NETTALI.COM - Jadis respecté, adulé pour sa connaissance du droit constitutionnel, même s’il y a plus brillants que lui, Ismaël Madior s’enfonce chaque jour davantage dans des délires auxquels il est le seul à croire. Il tient manifestement à son poste de ministre. Pardon ministre d’Etat auprès du président de la République. Il ne faut surtout pas le dévaluer. Il tient tant à son "Etat". Cela s’est vu dans sa manière de le préciser à l’émission « D'clique » sur la TFM.
Il doit bien y a voir quelques délices dans le fait d’être ministre d'Etat pour qu’un homme en soit à ce point réduit à mettre toute sa liberté, son devoir d’honnêteté à si rude épreuve. Seraient-ce les escortes de motards, les garde-à-vous au palais, les gardes du corps, la Mercedes, les litres d'essence, le fait d’être désigné comme un homme important en public ou de rencontrer quelquefois Macky Sall, les honneurs, le titre ? Difficile de savoir ce qui peut faire courir un homme à ce point ! Quand on est prof, on peut dire ce qu'on veut, mais lorsqu'on ne l'est plus, on peut taire la vérité ! Une manière de résumer ce que le constitutionnaliste a cherché à dire. Choisir de taire la vérité, n’est-ce pas une manière de ne pas la dire ? Fall a en tout décidé de se ranger du côté de ceux qui servent le président et pas le peuple. C’est sa liberté. Concédons-le-lui. Mais de là à nous faire comprendre que son fameux "en principe" prononcé au cours de l’interview avec le journal « Enquête » était dit "comme ça", c’est à dire avec beaucoup de désinvolture !
Ismaël est un prof d’université, mais encore un prof de droit constitutionnel. Il est plus rigoureux qu’il semble nous faire croire le contraire. Ce droit qui nous donne autant d’urticaires et de cheveux blancs, requiert un certain niveau d’analyse, de cohérence, et la rigueur. Qu’il aille faire croire son baratin à d’autres ! Et comme pour dire qu’il n’en a cure des critiques de Pape Cheikh Diallo qui le qualifie de « tailleur constitutionnel », lui se définit comme un "tailleur de haute couture". Bref, de quoi désespérer de ce prof qui prétend enseigner de par le monde. Ismaël nous a même appris que Macky Sall n’est dans le Conseil supérieur de la magistrature qu’ « à titre symbolique » ! Il est « l'arbitre ». En cas de problèmes dans un contexte de "gouvernement des juges" que fait-on ? Semble-t-il demander ? L'on sort bien groggy de cette émission !
Le juge Téliko et l’ancien parquetier Alioune Ndao, au cours de l’atelier de ce jeudi 25 mars 2021 de l’Union des magistrats sénégalais sur le thème « L’Etat de droit et indépendance de la Justice : Enjeux et perspectives de réformes » lui ont indirectement répondu.
Pour Téliko, le président de l’Ums, « certains peuvent s’interroger sur l’opportunité de tenir une rencontre sur ce thème de l’indépendance de la justice qui a déjà fait l’objet de plusieurs séminaires, alors même que notre système judiciaire est confronté à bien d’autres difficultés qui méritent tout autant, notre attention (…) Le service public de la justice peut, certes, souffrir de dysfonctionnements liés au manque d’équipements, de locaux ou de personnel ; il n’en perdra pas pour autant, nécessairement, sa crédibilité ». « Mais dès lors que, aux yeux du public, elle donne l’impression de manquer d’impartialité ou d’indépendance, la Justice perd une bonne partie de ce qui fait sa force : la confiance des justiciables», dira-t-il. La conviction de Souleymane Téliko est que «sans une indépendance garantie et assumée, la justice perd en crédibilité et en autorité ». « Car, déduit-il, ce n’est pas la force qui fait la justice, mais, plutôt, la justice qui fait la force. Par conséquent, travailler à préserver ce lien primordial de confiance constitue un devoir pour chacun de nous ».
L’ancien parquetier à la retraite Alioune Ndao n’est pas loin d’accréditer cette dépendance de la justice vis-à-vis de l’exécutif. « Je peux revenir sur la manière dont j’ai quitté la CREI pour dire simplement qu’elle est la preuve du mépris que le pouvoir exécutif a à l’endroit du pouvoir judiciaire. Je n’en ai jamais parlé et je n’en parle pas avec rancœur. Ce n’est pas pour régler des comptes mais cela révèle le mépris que le pouvoir exécutif a à l’endroit du pouvoir judiciaire. Comment peut-on relever un procureur en pleine audience parce que simplement le procureur était en train de faire son travail correctement ? L’ancien procureur de la Crei ne manque d’ailleurs pas d’ajouter : « malgré tous les beaux discours sur l’indépendance de la Justice, la réalité est que la Justice, en ce moment, est inféodée au pouvoir exécutif. Elle se porte très mal. Il me semble impérieux de retirer au garde des Sceaux ce pouvoir de proposition de nomination pour le confier à un organe indépendant qui sera chargé de recevoir les appels à candidature des magistrats et de les soumettre au Conseil supérieur de la magistrature. On voit régulièrement des ministres donner des instructions de non poursuites à des magistrats du parquet qui les exécutent. Ce qui est tout à fait illégal. Il faut restituer aux magistrats du parquet leur indépendance dans le cadre de la mise en mouvement et de l’exercice de l’action publique ».
L’affaire Sonko qui semble plongée dans une sorte d’impasse qui ne dit pas son nom, a aussi intéressé Alioune Ndao. S’adressant à la presse, celui-ci a évoqué l’affaire « Sweet beauty » en ces termes : « Je demande à la justice de faire sereinement et de manière impartiale son travail. Si ce qu’on reproche à Sonko est établi, qu’on le traduise en justice. S’il y a des preuves qui sont apportées, que les juges prennent la décision qui convient. S’il n’y a rien qu’on le laisse partir. A ce stade de l’instruction, si le dossier est vide, si le juge d’instruction estime que le dossier ne comporte rien, il peut prendre un non-lieu. Mais, si le juge est convaincu qu’il y a des éléments qu’on le renvoie en jugement en toute impartialité sans subir de pression ni d’un bord ni de l’autre. »
Le parquetier à la retraite a aussi mis les pieds dans le plat du 3ème mandat. « Tout le monde sait que Macky Sall n’a pas droit à un troisième mandat. Lui-même le sait. La constitution est claire. Nul n’a le droit d’avoir deux mandats consécutifs. Donc, qu’Antoine fasse attention ! Macky Sall n’a que trois ans qui lui restent au pouvoir. Qu’il ne te mette pas dans des situations difficiles ! Il est un politicien et il peut sortir facilement de cette situation. Ceux qui soutiennent le contraire sont avec lui et ils ne lui disent que ce qui lui plait. Ils sont de mauvais conseillers. Un bon conseiller, c’est celui qui va dire à Macky Sall qu’il n’est pas meilleur que les 16 millions de Sénégalais, c’est le bon Dieu qui a voulu qu’il soit président et la constitution prévoit deux mandats. Je lui conseille de respecter ces deux mandats et de partir », a exhorté celui-ci qui a plutôt semblé aller au secours du constitutionnaliste Ismaël Madior qui ne pouvait piper mot sur le sujet, à l’émission D’clique sur la TFM. Ce dernier n’a malheureusement pas pu répéter ce qu’il avait eu à dire au sujet de la possibilité ou non d’un 3ème mandat pour Macky Sall. Aussi, s’est-il fendu d’un haussement d’épaules pour éviter de s'engager dans ce qu’on cherchait manifestement à lui faire confirmer. Sa loyauté et son devoir de réserve l’en empêchent !
Le bon baromètre selon quelques magistrats à l'atelier de l'Ums pour accréditer ou non l’indépendance de la justice, c'est le caractère prévisible de la libération de Guy Marius Sagna, Birame Soulèye Diop, Abasse Fall, Clédor Sène et Assane Diouf.
L'intrépide Guy, lui n’a pas mis beaucoup de temps pour reprendre du service. A peine, est-il sorti de prison qu’il s’est mis à dénoncer les mauvais traitements dans les prisons sénégalaises. « J’avais observé une grève de la faim en prison. Arrivé à la prison du Cap Manuel, on m’a dit que l’unité téléphonique est facturée à 100 francs. Même si l’appel ne passe pas, tu perds tout en payant 10 minutes, soit 1.000 francs », a fait savoir Guy Marius Sagna face à la presse. Il a également cité « le pain omelette à 400 F Cfa », l'indigne et l’inhumaine surpopulation carcérale communément appelé paquetage.
Et l’on ne peut manquer de se demander si cela n’a pas été la raison de l’affectation de Khadidiatou Ndiouck Faye, la directrice de la Maison d’arrêt du Cap Manuel. Elle n’a pas été emportée par la sortie de l’activiste Guy Marius Sagna, si on en croit la hiérarchie. « L’affectation de la Directrice de la Maison d’arrêt et de correction du Cap Manuel en date du 12 mars 2020 n’a rien à voir avec les raisons évoquées dans la presse », précise une note. « Cette mutation, selon la même source, intervient en même temps que celle des directeurs (Thiès, Diourbel, Mbour, Dagana et Podor). Il s’agit bien d’un mouvement général concernant les directeurs après celui des Inspecteurs en date du 24 février 2024. »
Toujours est-il qu’à l’heure du dégel politique, alors que Sonko poursuit ses rencontres de remerciements, c’est le report des locales acté en conseil des ministres qui fait débat. Le plus hallucinant est que ce sont les politiques qui décident de tout alors que les administrés n'ont que le droit de se taire et de subir. La vérité est que sous nos cieux, l’on donne beaucoup trop d'importance aux politiques qui ne sont dans leur grande majorité utiles qu'à eux-mêmes. Et les chefs d’entreprise eux, ne compteraient que pour du beurre. Sacré pays qui marche sur la tête ! A défaut de régler les différends en justice, c’est désormais le dialogue qui le fait. Et si on remettait alors le pouvoir aux marabouts plus crédibles aux yeux des populations et plus écoutés que les politiques ? Ce serait déjà un grand pas.