant dire rupture de l’égalité devant la loi.
Ce sont justement ce genre de déclarations qui assombrissent les esprits et laissent penser qu’il y a des citoyens qui peuvent être traités différemment, selon leur proximité vis-à-vis du pouvoir ; ou en fonction de leur statut ou de leurs postures du moment.
Me Wade lui s'est invité au banquet et a accrédité la thèse du complot politique, tout en reprochant une erreur à Sonko "J’ai le sentiment que Sonko a manqué de prudence et a été piégé. Apparemment, son inexpérience a été exploitée par un adversaire puissant et futé qui connaît ses faiblesses. Je condamne cette façon d’éliminer un adversaire politique.", a dit l'ancien président.
La sensibilité et le statut de l’opposant Sonko, empêcheur de tourner en rond du pouvoir, aurait quand même dû pousser les autorités à prendre en compte cet aspect avant de lui envoyer une convocation pour ce fameux lundi. Non seulement, celui-ci annonçait la veille qu’il ne déférerait pas à la convocation, mais les faits de destruction, de violence, ont montré qu’il aurait dû être convoqué en suivant la procédure qui passe inévitablement par la levée de son immunité parlementaire. Ce qui ne justifie toutefois pas l’attitude de ses partisans et soutiens.
Mais au-delà de tous ces aspects qui peuvent laisser penser à une main politique derrière, selon en tout cas l’avis des partisans de Sonko et de certains autres observateurs de la scène politique, l'homme politique qu’il est et qui aspire au pouvoir, n’a pas la même considération que le commun des Sénégalais. Son rang de 3ème à la dernière présidentielle, le désigne de fait comme chef de l’opposition pour être le plus à même de faire face au président Macky Sall, lors de prochaines joutes, s’il est candidat bien sûr. Idrissa Seck n’est certes pas dit son dernier mot parce qu’en politique les circonstances jouent fortement - mais son entrisme, a semble-t-il, aux yeux de certains analystes, laissé place à une déception et donc forcément, un effritement de son électorat au profit certainement de Sonko (20,50 % pour Idy contre 15,67% pour Sonko). Ousmane se devait dès lors d’être irréprochable surtout qu’il avait un positionnement orienté sur la morale politique, tout en étant en même temps considéré comme un personnage pieux au point que certains lui collaient même des accointances salafistes.
Sa posture de victime après avoir été limogé de son poste d’inspecteur des impôts et domaines, sans oublier tous les dossiers qu'il a ébruités (94 milliards, Petrotim, etc) l’avaient rapidement propulsé au-devant de la scène d’une opposition porteuse de ruptures, allant même jusqu’à être nommé « candidat de l’anti-système ». Des erreurs et des couacs ne peuvent pas manquer dans la vie d’un opposant - comme lorsqu’il a rendu visite à Me Wade symbole du système même ; ou encore cette opposition à Mansour Faye par rapport à cette fameuse audience qu’il avait niée - Avoir fréquenté une salle de massage, est considéré comme immoral pour un opposant de sa trempe et de sa stature. On l’attendait ailleurs que dans ce genre d’histoires en tant qu’ « ennemi public numéro 1 » du pouvoir.
Le monde de la politique foisonne de ce type d’histoires assimilées à des complots politiques dans lesquels des adversaires ne semblent pas se faire de cadeaux ; et dans lesquels il y a des soupçons d’instrumentalisation de la justice pour éliminer des rivaux. Combien de fois Poutine a-t-il tenté d’éliminer son opposant et empêcheur de tourner en rond, Navalny ? En l’emprisonnant voire de l’éliminer physiquement ? Le cas Dominique Strauss Kahn que beaucoup voyaient comme un potentiel présidentiable, est frais dans les mémoires. En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, sont considérés comme des victimes de Ouattara qui les aurait, semble-t-il écarté de la présidentielle en les retenant à l'étranger ? La suite a montré que le pouvoir a été plus avenant à leur endroit, une fois la victoire au score soviétique de Ouattara proclamée.
En France, le procès Fillon jugé, a été considéré comme une affaire politico-judiciaire survenue pendant la campagne présidentielle de 2017 et portant sur des soupçons d’emplois fictifs, concernait Pénélope son épouse, à un moment où le candidat de la droite et du centre était en position de favori. L’affaire connut un important retentissement médiatique et provoqua pendant plusieurs semaines, la remise en cause de sa candidature par certains membres de son parti politique. Fillon avait refusé de désister de sa candidature malgré sa mise en examen. Il est finalement défait au premier tour de l'élection présidentielle, le 23 avril 2017. Une enquête qui s'est étendue d’ailleurs aux costumes de luxe offerts à François Fillon depuis 2012 totalisant une valeur de plusieurs dizaines de milliers d'euros, avec un réquisitoire supplétif contre X pour trafic d’influence ainsi qu'à des accusations de « faux et usage de faux » et « escroquerie aggravée »
Sous nos cieux, le cas qui s’apparente le plus à cette affaire qui domine l’actualité, c’est l’affaire qui opposait Diombass Diaw et Oumar Sarr et qui a trait à des questions de moeurs. Le premier a été victime d’un chantage politique orchestré par des adversaires politiques du Pds qui l’avaient filmé en mauvaise posture dans un hôtel de la place. Le tribunal de Dakar avait d’ailleurs condamné les coupables à six mois de sursis et 20 millions de dommages et intérêts aux coupables.
Au-delà, une affaire privée...
Mais une fois que tous ces précédents avec des soupçons de mains politiques rappelés, devrait-on tout ramener à une question de complot politique dans ce dossier Sonko-Adji Sarr ? Assurément non. Dans cette affaire, c’est Sonko qui n’aurait pas dû prêter le flanc. Mais étant donné que le délit de massage n'existe pas, l’on ne peut condamner le leader que d’un point de vue moral et éthique. Et ça, ça ne peut dépendre que de l'opinion de tout un chacun sur le sujet. Mais au-delà, l’affaire doit rester une simple affaire privée et se régler au niveau judiciaire de la manière la plus impartiale possible par cette justice que beaucoup décrient à tort ou à raison.
L’Acte 1 de levée de l’immunité du député vient d’être posé, ce jeudi 11 février par l’Assemblée nationale. Une demande initiée par le ministre de la Justice, Malick Sall, suite à la saisine du juge d’instruction du 8e cabinet par le procureur de la République. Le parquetier en chef lui a transmis un réquisitoire introductif avec le procès-verbal n° 078 en date du 5 février 2021 de la Section de recherches de la gendarmerie. Une commission ad hoc devrait ainsi être installée le 17 février en séance plénière et l’étape suivante, l’audition du député Ousmane Sonko qui pourra se faire assister par un collègue s’il le désire, conformément à la procédure.
Rappelons-le, c’est une information judiciaire visant X pour viols, menaces de mort et diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs qui a été demandée au magistrat instructeur. A charge pour lui d’identifier la personne X. Ce qui laisse entrevoir deux hypothèses : Ousmane Sonko est soit entendu à titre de témoin ou alors, il est directement inculpé sur la base des éléments de preuves que le juge détient. Dans les deux cas, le mandat de dépôt n’est pas automatique, mais elle reste soumise à la seule discrétion du juge.
Dans le cadre de son travail, le juge ne regardera qu’une chose : est-ce que les éléments constitutifs de l’infraction qu’on reproche au leader de Pastef (le viol en l’occurrence) sont constitués ou non. C’est tout ce qui l’intéresse. Tout autre commentaire est du domaine du superflu.
Au finish, tout le tintamarre et cette bataille médiatique ne devront pas pouvoir changer le cours des choses. Car autant Sonko bénéficie de la présomption d’innocence, autant la jeune femme a des droits. Evoquer les mœurs légères de cette dernière, n’est pas la clef du problème. Et la question ne consistera pas à juger la moralité d’Ousmane Sonko mais plutôt de voir s’il est coupable ou non de ce dont on l’accuse.
Il importe aussi, même si la justice est accusée à tort ou à raison d’être inféodée au pouvoir exécutif que l’affaire soit traitée avec impartialité, sans ingérence de l'exécutif. Certains travers ou attitudes tendancieuses pourraient accréditer ce que les patriotes pensent tout haut et n’arrêtent pas de crier sur tous les toits.
Rappelons-le tout de même que c’est une information judiciaire visant X pour viols, menaces de mort et diffusion d’images contraires aux bonnes mœurs qui a été demandée au magistrat instructeur. A charge pour ce dernier d’identifier la personne X. Ce qui ouvre la voie à deux hypothèses : Ousmane Sonko est soit entendu à titre de témoin ou alors, il est directement inculpé sur la base des éléments de preuves que le juge détient. Dans les deux cas, le mandat de dépôt n’est pas automatique, mais elle reste soumise à la seule discrétion du juge.
Beaucoup de calme et de sérénité seront nécessaires à la résolution de ce cas. De la vigilance également, car il y va de la stabilité du pays.