NETTALI.COM - Au début, elle est une affaire privée. A l'arrivée, l’affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko est devenue une affaire nationale aux relents politiques. Le tout exacerbé par une communication bancale des tenants du pouvoir qui, pourtant, avaient mis en place une «task force république» qui avait pour but de donner plus de punch à la communication du pouvoir en place.
L’affaire Ousmane Sonko a fini de révéler qu’au sommet de l’Etat, il y a toujours des couacs dans la communication. Aucune ligne directrice n’est tracée. Aucune coordination n’est faite. Point d'éléments de langage de partagés pour mieux émettre les messages. Chacun communique à sa guise, s’invite sur les plateaux de télévision ou les stations de radio de son choix, en dehors de tout contrôle des instances du Parti au pouvoir, de l’Apr, ou de la coalition présidentielle et Benno Bokk Yaakaar. L'objectif est clair. Prouver au président-leader qu’on le défend bien. Mais ce qu'ils ignorent en réalité, c'est qu’en agissant de la sorte, ils ont fini par ancrer dans la tête de certains Sénégalais que l’affaire Adji Sarr est bien un complot ourdi par les tenants du pouvoir, comme le leader de Pastef, Ousmane Sonko, l’a toujours soutenu, aidé en cela par ses partisans. A l’arrivée, l’opinion est divisée sur le sujet.
Et pourtant, tout au début, lorsque l'information a été rendue publique, Sonko était en bien mauvaise posture. Car, malgré ses accusations de complot, aucun membre de la mouvance présidence n’avait voulu piper mot sur le sujet. En effet, c'est à peine s'ils ne se contentaient pas de dire que l'affaire ne concernait en qu'une jeune fille de 20 ans et le leader de l’opposition. Une communication qui n'arrangeait pas du tout le leader de Pastef et lui indiquait de se défendre plutôt que d'invoquer des raisons politiques.
Il a fallu que les journalistes de France 24-Rfi réussissent enfin à faire dire quelques mots de cette affaire au président Macky Sall pour que les langues commencent à se délier du côté du pouvoir. Le ton était donné. Faits marquants, les communicants du palais et quelques parlementaires, à la suite du ministre de la justice qui dédouanait le président de n'avoir aucun lien avec l'affaire, rentrèrent dans la danse : Abdou Latif Coulibaly, Seydou Guèye, Yakham Mbaye, Abdou Mbow, Adji Mergane Kanouté, Pape Birame Touré, Sira Ndiaye, Babayel Sow… ont alors fait le tour des plateaux pour disserter sur la question. La balance avait dès lors commencé à pencher du côté de Sonko, car le complot que lui et ses partisans avaient tant chanté, en plus de cette convocation qui a tourné court pour aboutir à la garde à vue du leader pour troubles à l'ordre public, ont fini de jeter le trouble dans l'esprit d'une certaine opinion.
Cette communication outrancière par des membres du régime n'a pas vraiment arrangé les choses. L’affaire privée est ainsi devenue une affaire publique. Et les manifestations tous azimuts de bandes de jeunes pillant, saccageant et brûlant, ont même fini de transformer l'affaire en un dossier politique où se sont mêlées la question du 3ème mandat, celle de l'Etat de droit, de l'indépendance de la justice et de l'état de la démocratie sénégalaise.
Une attitude des tenants du pouvoir d’autant plus incompréhensible qu’il y a quelques mois, une task force républicaine avait été portée sur les fonts baptismaux dans le but de revitaliser la communication gouvernementale. En effet, Macky Sall avait constaté qu’au niveau de la majorité présidentielle, la communication manquait de panache, tout en étant sans grand impact. Les sorties de l’opposition rendaient en effet quasi invisibles les réalisations du gouvernement. La conclusion était que ces failles relevées, tenaient plus à la faiblesse des arguments du camp présidentiel qu'à la force des arguments des opposants. Aussi, un groupe composé de vingt (20) directeurs généraux, trois (3) députés et de sept (7) ministres, fut désigné pour porter la communication de la mouvance présidentielle. La Task Force Républicaine (Tfr) est née. Selon son coordonnateur Birame Faye, cette nouvelle trouvaille est «un cadre de réflexion, d’échange, d’animation politique et de formulation de propositions sur la conduite des affaires publiques et la vie du parti». A l'arrivée, elle n'a été que l'ombre d'elle-même. Aura-t-elle été efficace ? Il y a bien lieu de s'interroger sur son caractère pléthorique qui relevait plus d'une volonté de n'exclure personne que de la nécessité du nombre ; en plus des inaptitudes de certains d'entre eux à la communication.
Le hic est qu’il y a eu comme une sorte d’embrouillamini qui s’est installé dans la tête de beaucoup de responsables et qui a fini par attribuer cette même tâche à la Convergence des Cadres Républicains (Ccr) dont l’objectif principal demeure la vulgarisation de la vision du Chef de l’Etat, tout en lui servant de bouclier contre ses détracteurs.
C'est entre autres l'une des causes de ces cafouillages notés dans l’affaire Ousmane Sonko, que l'on peut aussi déceler dans pratiquement toute la communication gouvernementale. Il y avait une autre trouvaille, celle du "gouvernement face à la presse". Qu'est-elle devenue ? Une bonne question à 1 000 000 de francs CFA. Le pouvoir semble en tout cas bien désorienté face à la gestion de cette affaire.