NETTALI.COM - Selon une version répandue et entretenue par une certaine presse, Alioune Badara Cissé a été débarqué sans ménagement du ministère des Affaires étrangères fin octobre2012, parce qu’il aurait eu des contacts téléphoniques avec un proche de John Obi, un trafiquant de drogue nigérian. L’intéressé bat en brèche cette thèse et porte de nouvelles révélations, sur ce limogeage, qui aura fait couler beaucoup d’encre et de salive.
Pendant longtemps, il est resté mutique sur les circonstances de son départ du gouvernement, sept mois après l’élection de Macky Sall en 2012. Ce soir, sur le plateau de « Quartier Général », Alioune Badara Cissé a vidé son sac et promis de balancer d’autres secrets, en insistant sur l’imminence de cette sortie.
ABC qui consent à préciser qu’il « gênait », confie que Macky Sall ne lui a pas encore fourni une explication claire au sujet de ce limogeage au fort retentissement médiatique. « Je lui ai dit, Monsieur, j’ai besoin de savoir ce qui s’est réellement passé, jusqu’à présent il n’a pas encore répondu. Je ne trahis aucun secret parce que tout ça, je le dirai un jour ou je l'écrirai un jour et ça peut être imminent », rappelle l’invité de la TFM.
Tout au plus, relève-t-il, le président Sall lui a reproché d’avoir quitté une délégation sénégalaise à Bruxelles qu’il (Macky) conduisait pour aller à Bamako. Sur ce point précis, Badara Cissé raconte une anecdote : à savoir qu’une fois à Bamako, il a trouvé sur place un haut responsable du Sénégal venu représenter le pays de la téranga, à une rencontre regroupant de grandes organisations internationales, alors que cette prérogative devait lui être réservée. « C’était une première alerte », fera remarquer l’ancien ministre des Affaires étrangères.
C’est après que l’un des questionneurs, Abdoulaye Cissé en l'occurrence, a déterré l’affaire John Obi, pour la relier à son limogeage que ABC, a daigné rapporter ce qu'il prend pour la vérité des faits.
Pour mémoire, il se dit qu’un satellite américain aurait capté des contacts téléphoniques suspects entre ABC et un proche de John Obi, un trafiquant de drogue nigérian condamné en 2010 à sept ans de réclusion et incarcéré à Saint-Louis.
Alioune Badara Cissé est revenu sur ce fameux article du journal "Le Quotidien" qui a ouvert la boite de Pandore. L’ex-chef de la diplomatie sénégalaise a indexé un « tapage médiatique inédit magistralement organisé ». « J’ai eu mal, parce que ce sont des mensonges venus du camp auquel je croyais appartenir jusqu'à la mort », dira-t-il ; non sans rappeler qu’il envoya une citation directe au patron de "Avenir Communication", Madiambal Diagne. « Il n’a jamais comparu. Il y a eu un jugement le condamnant et condamnant son organe à être suspendu pendant quelques mois, à me payer des dommages et intérêts. Je me considère comme un patriote. Je voulais juste réparer le tort qui m’a été fait en l'obligeant à prouver ses écrits, mais je n’ai jamais exécuté la décision. Je voulais laver mon honneur », déclare Alioune Badara Cissé.
Toutefois, révèle-t-il, l’avocat de "Avenir Communication" l’a supplié de tout laisser tomber. Ainsi, excipe M. Cissé, parlant de son confrère avocat pour justifier son désistement : « Je ne pouvais rien lui refuser. On a prêté serment le même jour. En 2004, on devait gérer ensemble un dossier qui concernait l'autorité avec laquelle je travaillais. Pour moi l’affaire devait être étouffée. Il a pris la responsabilité d’étouffer cette affaire. Comme on l’a étouffée, je ne vais pas y revenir ce soir. C’était une dette et c’est pourquoi, quand il m’a demandé de tout laisser tomber, je n’ai pas hésité ».
Qu’à cela ne tienne, mentionne-t-il : « Je ne vais pas attendre d’être ministre des Affaires étrangères, côtoyer de grandes personnalités comme Hilary Clinton, Laurent Fabius, voire des chefs d’Etat qui me faisaient prendre le PV lors de grandes réunions, pour devenir trafiquant de drogue. Je suis avocat. Je connais trop bien John Obi. Parmi mes clients, y a même des prostitués, des meurtriers, des contrebandiers et d’autres types de délinquants. J’ai des amis partout. Je défends les causes qui me sont soumises et contre lesquelles je ne peux pas faire objection de conscience ».
« Le propriétaire du journal, qui avait fait écrire l’article par un stagiaire blanc qui est rentré à son pays juste après, est plusieurs fois venu à mon bureau et l’on n’a jamais parlé de l’article incriminé, on a passé l'éponge », renchérit ABC, qui répète, comme une ritournelle, qu'il ne sait pas encore pourquoi Macky l'a limogé.
« Ce que Serigne Sidy Makhtar Mbacké m’a confié »
En tout cas, précise-t-il, de retour de La Mecque, après sa défénestration, il s’est rendu directement à Touba et l’alors khalife général des Mourides, feu Serigne Sidy Makhtar Mbacké, lui a intimé l’ordre de garder le calme. ABC de préciser : « Cheikh Ndiaye, son plus proche chambellan m’est témoin. Il (feu le khalife) m’a dit qu’il ne sert à rien de courir derrière un voleur qui ne va pas s’échapper ».
« C’est pourquoi, lors de la cérémonie de passation de service, j’ai remercié Serigne Sidy Makhtar Mbacké en disant que c'est lui qui a calmé mes ardeurs », se remémore-t-il, déplorant être resté un an après son limogeage sans rencontrer Macky Sall.
Aujourd’hui, ABC semble ne pas regretter sa mise à l’écart. « Le pouvoir a des impératifs », justifie-t-il. Il pense que ce n’est pas parce qu’il a contribué, en première ligne, à l’élection de Macky Sall qu’il doit être nécessairement rétribué par une nomination dans le gouvernement.
« On m’a enlevé du gouvernement, j’ai un métier et je suis retourné au barreau comme avocat. Quand un chef d’Etat ne vous fait plus confiance pour exercer un poste, vous devez l’accepter avec philosophie. Ce que l’on faisait, on le faisait pour le pays. Il m’a proposé d’autres postes avant de me nommer ministre des Affaires étrangères, j’avais décliné car je ne pensais pas pouvoir remplir les missions liées à ces postes. Macky Sall nous dépasse en termes de passé politique et d’expérience administrative. Je n’ai eu aucun complexe à le soutenir et le défendre », dira-t-il.
« Le médiateur de la République, sauf pour la haute trahison, il est protégé comme le président de la République et on ne peut pas le démettre comme ça. Peut-être que ceux qui demandaient ma démission, n’ont pas bien compris les textes qui organisent la Médiature de la République », réplique-t-il, encore.
Pour finir, le médiateur de la République qui milite pour la réhabilitation de la Primature, a mis en garde Macky Sall contre toute velléité de se présenter en 2024, pour un 3e mandat.